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BGer 1B_668/2021 vom 04.01.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1B_668/2021
 
 
Arrêt du 4 janvier 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
 
Chaix et Haag.
 
Greffière : Mme Arn.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Laura Emonet, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
 
Objet
 
Détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 5 novembre 2021 (1010 - PE21.018268-SDE).
 
 
Faits :
 
A.
Le 21 octobre 2021, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (ci-après : Ministère public) a ouvert une instruction pénale à l'encontre de A.________ pour tentative de meurtre. Il lui est reproché d'avoir, le même jour, vers 12h30, à Lausanne, intentionnellement heurté son ex-avocat et actuel curateur au moyen de son véhicule. Ce dernier, blessé, a dû être transporté au CHUV. Entendu par la police et le Ministère public, A.________ a contesté avoir volontairement heurté la victime, expliquant qu'il s'agissait d'un accident.
Le casier judiciaire du prévenu comporte une condamnation pour vol prononcée le 19 mars 2021 par le Ministère public à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende.
Le 21 octobre 2021, le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) d'une demande de mise en détention provisoire, en raison des risques de collusion et de réitération; il a précisé qu'une expertise psychiatrique était envisagée. Par ordonnance du 22 octobre 2021, le Tmc - après avoir entendu A.________ - a ordonné sa détention provisoire pour une durée maximale de trois mois, en raison du risque de collusion compte tenu des mesures d'instruction en cours, dont l'audition des témoins et de la victime, et du risque de réitération concrétisé par la gravité des faits.
B.
Par arrêt du 5 novembre 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours déposé par A.________ contre l'ordonnance du 22 octobre 2021. Elle a en substance considéré que les charges étaient suffisantes, que des risques de collusion et de récidive existaient qu'aucune mesure de substitution ne pouvait pallier et, enfin, que le principe de la proportionnalité était respecté.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit pénal, A.________ demande, sous suite de frais et dépens, au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 5 novembre 2021 et l'ordonnance du 22 octobre 2021 en ce sens qu'il est immédiatement relaxé, éventuellement moyennant l'obligation de porter un bracelet électronique. Il requiert aussi l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt attaqué et renoncent à se déterminer.
 
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; art. 212 al. 3 et 237 al. 1 CPP). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP).
Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH).
3.
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre.
3.1. Selon l'art. 221 al. 1 CPP, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé, c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
3.2. Le recourant soutient qu'il n'a pas volontairement heurté la victime. Il expose qu'il avait décidé de se rendre en voiture chez son médecin pour prendre rendez-vous, qu'il avait ensuite stationné dans une contre-allée à proximité du cabinet de son médecin afin de l'appeler mais y avait finalement renoncé puisqu'il était l'heure de la pause. Il a ajouté qu'en voulant repartir, il avait appuyé de manière soudaine et involontaire sur l'accélérateur, le tapis de sol s'étant coincé entre les pédales du véhicule, et qu'il avait ainsi heurté involontairement la victime. Le recourant soutient entre autres que ses déclarations ne sont pas contradictoires et que celles des témoins ne sont pas pertinentes dès lors qu'ils ne peuvent avoir aucune idée de la raison pour laquelle son véhicule s'était subitement mis en mouvement. Le prévenu ajoute que plusieurs témoins auraient pensé à quelque chose d'anormal en raison de la réaction de la victime qui aurait, d'après eux, immédiatement parlé de tentative de meurtre.
Compte tenu des arguments avancés par le recourant, il sied de lui rappeler qu'il n'appartient pas au juge de la détention d'examiner en détail l'ensemble des considérations de fait, pas plus que de procéder à une appréciation complète des éléments à charge et à décharge; il lui incombe uniquement de vérifier, sous l'angle de la vraisemblance, que le maintien en détention repose sur des indices de culpabilité suffisants (cf. ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1). Or, tel est le cas en l'espèce. L'instance précédente pouvait en effet à juste titre considérer qu'il existait, à ce stade initial de l'enquête, un faisceau d'indices suffisant pour justifier le placement en détention provisoire du recourant. Quoi qu'en pense ce dernier, constituent de tels indices les témoignages recueillis sur place par la police selon lesquels le recourant, qui avait stationné sa voiture dans une contre-allée, l'avant en direction de la route, aurait démarré en trombe, sans motif apparent, pour aller délibérément heurter la victime (cf. procès-verbal des opérations, mention du 21.10.2021). Le recourant a par ailleurs admis être en conflit avec la victime (dont l'Etude d'avocat est située à proximité du lieu des faits considérés) contre laquelle il a déclaré avoir déposé plainte, précisant même avoir porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme (cf. procès-verbal d'audition par la police du 21 octobre 2021, D. 12). Cet élément peut également être pris en considération même si le détail de la relation conflictuelle entre la victime et le prévenu n'a pas encore été clarifié. Quant aux explications données par le recourant sur les faits qui lui sont reprochés, elles apparaissent en l'état confuses et contradictoires. En effet, selon les constatations de l'instance précédente, il ressort du procès-verbal des opérations que, dans un tout premier temps, le recourant aurait indiqué à la police qu'il avait perdu la maîtrise de son véhicule alors qu'il téléphonait; cependant, l'examen de son téléphone portable ne fait état d'aucun appel (cf. procès-verbal des opérations, mention du 21.10.2021). Ensuite, lors de son audition par la police, le recourant a d'abord expliqué avoir stationné son véhicule dans la contre-allée afin de se rendre à pied chez son médecin, puis y avoir renoncé après avoir constaté qu'il se trouvait sur une place de stationnement privée et qu'il était l'heure de la pause de midi (cf. procès-verbal d'audition du recourant par la police D. 2). Il a ensuite modifié ses déclarations en indiquant qu'il s'était immobilisé pour consulter son téléphone et qu'il pensait appeler son médecin (cf. procès-verbal d'audition du recourant par la police, D. 5). Enfin, le fait que le recourant a déclaré ne pas avoir tout de suite reconnu son ex-avocat et actuel curateur alors même qu'il affirme le connaître depuis deux ans apparaît peu crédible (cf. procès-verbal d'audition du recourant par la police, 1, D. 10 et 11).
3.3. La condition des charges suffisantes posée à l'art. 221 al. 1 CPP est dès lors réalisée. Sur ce point, le recours est donc mal fondé.
4.
Le recourant reproche ensuite au Tribunal cantonal d'avoir retenu l'existence de risques de récidive et de collusion. Il soutient en outre que des mesures de substitution permettraient de réduire les risques retenus.
4.1. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 3.1; arrêts 1B_150/2021 du 16 avril 2021 consid. 4.1; 1B_112/2020 du 20 mars 2020 consid. 3).
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1).
Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.
4.2. Le recourant est poursuivi pour tentative de meurtre. Les faits qui lui sont reprochés sont particulièrement graves, puisqu'ils touchent à la vie et à l'intégrité physique, et peuvent être pris en considération dans l'examen du risque de récidive (cf. consid. 4.1). Comme relevé par l'instance précédente, la thèse de l'accident apparaît à ce stade de l'enquête peu crédible. Compte tenu de la gravité des faits considérés, un risque de réitération peut en l'occurrence être retenu même en l'absence d'antécédents judiciaires (cf. consid. 4.1 ci-dessus). Le recourant se prévaut ainsi en vain du fait que sa précédente condamnation pour vol (art. 139 ch. 4 CP) n'avait rien à voir avec les faits reprochés aujourd'hui. En tout état, il y a lieu de relever que cette précédente condamnation a été prononcée à peine 7 mois avant les présents événements: cela tend à démontrer que l'octroi du sursis dont a bénéficié le recourant ne l'a pas dissuadé de commettre à bref délai une autre infraction, cette fois d'extrême gravité. Enfin, on ne saurait reprocher à l'instance précédente d'avoir considéré que les circonstances du cas d'espèce pouvaient laisser penser, au tout début de l'enquête, que le recourant souffrait d'un trouble psychiatrique et qu'il convenait en l'état de poser un pronostic défavorable dans l'attente de l'avis des experts psychiatres.
Au regard des considérations précédentes, ainsi que de la nature des faits examinés, la mesure de substitution proposée par le recourant, sous la forme d'un engagement de sa part de ne pas contacter ou approcher la victime, assorti de l'obligation de porter un bracelet électronique, n'est pas s uffisante pour pallier le risque de récidive. Quoi qu'en pense le recourant, on ne voit pas qu'un bracelet électronique puisse l'empêcher efficacement de mettre à nouveau en danger la victime. Il se justifie en l'occurrence d'attendre l'avis des experts psychiatres sur le risque de réitération et sur les mesures et/ou traitements qui pourraient être entrepris afin de le diminuer (arrêt 1B_94/2014 du 21 mars 2014 consid. 3.2 et les arrêts cités, publié in SJ 2014 I 408). Il appartiendra le cas échéant au Ministère public d'interpeller les experts afin d'obtenir un premier avis sur ces questions (ATF 143 IV 9 consid. 2.8).
4.3. Le maintien en détention étant justifié par le danger de récidive, il n'est pas nécessaire d'examiner si cette mesure se justifie également en raison d'un risque de collusion.
4.4. C'est donc à juste titre que la Chambre des recours pénale a confirmé la décision du Tmc de mise en détention provisoire du recourant.
5.
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Les conditions y relatives paraissant réunies, il y a lieu d'admettre cette requête et de désigner Me Laura Emonet en tant qu'avocate d'office pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 et 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Laura Emonet est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué à l'avocate du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi que, pour information, à la mandataire de B.________.
 
Lausanne, le 4 janvier 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
La Greffière : Arn