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BGer 4A_370/2021 vom 10.01.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
4A_370/2021
 
 
Arrêt du 10 janvier 2022
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les Juges fédérales
 
Hohl, Présidente, Niquille et May Canellas.
 
Greffier : M. Douzals.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________ SA,
 
représentée par Me Lezgin Polater,
 
recourante,
 
contre
 
B.________,
 
représenté par Me Andrea Rusca,
 
intimé.
 
Objet
 
contrat de prêt de consommation (art. 312 ss CO),
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la Chambre civile de la
 
Cour de justice du canton de Genève
 
(C/25199/2017, ACJC/731/2021).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________ SA (ci-après: la société suisse, l'emprunteuse ou la recourante) est une société anonyme suisse cotée à la bourse de.... De janvier 2010 à décembre 2015, C.________ en a été l'administrateur.
Jusqu'en janvier 2010, les actions de la société suisse étaient détenues, à hauteur de 45 % pour chacun d'eux, par son cofondateur, B.________ (ci-après: le cofondateur, le prêteur ou l'intimé), et celle qui était alors son épouse. Quatre autres actionnaires se partageaient les 10 % restant des actions.
A.b. Par contrat du 8 janvier 2010 intitulé " Share Purchase Agreement ", les actionnaires de la société suisse ont cédé leurs actions à E.________ SA (ci-après: la société polonaise), société polonaise également cotée à la bourse de... et dont les administrateurs et actionnaires majoritaires étaient, jusqu'en 2014, C.________ et son fils, D.________.
Dans le contexte de ce contrat, le solde du compte courant actionnaire du cofondateur auprès de la société suisse, qui s'élevait au 31 décembre 2009 à 2'945'513 fr. 13, a été converti en prêt accordé à la société suisse.
Ledit contrat stipulait par ailleurs que la société suisse et le cofondateur signeraient une convention séparée relative au remboursement du prêt.
A.c. Par contrat de prêt du 8 janvier 2010, le cofondateur a accordé à la société suisse un prêt d'un montant maximal de 3'000'000 fr. et dont les intérêts s'élèveraient à 3 % l'an.
Ledit contrat prévoit que le solde de la dette, soit 2'000'000 fr., est considéré comme un prêt jusqu'à ce que l'emprunteuse réalise un bénéfice net de 2'000'000 fr. au cours d'une année donnée après 2010. Les remboursements ne pouvaient dépasser 20 % du bénéfice annuel net consolidé du groupe E.________ SA (ci-après: le groupe) et aucun remboursement (capital et intérêts) ne pouvait être effectué avant le 1er janvier 2013 et tant que l'emprunteuse était en situation de surendettement.
Aux termes de l'art. 6 du contrat de prêt, si, dans un délai de cinq ans après la signature dudit contrat de prêt, le groupe ne réalisait pas un bénéfice net consolidé de 3'000'000 fr. sur une base annuelle, le prêt serait annulé et comptabilisé dans les revenus financiers de l'emprunteuse.
A.d. L'emprunteuse s'est acquittée auprès du prêteur des intérêts convenus pour les années 2010 à 2014.
A.e. Pour l'exercice comptable 2012, le groupe a réalisé un bénéfice net consolidé correspondant à environ 4'400'000 fr.
Pour l'exercice comptable 2013, l'emprunteuse a réalisé un bénéfice net de 2'694'000 fr.
A.f. Par courrier du 16 juin 2014, le prêteur a relevé que le groupe avait réalisé un bénéfice annuel net consolidé d'au moins 3'000'000 fr. en 2012 et que l'emprunteuse avait, pour sa part, engrangé un bénéfice annuel net de plus de 2'000'000 fr. en 2013, et a requis de celle-ci le remboursement de la moitié du solde du prêt, soit 1'000'000 fr., l'autre moitié devant revenir à son ex-épouse.
A.g. En 2014, une société tierce a acquis une majorité des actions de la société polonaise. C.________ a alors vu ses mandats d'administrateur de cette société et de l'emprunteuse révoqués.
L'emprunteuse a allégué que la nouvelle direction de la société polonaise avait appris que les états financiers de celle-ci avaient été établis de manière erronée au cours des années précédentes et que des transferts de fonds avaient été effectués par C.________ au détriment de la société polonaise.
Deux réviseurs ont été mandatés par la société polonaise pour analyser la situation. Selon la traduction libre du rapport établi par F.________ le 28 février 2015, des irrégularités ont été constatées dans l'établissement des comptes de la société polonaise mais la comptabilité de cette société avait été effectuée conformément aux principes polonais de comptabilité et le système de contrôle interne de la comptabilité pouvait être considéré comme correct. Il ressort de la traduction libre du second rapport, effectué par G.________ le 21 octobre 2016, que, après corrections, le groupe avait réalisé des bénéfices de 955'000 fr. en 2010, de 2'852'000 fr. en 2011, de 2'824'000 fr. en 2012 et de 1'209'000 fr. en 2013, puis des pertes de 18'445'000 fr. en 2014 et de 6'284'000 fr. en 2015.
A.h. Le 12 mars 2015, l'emprunteuse a produit une attestation à l'attention du prêteur, lui confirmant qu'il détenait à son encontre une créance de 1'000'000 fr. et précisant que le remboursement du prêt était soumis à certaines conditions contractuelles.
A.i. Par courrier du 14 janvier 2016, l'emprunteuse a, dans le contexte de la révision de ses comptes au 31 décembre 2015, demandé au prêteur de lui confirmer le montant de sa créance à cette date-ci. Celui-ci lui a répondu qu'elle lui devait le montant de 1'000'000 fr. et les intérêts y relatifs pour l'année 2015.
A.j. Le 29 août 2016, le prêteur a fait notifier à l'emprunteuse un commandement de payer pour un montant de 30'000 fr., intérêts en sus, à titre d'intérêts dus pour l'année 2015 conformément au contrat de prêt. Celle-ci a formé opposition.
Par arrêt du 29 septembre 2017, la Cour de justice du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de cette opposition.
 
B.
 
B.a. Le 30 octobre 2017, l'emprunteuse a déposé son action en libération de dette à l'encontre du prêteur auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève, concluant à ce qu'il soit constaté que le contrat de prêt litigieux était résolu depuis le 8 janvier 2015 et qu'elle ne devait pas au prêteur le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, faisant l'objet du commandement de payer contesté. En substance, elle a invoqué que la condition résolutoire prévue à l'art. 6 du contrat de prêt s'était produite, dans la mesure où le groupe n'avait, en réalité, pas réalisé des bénéfices annuels nets consolidés d'au moins 3'000'000 fr. durant les années 2010 à 2014, comme cela ressortait du rapport établi par G.________.
Le prêteur a conclu au déboutement de l'emprunteuse et à la condamnation de celle-ci à lui verser le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition qu'elle avait formée et, à titre reconventionnel, à la condamnation de l'emprunteuse à lui verser trois fois le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, à titre d'intérêts dus conformément au contrat de prêt pour les années 2016 à 2018. Selon lui, le bénéfice annuel net consolidé du groupe, au sens de l'art. 6 du contrat de prêt, devait être établi sur la base des résultats financiers approuvés par l'assemblée générale et publiés à la bourse de..., ceux-ci ne pouvant pas être modifiés ultérieurement, conformément à la norme comptable IAS 8. Or, les comptes publiés par le groupe affichaient un bénéfice net de plus de 3'000'000 fr. en 2011 et en 2012, de sorte que les conditions de ladite condition résolutoire n'étaient pas remplies et qu'il avait droit aux intérêts relatifs au prêt litigieux pour les années 2015 à 2018. Par ailleurs, les rapports d'audit de F.________ et de G.________ avaient été établis en utilisant d'autres principes comptables, ce qui ne signifiait toutefois pas que les comptes initiaux et publiés du groupe auraient été contraires au droit.
Entendu en qualité de témoin, C.________ a déclaré que les contrats de cession d'actions et de prêt avaient été préparés par ses avocats et ceux du prêteur et que les comptes du groupe étaient révisés par des auditeurs, puis validés par le conseil d'administration, le conseil de surveillance et l'assemblée générale.
Par jugement du 30 avril 2020, le tribunal a condamné l'emprunteuse à verser au prêteur quatre fois le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, et a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition qu'elle avait formée.
En substance, le tribunal a retenu (1) que la condition résolutoire prévue à l'art. 6 du contrat de prêt ne s'était pas réalisée car les bénéfices nets consolidés du groupe étaient supérieurs à 3'000'000 fr. en 2011 et en 2012, (2) qu'en employant les termes " bénéfice net annuel consolidé " audit art. 6, les parties s'étaient entendues sur les résultats financiers publiés, indépendamment d'éventuelles corrections qui pouvaient les affecter ultérieurement, (3) que le contrat de prêt avait été rédigé après plusieurs années de négociations et avec l'aide de conseils, (4) que la norme IAS 8, applicable en l'occurrence, prescrivait que les erreurs découvertes après l'établissement des comptes devaient être corrigées dans les états financiers suivant cette découverte et (5) que les parties ne pouvaient donc pas ignorer que les comptes validés et publiés ne pouvaient pas faire l'objet de modifications.
B.b. Par arrêt du 8 juin 2021 notifié à l'emprunteuse le 10 juin 2021, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel de celle-ci.
C.
Le 12 juillet 2021, l'emprunteuse a formé un recours en matière civile contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral, concluant, avec requête d'effet suspensif, à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens que, principalement, il soit constaté que le contrat de prêt est résolu depuis le 8 janvier 2015 et qu'elle ne doit pas au prêteur le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, faisant l'objet du commandement de payer litigieux et que le prêteur soit débouté de l'ensemble de ses conclusions prises à titre reconventionnel et, subsidiairement, que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour ordonner une expertise judiciaire sur ses comptes et ceux de la société polonaise.
L'intimé conclut au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
La recourante a déposé de brèves observations complémentaires.
Par ordonnance présidentielle du 27 septembre 2021, la requête d'effet suspensif a été rejetée.
 
1.
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 et art. 45 al. 1 LTF) par l'emprunteuse, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
 
Erwägung 2
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).
2.3. Sur près de trois pages, la recourante a cru bon de rappeler les faits pertinents de la cause. En tant qu'elle ne soutient ni n'établit que l'état de fait constaté par la cour cantonale serait arbitraire, il ne sera pas tenu compte de cet exposé.
3.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que la réelle et commune intention des parties était de se référer aux résultats financiers publiés du groupe et non à ceux effectivement réalisés pour déterminer si la condition résolutoire du contrat de prêt était remplie. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir retenu les faits de manière manifestement inexacte.
3.1. En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).
Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ( tatsächlicher Konsens); si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent ( offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1).
Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent ( versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1 et la référence citée).
3.1.1. En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
3.1.2. Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités).
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que le tribunal avait, à juste titre, retenu que les parties étaient convenues, lors de la rédaction de l'art. 6 du contrat de prêt, que le bénéfice annuel net consolidé du groupe se référait aux résultats financiers publiés de ce groupe et non à ceux effectivement réalisés, soit après corrections.
Elle a estimé en effet (1) qu'on ne discerne pas sur la base de quels autres documents que les comptes du groupe, audités par des réviseurs et validés par le conseil d'administration, le conseil de surveillance et l'assemblée générale puis publiés, les parties pouvaient vérifier si la condition résolutoire prévue à l'art. 6 du contrat de prêt était ou non remplie entre 2010 et 2015, (2) que l'emprunteuse avait versé au prêteur les intérêts annuels relatifs au prêt litigieux pour les années 2010 à 2014, les comptes publiés du groupe pour les années 2011 et 2012 faisant état d'un bénéfice annuel net consolidé de plus de 3'000'000 fr., ce qui ressort notamment du rapport effectué par G.________, (3) que, même après avoir appris l'existence d'irrégularités dans les comptes consolidés du groupe, l'emprunteuse se considérait toujours débitrice du prêteur puisqu'elle avait confirmé, le 12 mars 2015, que le prêteur détenait à son encontre une créance de 1'000'000 fr. résultant du contrat de prêt, quand bien même le rapport de F.________ du 28 février 2015, établi plusieurs semaines auparavant, faisait état d'irrégularités dans la comptabilité du groupe pour les années 2011 et 2012 notamment, qu'elle avait, près d'un an après l'établissement de ce rapport, requis le 14 janvier 2016 que le prêteur lui confirme le montant de sa créance à son encontre et enfin que les comptes 2014 et 2015 font état de la créance du prêteur sous la rubrique des dettes à long terme portant intérêts, de sorte qu'elle ne pouvait soutenir que la créance de celui-ci fût éteinte depuis le 8 janvier 2015, au motif que le groupe n'aurait finalement pas réalisé des bénéfices annuels nets consolidés de plus de 3'000'000 fr. entre 2010 et 2015.
La cour cantonale a ajouté encore que les parties n'avaient pas prévu, dans le contrat de prêt, la possibilité de tenir compte d'éventuelles corrections des comptes du groupe. La norme comptable IAS 8 étant applicable, les parties savaient ou auraient dû savoir que les comptes audités, validés puis publiés ne pouvaient plus faire l'objet de modifications et que les éventuelles corrections ne pouvaient être intégrées que dans les états financiers ultérieurs, soit ceux faisant suite à la découverte des éventuelles erreurs.
En conclusion, dans la mesure où les comptes publiés du groupe pour les années 2011 et 2012 faisaient état d'un bénéfice annuel net consolidé de plus de 3'000'000 fr., la condition résolutoire prévue à l'art. 6 du contrat de prêt litigieux ne s'est pas réalisée et, ce, indépendamment du fait que l'emprunteuse fasse valoir a posteriori que ces comptes contiendraient des irrégularités et que le seuil de 3'000'000 fr. n'aurait en réalité pas été atteint. En effet, les corrections relatives aux années 2010 à 2013 ont été prises en compte pour l'exercice comptable 2014 du groupe, qui a enregistré une perte de plus de 18'000'000 fr.
En tant que la créance de 2'000'000 fr. n'avait pas encore été remboursée au prêteur et à son ex-épouse, les intérêts y relatifs couraient toujours, de sorte que le montant réclamé dans le contexte de la poursuite litigieuse et les intérêts pour la période de 2016 à 2018 sont exigibles.
3.3. En substance, la recourante invoque que l'interprétation retenue par la cour cantonale ne serait pas soutenable, dans la mesure (1) où des comptes irréguliers avaient été publiés lorsque C.________ et D.________ étaient à la tête du groupe et que ceux-ci avaient agi à l'encontre manifeste des intérêts de l'emprunteuse, de sorte qu'aucune interprétation ne peut, selon elle, être retenue de son comportement à cette époque, (2) où l'interprétation de la cour cantonale reviendrait à considérer les comptes d'une société comme un élément irréfutable et objectif ne pouvant être vérifié ou remis en cause par la suite, (3) où " l'expérience générale de la vie et de la pratique commerciale conclut pourtant à ce que des parties à un contrat qui dépend de la réalisation d'une clause résolutoire puissent vérifier si les conditions de celle-ci sont bel et bien réalisées ou non " et (4) où il est donc, selon elle, insoutenable de retenir que, faute d'autres moyens permettant de vérifier l'applicabilité de la clause résolutoire du contrat, les parties avaient pour intention de l'exécuter sur la base des résultats publiés même si, par la suite, il devait s'avérer que ceux-ci étaient faux.
La recourante conteste que le paiement des intérêts pour les années 2010 à 2014 soit un indice permettant de retenir que les parties avaient la volonté de se baser sur les comptes publiés du groupe et non sur les " comptes de résultats réels ". Elle avance que les conditions contractuelles pour le paiement des intérêts et pour " l'annulation du contrat " dépendent de circonstances différentes et indépendantes les unes des autres et que les montants en question sont drastiquement différents. Selon elle, la cour cantonale a omis de retenir qu'elle avait communiqué à l'intimé, dès qu'elle avait eu connaissance de la réalité des comptes de résultats du groupe, que le prêt était annulé et que les intérêts n'étaient donc plus dus.
S'agissant du courrier du 14 janvier 2016, la recourante invoque qu'il ne peut pas être interprété comme valant reconnaissance de dette et qu'il se contentait de demander à l'intimé s'il disposait d'une créance à son encontre.
Enfin, la recourante prétend que le contrat de prêt litigieux manque de clarté et de précision, bien qu'il ait été rédigé par les précédents conseils des parties, et qu'il ne peut être raisonnablement déduit que ce contrat serait le fruit de discussions minutieuses entre les parties. Partant, il serait insoutenable de retenir que celles-ci avaient délibérément écarté la possibilité de tenir compte d'éventuelles corrections des comptes du groupe. De plus, les normes IAS n'auraient pas été discutées, respectivement étaient inconnues des parties. L'art. 6 du contrat litigieux reflétait par ailleurs une volonté claire de prendre en compte la situation économique réelle de la recourante, afin de ne pas la surcharger si sa situation financière était trop fragile pour permettre le remboursement du prêt, ce qui ressortirait par ailleurs du préambule.
3.4. En tant qu'elle fait référence à des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué et qu'elle ne respecte pas les conditions requises de jurisprudence constante en matière de complètement de l'état de fait (cf.
Pour le reste, la recourante ne fait que substituer son appréciation à celle de la cour cantonale et n'établit pas en quoi la volonté réelle et commune des parties retenue par celle-ci serait arbitraire.
Elle semble ignorer que, alors qu'elle ne conteste pas que C.________ était son administrateur et ne soutient pas que son conseil d'administration était irrégulièrement formé, le comportement de ceux-ci, qui sont ses représentants (art. 718 al. 1 CO), la lie, respectivement lui est imputable (ATF 146 III 37 consid. 5 et 6). Contrairement à ce qu'elle croit, la cour cantonale ne prétend pas que les comptes de la société ne pourraient pas être vérifiés ou remis en cause mais expose que, en vertu des normes comptables applicables, d'éventuelles corrections ne peuvent pas être effectuées rétroactivement sur les comptes audités, validés et publiés et que les erreurs éventuelles doivent être corrigées dans les états financiers suivant leur découverte.
De plus, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que rien ne peut être déduit de son courrier du 14 janvier 2016. Il n'est pas arbitraire de considérer que, si elle avait considéré que l'intimé n'était plus son créancier, elle ne lui aurait pas fait parvenir un tel courrier.
Enfin, la recourante ne saurait invoquer un prétendu manque de clarté et de précision du contrat de prêt litigieux, dans la mesure où les parties ont démontré, par leurs agissements postérieurs à la conclusion du contrat de prêt, leur volonté réelle et commune. Le préambule dudit contrat ne fait par ailleurs que référence au fait que l'intimé avait postposé son prêt afin d'éviter la faillite de la recourante; il ne peut en être déduit que les parties, et a fortiori l'intimé, ont exprimé la volonté de ménager la situation financière de la recourante en tout temps et au prix potentiel du capital faisant l'objet du prêt.
Partant, le grief doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
3.5. Dans la mesure où l'interprétation objective est subsidiaire à l'interprétation subjective (cf.
4.
La recourante sollicite, " [s]i le Tribunal fédéral devait estimer que les faits de la cause ne sont pas suffisamment clairs et si des éléments devaient faire défaut ", le renvoi de la cause à la cour cantonale pour que celle-ci ordonne une expertise sur ses comptes pour les années 2010 à 2014.
Au vu de ce qui précède, l'administration d'une expertise est superflue puisqu'elle ne peut avoir aucune influence sur les comptes audités, validés et publiés, qui seuls sont déterminants selon la réelle et commune volonté des parties.
5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 10 janvier 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Hohl
 
Le Greffier : Douzals