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BGer 4A_238/2021 vom 08.02.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
4A_238/2021
 
 
Arrêt du 8 février 2022
 
I
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux
 
Hohl, Présidente, Rüedi et May Canellas.
 
Greffière: Monti.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Damien Bender, avocat,
 
défendeur et recourant,
 
contre
 
Z.________ SA,
 
représentée par Me Xavier Fellay, avocat,
 
demanderesse et intimée.
 
Objet
 
contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage,
 
recours en matière civile contre le jugement rendu le
 
18 mars 2021 par la Cour civile I du Tribunal cantonal
 
du canton du Valais (C1 19 22).
 
 
Faits :
 
A.
A.________ est chargé d'affaires et conducteur de travaux. Propriétaire d'une parcelle sur la commune valaisanne de..., il a entrepris d'y ériger une villa. Il a confié la direction des travaux à un architecte.
Le prénommé (ci-après: le maître de l'ouvrage, ou le maître) a chargé un ami ingénieur civil d'estimer les quantités relatives au terrassement, à l'excavation et au remblai, tout en laissant aux soumissionnaires le soin d'indiquer leurs prix unitaires. Une offre a été demandée à l'entreprise de construction Z.________ SA, dont le directeur était un ami de longue date du maître. Le 26 mars 2012, celle-ci a rempli la soumission et proposé un prix de 98'040 fr. HT (hors taxes), qu'elle estimait suffisamment concurrentiel pour lui permettre de décrocher le contrat. Partant du principe "qu'il n'y avait pas de rocher" dans le terrain, elle s'est contentée d'émettre une réserve de 20 m³ sur certains postes topiques. Elle n'avait entrepris aucun sondage du bien-fonds comme elle n'était pas certaine d'obtenir l'adjudication des travaux.
Le 3 mai 2012 s'est tenue une séance de chantier en présence d'un représentant de l'entreprise de construction. Le maître a accepté l'offre que cette dernière avait faite pour les travaux de gros oeuvre. En revanche, il a été convenu que par souci d'économies, il réaliserait lui-même le terrassement avec l'aide d'un ami qui était un machiniste expérimenté employé par l'entreprise.
Les travaux de terrassement ont débuté le 7 mai 2012. L'entreprise précitée a loué au maître des engins de chantier à prix coûtant. L'avancement des travaux a été entravé par le fait qu'"il n'y avait que du rocher", selon les termes du machiniste qui a été empêché de travailler en raison d'une blessure survenue quelques semaines après le début du chantier.
Le 19 juin 2012, l'entreprise de construction a repris au pied levé l'exécution du chantier qui accusait du retard, afin que les travaux de maçonnerie puissent débuter.
En cours de chantier, elle n'a fait signer aucun bon de régie.
Le 5 septembre 2012, elle a établi une facture de 68'370 fr. 50 TTC (toutes taxes comprises) pour les travaux de terrassement réalisés entre juin et août 2012. Le maître l'a honorée.
Le 20 février 2013, elle lui a adressé une facture finale de 227'213 fr. 65 TTC affichant un solde impayé de 158'843 fr. 65, après déduction des acomptes (68'370 fr.).
Le maître a versé 25'000 fr. en septembre 2013 mais s'est refusé à payer davantage. Il a reçu le 10 décembre 2013 un commandement de payer la somme de 148'013 fr. 80, auquel il s'est totalement opposé.
 
B.
 
B.a. Le 16 mai 2014, l'entreprise de construction a assigné le maître de l'ouvrage en conciliation. Elle a ensuite déposé devant le Tribunal du district de... (VS) une demande en paiement dont elle a arrêté en dernier lieu les conclusions à 110'868 fr. 80.
Le Tribunal a confié une expertise à un ingénieur géologue. Celui-ci a constaté la présence de deux types de roche dans le terrain, soit d'une part du calcaire marneux mi-dur, exploitable à la pelle mécanique avec l'utilisation ponctuelle du marteau hydraulique, et d'autre part du calcaire massif dur, nécessitant le recours à de puissantes machines d'attaque et de l'explosif.
L'expert s'est servi de deux méthodes usuelles pour chiffrer le coût du terrassement et des fouilles. Selon la première, fondée sur le volume des matériaux excavés (métrés), le prix pouvait être estimé à 101'511 fr. HT en partant de l'offre du 26 mars 2012, rectifiée en raison des travaux déjà effectués par le maître et des plus-values liées à la présence de roche dure et semi-dure. Sur la base des métrés finaux fournis par l'entreprise, le prix ascendait même à 111'870 fr. HT. D'après la seconde méthode des coûts effectifs, le prix pouvait être arrêté à 189'113 fr. 10 HT, en regard de la quotité des travaux effectuée par l'entreprise et des tarifs en régie prévus par la Société Suisse des Entrepreneurs (SSE). Le prix de revient avait été majoré de 23% pour couvrir les coûts administratifs; le montant obtenu correspondait aux prix du marché.
L'expert a conclu que le coût des travaux se situait dans une fourchette comprise entre 101'511 fr. et 189'113 fr. 10 HT, montants qui constituaient les bornes minimale et maximale.
Dans son jugement du 18 décembre 2018, le Tribunal de... a
considéré que les parties s'étaient liées par un contrat d'entreprise sans s'accorder à l'avance sur un prix. Il n'y avait pas suffisamment d'éléments probants pour retenir un accord de fait ou de droit en faveur d'un prix forfaitaire (art. 373 CO); on ne pouvait non plus reprocher à l'entreprise d'avoir dissimulé son intention de pratiquer le prix du marché au sens de l'art. 374 CO. La présomption en faveur de ce dernier prix devait l'emporter. A ce titre, il fallait retenir le prix de 189'110 fr. HT, dont à déduire 21'269 fr. concernant des travaux de gros-oeuvre, ce qui laissait un total de 167'841 fr. HT ou 181'268 fr. 30 TTC (+ 8% de TVA). Après imputation des acomptes déjà versés (93'370 fr.), le maître devait encore 87'898 fr. 30 plus intérêts à son adverse partie. L'opposition formée dans la poursuite en cours devait être levée à due concurrence.
B.b. Le Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel formé par le maître de l'ouvrage (cf. au surplus consid. 2.1
C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, celui-ci a invité le Tribunal fédéral à rejeter la demande formée par l'entreprise de construction.
Dans sa réponse, l'intimée a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, suscitant ainsi une réplique de la partie adverse. L'intimée a brièvement dupliqué.
L'effet suspensif sollicité à l'appui du recours a été refusé.
 
1.
Le présent recours en matière civile satisfait aux conditions générales de recevabilité, en particulier celles afférentes au délai de recours de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF en lien avec l'art. 46 al. 1 let. a LTF) et à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).
 
Erwägung 2
 
2.1. Selon l'analyse des juges cantonaux, l'entreprise de construction avait émis une offre entre absents le 26 mars 2012, qui avait été écartée par le maître de l'ouvrage pour des motifs économiques, celui-ci préférant effectuer lui-même les travaux de terrassement avec l'aide d'un machiniste employé par l'entreprise. Dès ce moment, l'offre était devenue caduque et ne liait plus son auteur.
A la suite d'imprévus, le maître avait dû se résoudre à déléguer les travaux de terrassement à l'entreprise de construction. Les preuves fournies ne parvenaient pas à convaincre les juges que les parties avaient la volonté réelle concordante d'instituer un prix forfaitaire (art. 373 CO).
L'interprétation selon le principe de la confiance conduisait à la même conclusion. A la reprise des travaux, les circonstances avaient changé. Le maître, qui était un homme du métier assisté d'un architecte, le savait. Aussi ne pouvait-il interpréter le silence de l'entreprise comme une volonté d'appliquer les prix de l'offre litigieuse, établie alors que l'ampleur et la dureté de la roche n'étaient pas encore connues. L'art. 374 CO était applicable.
L'expert avait arrêté la valeur des travaux à 189'110 fr., d'après les taux établis par la SSE et les pratiques de rabais en vigueur sur le marché. Ainsi, le calcul de la rémunération ne se fondait pas sur les coûts effectifs de l'entrepreneur, mais sur des prix en régie proposés par des associations professionnelles. Cette façon de faire était admissible pour autant que lesdits tarifs correspondent à un usage; or, l'expert avait indiqué que tel était bien le cas.
L'entreprise n'avait pas enfreint son devoir d'information quant au mode de calcul du prix. Bien que conseillé par des spécialistes, le maître n'avait pas (ou mal) clarifié l'état du sous-sol, qui avait provoqué la hausse des coûts des travaux. Il connaissait ces circonstances, tout comme la direction des travaux. Dans ce contexte, il ne pouvait plus se fier à l'offre alors que l'ampleur de la roche et sa dureté avaient été mal évaluées; il devait bien plutôt s'attendre à ce que l'entreprise ne pratique pas les prix de ladite offre, qu'il avait au demeurant écartée. Un avis concernant l'évolution des coûts eût été inutile.
2.2. La Cour d'appel a donc recherché la volonté réelle et concordante des parties et constaté l'absence d'accord quant à la rémunération de l'ouvrage. Ce faisant, elle a émis une constatation de fait dont le recourant doit s'atteler à établir l'arbitraire, en dénonçant une violation du droit constitutionnel topique (art. 9 Cst.) et en détaillant les éléments sous-tendant cette affirmation (cf. ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18; arrêt 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.3 [1°]).
Or, ces préceptes n'ont pas été respectés, tant s'en faut. Si le recourant brandit à tout va le grief d'arbitraire, il l'accompagne d'une critique purement appellatoire, qui ne cible pas l'analyse des juges valaisans en expliquant de façon circonstanciée en quoi elle serait entachée d'un tel vice.
Ainsi, le recourant conteste être un homme du métier conducteur de travaux. Pour contrer cette constatation, il se réfère à deux pièces nouvelles irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le même vice entache son grief selon lequel les parties se seraient accordées par avance sur un certain mode de rémunération. Quant au fait qu'il aurait vainement demandé une offre censée compléter celle du 26 mars 2012, il voudrait le déduire d'un procès-verbal qui a été pris en compte par l'autorité précédente, mais auquel elle n'a reconnu aucune valeur probante dès lors qu'il émanait de la direction des travaux et n'avait été signé par aucune des parties. Pour établir un arbitraire, le recourant ne pouvait se borner à affirmer que l'entreprise de construction avait admis avoir reçu ledit procès-verbal et n'avait volontairement pas répondu à la demande.
Le recourant nie aussi que les circonstances auraient changé à la reprise des travaux par l'intimée; celle-ci aurait découvert peu après que la roche était plus dure qu'envisagée et lui aurait caché cette donnée. La critique n'est pas seulement appellatoire mais hasardeuse, sachant que le recourant avait décidé d'effectuer lui-même les travaux de terrassement qui avaient d'emblée révélé les problèmes du terrain, le machiniste ayant constaté "qu'il n'y avait que du rocher".
Dans la mesure où le recourant n'a pas ébranlé par une argumentation suffisante la constatation selon laquelle les parties n'avaient pas trouvé un accord de fait, il est vain de décocher des griefs contre l'interprétation fondée sur le principe de la confiance, laquelle a été proposée comme argumentation alternative subsidiaire (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et 5.2.3; arrêt 4A_80/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.1).
Pour peu que l'on se fonde sur les circonstances retenues dans les décisions cantonales plutôt que sur les assertions du recourant, il n'y a pas matière à s'écarter de l'analyse selon laquelle la règle générale et subsidiaire de l'art. 374 CO trouvait application, à défaut d'accord préalable. On ne saurait davantage reprocher à l'entreprise intimée une violation de son devoir d'information. Elle a en effet émis une offre établie sur la base des quantités indiquées par l'ingénieur du recourant, et sa proposition n'a pas été retenue. En creusant lui-même le terrain, le maître a rapidement pu constater la présence de roche. Lui-même et la direction des travaux pouvaient entrevoir que l'offre, établie avec une simple marge d'erreur de 20 m³, n'était plus d'actualité. Dans ce contexte, rien n'indique que l'entreprise intimée aurait commis une tromperie ou adopté un comportement contraire à la bonne foi qui eût pu influer sur le montant de la rémunération.
2.3. En bref, les conclusions du recourant se fondent essentiellement sur un état de fait autre que celui retenu dans la décision attaquée, sans que les stricts réquisits permettant de rectifier et compléter celui-ci soient respectés.
On relèvera encore l'absence de grief à l'encontre d'une analyse qui aurait pu susciter une discussion: selon les juges cantonaux, le prix de l'ouvrage censé fixé d'après la valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur (art. 374 CO) a en réalité été établi selon les tarifs en régie d'une association professionnelle; ce procédé était admissible dans la mesure où il s'agissait d'une pratique usuelle aux dires de l'expert. D'aucuns soulignent qu'on ne saurait se contenter de la preuve d'un tel usage lorsque la disposition légale topique - ici l'art. 374 CO - ne s'y réfère pas: une intégration expresse ou tacite par les parties devrait être établie, le cas échéant indirectement, par renvoi à l'usage incluant lesdits tarifs (cf. PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 6e éd. 2019, n. 951a, 958 et 959, cité par THEODOR BÜHLER, Zürcher Kommentar, Der Werkvertrag, 1998, n° 23 ad art. 374 CO). Des nuances semblent toutefois admissibles (cf. TERCIER ET ALII, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n. 4040, qui évoquent simplement la possibilité d'un usage; JÄGGI/GAUCH/HARTMANN, Zürcher Kommentar, 4e éd. 2014, n° 442 ad art. 18 CO, qui admettent une intégration tacite lorsque les deux cocontractants appartiennent au même cercle d'affaires et connaissent cet usage; SCHUMACHER/KÖNIG, Die Vergütung im Bauwerkvertrag, 2e éd. 2017, n. 650, selon qui de tels tarifs peuvent servir de directive dans l'estimation de la rémunération; dans le même ordre d'idées ZINDEL/SCHOTT, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, n° 18 ad art. 374 CO). A tout le moins ne saurait-on reprocher à l'autorité précédente une erreur juridique manifeste, ce qui met un terme à toute discussion (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; arrêt 4A_105/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.2 et 3.3).
3.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la (faible) mesure de sa recevabilité. Son auteur supportera l'émolument y afférent (art. 66 al. 1 LTF) et versera à son adverse partie une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 5'500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais.
 
Lausanne, le 8 février 2022
 
Au nom de la I re Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Hohl
 
La Greffière : Monti