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BGer 1C_191/2021 vom 21.03.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1C_191/2021
 
 
Arrêt du 21 mars 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
 
Chaix et Merz.
 
Greffier : M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
1. A.________,
 
2. B.________ SA,
 
3. C.________ SA,
 
4. D.________ SA,
 
5. E.________ SA,
 
tous représentés par A.__ ______ SA,
 
recourants,
 
contre
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office cantonal du logement et de la planification foncière, rue du Stand 26, 1204 Genève.
 
Objet
 
Amende administrative,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
 
de la République et canton de Genève,
 
Chambre administrative, du 23 février 2021 (ATA/186/2021 - A/3155/2019-LDTR).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Entre les mois d'avril et de juillet 2012, A.________ (professionnel de l'immobilier à Genève) a vendu à diverses personnes 27 certificats d'actions de D.________ SA (société dont il était administrateur et actionnaire, propriétaire d'un immeuble de 33 appartements). Le 19 juillet 2012, la société est devenue une société d'actionnaires-locataires (ci-après: SIAL) : la propriété d'un certificat d'actions conférait le droit de louer un lot correspondant de PPE. L'immeuble a été soumis au régime de la PPE le 31 août 2012.
A.b. Le 15 juin 2012, A.________ a vendu à C.________ SA (dont il était administrateur et actionnaire) un immeuble de 22 appartements à Carouge. Le 25 juin 2012, C.________ SA est devenue une SIAL et, le 29 juin 2012, l'immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages.
A.c. En février 2013, A.________ a vendu 21 certificats d'actions de la société E.________ SA (propriétaire d'un immeuble en PPE de 23 appartements à Meyrin, dont il était l'administrateur et l'actionnaire) à différents acquéreurs. Le 6 mai 2013, E.________ SA est devenue une SIAL.
A.d. Le 15 mai 2013, A.________ a vendu en bloc 21 appartements en PPE à la société B.________ SA (dont il était administrateur et actionnaire). Au mois d'août 2013, 21 certificats d'actions de B.________ SA ont été vendus à des personnes physiques et morales. Le 2 septembre 2013, la société est devenue une SIAL.
B.
Entre les mois de février et mars 2014, les quatre SIAL précitées ont transféré à leurs actionnaires-locataires la propriété des lots de PPE correspondant aux certificats d'actions. En avril 2014, le Registre foncier s'est adressé au notaire instrumentant en rappelant que depuis 1995, les opérations visant à liquider des SIAL et à transformer les détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'unités d'étages n'étaient pas soumises à autorisation en vertu de la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR; RS/GE L 5 20). Toutefois, il était récemment apparu que les exigences de cette loi - qui soumet à autorisation la vente de logements loués - pouvaient être contournées. Les transferts devaient donc être soumis au Département cantonal compétent, soit actuellement le Département du territoire (ci-après le département). Les quatre sociétés et le notaire ont recouru en vain contre cette information (cf. arrêt 5A_981/2014 du 12 mars 2015).
Au mois de juillet 2015, le département a refusé l'ensemble des autorisations d'aliéner (70 au total) : il y avait lieu de conserver l'affectation locative des appartements. Ces décisions ont été confirmées sur recours par le Tribunal administratif de première instance (TAPI), par la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise et, en dernier lieu, par le Tribunal fédéral (arrêts 1C_123/2017 - D.________ SA -, 1C_124/2017 - E.________ SA -, 1C_125/2017 - B.________ SA - et 1C_367/2017 - C.________ SA -, tous du 23 novembre 2017). Les opérations menées successivement constituaient un montage destiné à permettre le transfert des parts de PPE aux actionnaires-locataires et à bénéficier de la tolérance dont faisait preuve le département jusque-là.
C.
Par décision du 16 mai 2019 (après de précédentes décisions annulées par jugements du TAPI du 5 février 2019, pour violation du droit d'être entendu), l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (OCLPF) a infligé à A.________ une amende de 225'000 fr., solidairement avec les quatre sociétés concernées. Le stratagème mis sur pied avait permis une vingtaine d'aliénations en violation de la LDTR. Le fait que de nombreuses autres opérations n'aient pas pu aboutir n'y changeait rien. La fraude à la loi justifiait une amende administrative.
Cette décision a été confirmée par jugement du TAPI du 19 mai 2020. La fraude à la loi ne pouvait faire l'objet d'une contravention, mais la violation de la disposition légale sur les aliénations d'appartements loués (art. 39 al. 1 LDTR) permettait le prononcé d'une amende.
Par arrêt du 23 février 2021, la Chambre administrative a partiellement admis le recours. L'audition de la directrice de l'OCLPF et la production de toutes les amendes prononcées depuis 1988 ne se justifiaient pas puisqu'il s'agissait du premier cas de sanction pour une telle fraude à la loi. La substitution de motifs opérée par le TAPI ne violait pas le droit d'être entendu. Les recourants estimaient que le Juge assesseur du TAPI G.________ aurait dû se récuser en raison d'un différend avec A.________ remontant à 2010; cette requête était tardive et au surplus mal fondée car il n'existait aucun indice de partialité. Sur le fond, il y avait violation intentionnelle de l'art. 39 al. 1 LDTR sous la forme de tentatives et, pour l'étape précédente que constituait l'aliénation des actions des sociétés, d'infractions consommées. Professionnel de l'immobilier, A.________ ne pouvait se prévaloir d'une erreur de droit. La prescription courait dès la réquisition d'inscription au Registre foncier et n'était pas acquise lors du jugement du TAPI. Le montant de l'amende correspondait à la faute commise, au nombre d'infractions et à la situation financière de l'intéressé. La solidarité de chaque société devait être réduite proportionnellement au nombre d'appartements concernés, soit 20/70 pour B.________ SA, 2/70 pour C.________ SA, 27/70 pour D.________ SA et 21/70 pour E.________ SA; le jugement du TAPI et la décision du département ont été annulés sur ce point et le montant de la responsabilité solidaire fixé pour chaque société.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA et E.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre administrative pour les motifs formels soulevés (récusation et violation du droit d'être entendu) et de renvoyer la cause à cette juridiction ou au TAPI pour nouvelle décision. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et de l'amende infligée le 3 juillet 2019, plus subsidiairement à ce que son montant soit fixé à 10'000 fr. au maximum (la solidarité des sociétés étant fixée proportionnellement à ce montant); encore plus subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Chambre administrative persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'OCLPF conclut au rejet du recours. Dans leurs dernières observations, les recourants persistent dans leurs griefs et leurs conclusions.
 
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme pour l'essentiel l'amende prononcée à leur encontre et peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils ont dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Les recourants estiment que le juge assesseur du TAPI G.________ aurait dû se récuser et que ce grief, soumis à la Chambre administrative, ne pouvait être tenu pour tardif: si la liste des magistrats du TAPI est disponible sur Internet, les recourants ne pouvaient connaître la composition de la cour amenée à se prononcer puisqu'il y a douze juges assesseurs au TAPI (trois par catégorie); face aux nombreuses possibilités de composition du Tribunal, ce dernier devait informer les parties de l'identité des juges siégeant, de la même manière qu'en cas de remplacement d'un magistrat (ATF 142 I 93 consid. 8). La jurisprudence de la CourEDH imposerait aux tribunaux de s'assurer de leur impartialité et ne permettrait pas d'exiger du justiciable qu'il se renseigne sur la composition de l'autorité. La jurisprudence devrait ainsi être précisée, à tout le moins s'agissant des tribunaux dont la composition peut, comme en l'espèce, varier. Les recourants relèvent encore qu'ils n'étaient pas représentés par un avocat et estiment qu'en cas de motif avéré de récusation, la tardiveté de la demande ne pourrait pas leur être opposée. S'agissant du fond de la demande de récusation, les recourants indiquent qu'un entretien extrêmement houleux était survenu en 2010 alors que G.________ était architecte LDTR au sein du département, à la suite duquel des plaintes administratives auraient été déposées par A.________; un entretien avait été fixé avec le supérieur hiérarchique, auquel G.________ n'avait pas participé. Depuis cet épisode, A.________ et G.________ se voueraient une réelle inimitié que le temps, conformément à l'expérience générale de la vie, n'aurait pas amoindrie.
2.1. Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (ATF 138 I 1 consid. 2.2 et les arrêts cités). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2). Cela ne signifie toutefois pas que l'identité des juges appelés à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable; il suffit que le nom de ceux-ci ressorte d'une publication générale facilement accessible, par exemple l'annuaire officiel. La partie assistée d'un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière du tribunal. En revanche, un motif de prévention concernant un juge suppléant peut, en principe, encore être valablement soulevé dans le cadre d'une procédure de recours, car le justiciable pouvait partir de l'idée que la juridiction inférieure statuerait dans sa composition ordinaire. Cette jurisprudence au sujet des juges suppléants doit s'appliquer de la même manière quand il s'agit d'examiner si un justiciable devait ou non s'attendre à la présence d'un assesseur qui est appelé à fonctionner, de cas en cas, dans la composition du tribunal saisi de l'affaire (ATF 128 V 82 consid. 2b et les références).
En l'occurrence, les recourants n'étaient pas représentés par un avocat devant le TAPI, mais par un mandataire professionnellement qualifié, soit la régie A.________ SA. Toutefois, la participation au jugement de l'assesseur G.________ n'était à tout le moins pas improbable puisque notamment les assesseurs représentant le milieu des locataires dans les affaires LDTR ne sont qu'au nombre de trois. La question de savoir si le motif de récusation a été soulevé en temps utile peut, cela étant, demeurer indécise, car celui-ci apparaît dans tous les cas manifestement mal fondé.
2.2. La garantie minimale d'un tribunal indépendant et impartial, telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH - lesquels ont, de ce point de vue, la même portée - permet, indépendamment du droit de procédure (que les recourants n'invoquent au demeurant pas), de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 et les arrêts cités).
2.3. Les faits invoqués par les recourants remontent à 2010, soit plus de neuf ans avant que le TAPI ne soit saisi de l'affaire. Les recourants évoquent un entretien très houleux, et allèguent avoir déposé deux plaintes administratives. Ils relèvent qu'un entretien aurait eu lieu sans la présence de l'intéressé et considèrent que celui-ci l'aurait ressenti comme un camouflet, ce qui expliquerait la lenteur dont aurait fait preuve à l'époque G.________ dans l'instruction du dossier. Il s'agit là toutefois de simples suppositions. Comme le relève la cour cantonale, alors que l'altercation était encore toute récente, les recourants n'ont fait valoir - ni même évoqué - à l'encontre de l'intéressé, dans la procédure administrative de l'époque puis à l'occasion des recours déposés contre les décisions prises dans ce cadre, aucune objection tenant à la partialité ou à un prétendu retard à statuer. Par lettre du 29 août 2011, la Directrice de l'Office de l'urbanisme a répondu de manière circonstanciée aux reproches formulés à l'encontre de l'intéressé, expliquant notamment pour quelles raisons des compléments avaient été demandés pour le traitement de la demande d'autorisation de construire. La directrice concluait par ces mots: "je peux vous confirmer que mes collaborateurs effectuent correctement et avec diligence leur travail et ce, en toute impartialité". Cette prise de position a été confirmée dans une lettre du 23 décembre 2011. On peut en déduire que l'ensemble des reproches formulés à l'encontre de G.________ est resté sans suite. Ce dernier paraît ainsi avoir été appuyé par sa hiérarchie et n'avait dès lors pas de ressentiment particulier à éprouver, quelque neuf ans plus tard, à l'égard des recourants. Il n'existe par conséquent aucun indice objectif de partialité, ni a fortiori d'apparence de partialité, et le grief doit être écarté.
3.
D'un point de vue formel, les recourants se plaignent de plusieurs violations de leur droit d'être entendus. Ils reprochent au TAPI d'avoir refusé de les entendre personnellement et de les confronter à la directrice de l'OCLPF, signataire de l'amende contestée. La cour cantonale aurait confirmé cette décision sans tenir compte du fait que le litige tombe de par sa nature pénale dans le champ d'application de l'art. 6 CEDH au même titre qu'une procédure relative à la répression d'une soustraction fiscale, et donnerait le droit à une audition en personne devant l'instance judiciaire. Les recourants estiment par ailleurs qu'en vertu également de l'art. 6 CEDH, le TAPI ne pouvait pas procéder à une substitution de motifs (violation de la LDTR au lieu d'une fraude à la loi) sans les interpeller préalablement. Enfin, les recourants estiment que le refus du TAPI (confirmé par la Chambre administrative) de produire l'ensemble des amendes de 60'000 fr. ou plus infligées depuis le mois de juillet 1988 violerait aussi leur droit d'être entendus, dès lors qu'ils avaient démontré que l'amende était disproportionnée et partiale et qu'il n'existe pas de directives en matière de sanctions administratives.
3.1. Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". Pour que cette disposition s'applique au titre de l'expression "accusation en matière pénale", il faut prendre en compte la qualification juridique de la mesure litigieuse en droit national, la nature même de celle-ci, et la nature et le degré de sévérité de la sanction (ATF 147 I 57 consid. 5.2). Ces critères sont par ailleurs alternatifs et non cumulatifs: il suffit que l'infraction en cause soit, par nature, "pénale" au regard de la Convention, ou ait exposé l'intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité, ressortit en général à la "matière pénale". Cela n'empêche pas l'adoption d'une approche cumulative si l'analyse séparée de chaque critère ne permet pas d'aboutir à une conclusion claire quant à l'existence d'une "accusation en matière pénale" (arrêt de la CourEDH du 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c. Italie, req. 18640/10, 18647/10, 18663/10, § 94; arrêt 2C_32/2016 du 24 novembre 2016 consid 12.2). La jurisprudence a ainsi retenu que la procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal à laquelle l'art. 6 CEDH est applicable (ATF 140 I 68 consid. 9.2 p. 74 et les arrêts cités).
3.1.1. Même si elles peuvent relever du volet pénal de l'art. 6 CEDH, les procédures qui ne relèvent pas des catégories traditionnelles du droit pénal stricto sensu (notamment les contraventions administratives, les infractions douanières et les amendes infligées par des juridictions financières; ATF 147 II 144 consid. 5.) peuvent être traitées différemment. En particulier, dans les domaines relevant de l'extension du volet pénal de l'art. 6 CEDH, l'obligation de tenir une audience publique n'est pas absolue. Il peut y être renoncé dans les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces (ATF 140 I 68 consid. 9.2; arrêt 2C_32/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.2.1; arrêt de la CourEDH du 23 novembre 2006, Jussila c. Suède, req. 73053/01, § 43). Une telle renonciation est ainsi admissible lorsque la cause peut être jugée exclusivement sur la base du dossier et des écritures des parties, notamment lorsque l'issue du litige ne dépend pas d'une appréciation des preuves ou d'impressions personnelles, mais uniquement de questions de droit (ATF 147 I 153 consid. 3.5.1 et la jurisprudence citée).
3.1.2. En l'occurrence, compte tenu de la nature de la sanction (une amende administrative fondée sur une volonté de violer la loi) et de son montant (225'000 fr.), la cause paraît pouvoir tomber dans le champ d'application - élargi - de l'art. 6 CEDH. Toutefois, il apparaît que l'essentiel des faits de la cause résulte déjà de l'ensemble des décisions prises lors des refus d'accorder les autorisations d'aliéner et qui ont donné lieu à des décisions des deux instances judiciaires cantonales, puis du Tribunal fédéral. Pour leur part, les recourants se bornent à invoquer leur droit à une audition personnelle, sans toutefois préciser quels points justifieraient une telle audition. Pour sa part, la cour cantonale a considéré que les recourants n'avaient pas requis de débats publics; au chapitre du droit d'être entendu, le recours cantonal portait uniquement sur l'audition de la Cheffe de l'OCLPF, mais pas sur une audition personnelle. Dès lors, compte tenu des spécificités de la cause et en l'absence de toute indication sur la nécessité d'une telle audition, les instances cantonales pouvaient y renoncer.
3.2. Les recourants se plaignent de ce que le TAPI a procédé à une substitution de motifs, en excluant que la fraude à la loi puisse faire l'objet d'une contravention mais en retenant qu'il y avait violation volontaire de l'art. 39 al. 1 LDTR. Se fondant là aussi sur le caractère pénal de la procédure, ils estiment que le principe d'accusation consacré à l'art. 6 par. 3 let. a CEDH imposait à l'autorité d'informer les recourants et de leur permettre de se déterminer sur la nouvelle qualification de l'infraction.
3.2.1. Composante du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), le principe de l'accusation est aussi garanti à l'art. 32 al. 2 Cst., qui a la même portée que l'art. 6 par. 3 let. b CEDH (GÉRARD PIQUEREZ/ALAIN MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème éd., Zurich 2011, n. 531 p. 180; NIKLAUS SCHMID/DANIEL JOSITSCH, Strafprozessrecht, 3ème éd. 2017, n. 205 p. 73 ss). Cette garantie constitutionnelle implique que le prévenu connaisse exactement les faits qui lui sont imputés ainsi que les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a; 120 IV 348 consid. 2b). Le principe d'accusation n'empêche pas l'autorité de jugement de s'écarter de l'état de fait ou de la qualification juridique retenus dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, à condition toutefois que les droits de la défense soient respectés (ATF 126 I 19 consid. 2a et c). Si l'accusé est condamné pour une autre infraction que celle visée dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, il faut examiner s'il pouvait, eu égard à l'ensemble des circonstances d'espèce, s'attendre à cette nouvelle qualification juridique des faits, auquel cas il n'y a pas violation des droits de la défense (ATF 126 I 19 consid. 2d/bb). Par ailleurs, en vertu du droit général d'être entendu, lorsque l'autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence, elle doit donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et la jurisprudence citée).
3.2.2. La question de savoir si et dans quelle mesure le principe d'accusation interdit à la première instance de recours de modifier la qualification juridique des faits, dans le cadre d'une procédure de recours contre une amende administrative, peut en l'occurrence demeurer indécise. Il n'y a pas non plus à se demander si l'argumentation retenue par le TAPI était imprévisible, au sens de la jurisprudence précitée. En effet, à supposer que le droit d'être entendu des recourants ait été violé sur ce point, une telle irrégularité a pu être entièrement réparée durant la procédure devant la seconde instance cantonale (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.4). Celle-ci disposait d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit et les recourants ont ainsi pu faire valoir sans restriction les arguments relatifs à la qualification juridique des faits retenue par le TAPI. Le grief doit donc être écarté.
3.3. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend également le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les références). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).
3.3.1. Le TAPI a refusé d'ordonner la production des amendes administratives infligées depuis juillet 1988, considérant que les sanctions doivent être fixées en fonction des circonstances du cas d'espèce. En outre, l'amende contestée en l'espèce constituait le premier cas du genre. La cour cantonale a confirmé cette appréciation, considérant que toute comparaison avec des affaires passées apparaissait difficile. Les recourants estiment avoir démontré que l'amende qui leur a été infligée est disproportionnée et partiale; ils relèvent que le TAPI ne publie pas les affaires relatives à des amendes administratives, et qu'une comparaison sur un nombre important de cas était nécessaire pour tenir compte du bien juridiquement protégé et des circonstances atténuantes ou aggravantes qui ont été retenues dans chaque cas. Les recourants insistent sur le montant de l'amende qui leur a été infligée, soit le maximum prévu par la loi, et l'absence de toute directive permettant d'harmoniser les sanctions.
3.3.2. En matière de sanctions pénales, le condamné peut certes en principe faire valoir une inégalité de traitement injustifiée. Toutefois, les comparaisons ne sont possibles que dans des cas limités, en règle générale lorsque plusieurs coaccusés sont jugés dans la même procédure pour des infractions commises en commun (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2d/bb; 116 IV 292). Dans les autres cas, toute comparaison d'une affaire à une autre est délicate vu les nombreux paramètres entrant en ligne de compte pour la fixation de la peine. Le principe de l'individualisation des peines et le large pouvoir d'appréciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale peuvent conduire à une certaine inégalité, inhérente au système et qui est acceptée par le législateur (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2). Dans la mesure où la peine reste dans le cadre légal, qu'elle est fondée sur tous les critères pertinents et qu'elle ne constitue pas un abus du pouvoir d'appréciation, les différences existant entre les pratiques à l'intérieur d'un canton doivent être considérées comme une expression du système juridique suisse. Au demeurant, les cas qui apparaissent semblables peuvent se distinguer sur des points essentiels pour la fixation de la peine. Une comparaison entre des peines suppose que le juge possède, pour les cas concernés, une connaissance exacte des éléments déterminants pour fixer la peine (ATF 123 IV 150 consid. 2a). Ces principes, développés en rapport avec les principes de fixation de la peine en droit pénal (art. 47 ss CP), peuvent également valoir s'agissant d'une amende administrative fondée sur le droit cantonal.
3.3.3. En l'occurrence, les parties s'accordent à reconnaître que la sanction infligée aux recourants constitue une première dans le canton tant en ce qui concerne les faits reprochés que le montant de l'amende administrative. Dans ces conditions, toute comparaison avec des précédents apparaît d'emblée inutile, voire impossible. Pour le surplus, les recourants pouvaient se fonder sur la jurisprudence cantonale publiée sur Internet (en particulier celle de la Chambre administrative) s'ils désiraient néanmoins obtenir des éléments de comparaison. Le refus de produire l'ensemble des amendes de 60'000 fr. et plus prononcées depuis plus de trente ans ne viole pas, par conséquent, leur droit d'être entendus.
L'ensemble des griefs formels soulevés par les recourants doit ainsi être écarté.
4.
Sur le fond, les recourants se plaignent d'arbitraire à plusieurs titres. S'agissant du principe même de l'amende, ils contestent que A.________ ait tenté de violer l'art. 39 LDTR. Ils estiment qu'une tentative de fraude à la loi ne peut être sanctionnée que par un refus de procéder à l'acte requis, mais ne constitue pas une infraction passible de sanction administrative. En outre, avant la note du Registre foncier du 9 avril 2014 annonçant l'assujettissement de ce genre d'opérations à la LDTR, la pratique n'était pas illégale. Les recourants considèrent par ailleurs que s'il fallait retenir une violation de la LDTR, A.________ n'aurait commis aucune faute. Les transferts litigieux ont en effet été requis par les 70 actionnaires des SIAL alors que A.________ n'était plus actionnaire. Se plaignant en outre d'arbitraire dans l'établissement des faits, les recourants reprochent aux instances précédentes d'avoir ignoré le rôle du notaire instrumentant (ancien président de la Chambre des notaires et ancien juge au TAPI), lequel avait expressément confirmé que les opérations n'étaient pas soumises à la LDTR et avait recouru - en vain - contre la note du Registre foncier. En outre, statuant sur les recours de l'Asloca, le TAPI avait, dans ses jugements des 5 et 6 mai 2014, considéré que le Registre foncier s'était fondé sur les attestations du même notaire certifiant la non-soumission des transferts à la LDTR; a fortiori, A.________ et les acquéreurs pouvaient se fier aux indications du notaire. Subsidiairement, les recourants invoquent l'erreur de droit. Ils estiment avoir agi de manière transparente et avec l'aide d'un notaire chevronné qui, tout comme le Registre foncier, n'ont pas vu la nécessité d'autorisations LDTR alors qu'ils disposaient de toutes les pièces utiles. Les recourants relèvent que s'il y avait volonté de tromper l'autorité, les opérations auraient été espacées dans le temps au lieu d'être regroupées sur quelques mois.
4.1. S'agissant de l'application d'une norme de droit cantonal, le Tribunal fédéral n'intervient que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1). Dans ce contexte, les recourants sont soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
4.2. Figurant au chapitre IX de la loi (sanctions et mesures), l'art. 44 LDTR a la teneur suivante:
1 Celui qui contrevient aux dispositions de la présente loi est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les articles 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et des peines plus élevées prévues par le code pénal.
2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personnes dépourvues de la personnalité juridique ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.
3 La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.
L'art. 137 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI; RS/GE L 5 05; titre VI - Sanctions et voies de recours -, Chapitre I - sanctions administratives, amendes) est ainsi libellé:
1 Est passible d'une amende administrative de 100 francs à 150 000 francs tout contrevenant :
a) à la présente loi;
b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi;
c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.
2 Le montant maximum de l'amende est de 20 000 francs lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales.
3 Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'article 7, non conforme à la réalité.
4 Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables.
5 La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans.
Selon l'art. 39 al. 1 LDTR, "l'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie". En vertu de l'al. 2 de cette disposition, "le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués". Cette réglementation s'applique à tous les types d'aliénation, comme le prévoit expressément le texte de l'art. 39 al. 1 LDTR.
4.3. Dans ses arrêts précédents relatifs aux refus d'aliéner (1C_123, 124, 125 et 361/2017), le Tribunal fédéral a rappelé qu'à l'origine les sociétés immobilières d'actionnaires-locataires avaient été instituées à l'époque où la PPE n'existait pas encore; après l'introduction du régime de la PPE en 1965 dans le Code civil, beaucoup d'immeubles avaient encore été construits et exploités sous cette forme. Tenant compte de cette évolution juridique, le département tolérait la liquidation de SIAL avec création d'un régime de PPE, considérant que les détenteurs de certificats d'actions devenaient simplement "propriétaires en nom". Cette tolérance ne se justifiait pas lorsqu'une SIAL était créée pour être ensuite rapidement transformée en PPE sans qu'aucune raison plausible ne justifie le choix de la première forme juridique. Pour l'ensemble des opérations litigieuses, les changements successifs de régimes faisaient apparaître qu'il s'agissait de montages mis sur pied dès l'origine afin d'éluder l'exigence d'une autorisation pour l'aliénation d'appartements qui étaient destinés à la location. Cette appréciation, aujourd'hui définitive, scelle le sort des différentes objections des recourants. Il en découle une volonté délibérée desdits recourants de contourner les exigences fixées à l'art. 39 al. 1 LDTR, ce qui équivaut à tout le moins à une tentative de violation de la loi. L'intention ne peut, dans ces circonstances, être contestée, et il importe peu que d'autres acteurs - notaire, Registre foncier - n'aient pas immédiatement décelé la fraude en question. Les recourants relèvent que A.________ n'était plus actionnaire lors des transferts litigieux. Il n'en demeure pas moins qu'il était l'administrateur président des sociétés en question et qu'il en était à l'origine l'actionnaire au moment où a été élaboré le montage destiné à éluder la loi. Le stratagème mis sur pied exclut de lui-même l'erreur de droit puisque c'est précisément en toute connaissance de la législation applicable et de la pratique suivie par le département qu'ont été élaborées les opérations précitées.
C'est dès lors à tout le moins sans arbitraire que les instances précédentes ont retenu une tentative punissable d'infraction à la LDTR.
5.
Invoquant la prescription de sept ans prévue à l'art. 137 al. 5 LCI, les recourants estiment que l'on ne pourrait retenir sans arbitraire que les faits constituent une unité naturelle d'action au sens de l'art. 98 let. b CP. Ils relèvent que ces faits relèvent de plusieurs décisions (cessions d'actions, transformations en SIAL, passage en PPE et transfert des parts aux actionnaires) prises par des personnes différentes, soit à l'origine A.________, puis les assemblées générales d'actionnaires. En outre, les différentes opérations ne seraient pas suffisamment rapprochées dans le temps. Les cessions d'actions puis les transformations en SIAL ayant eu lieu plus de sept ans avant le jugement du TAPI (sauf en ce qui concerne B.________ SA), la prescription serait atteinte.
5.1. Selon l'art. 137 al. 5 LCI (auquel renvoie l'art. 44 al. 1 LDTR), la poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans. Selon l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise (LPG, RS/GE E 4 05), sauf prescription contraire de la loi, les dispositions de la partie générale du code pénal (art. 1 à 110) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise.
Aux termes de l'art. 98 let. b et c CP, la prescription court dès le jour du dernier acte si l'activité coupable de l'auteur s'est exercée à plusieurs reprises ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée. La jurisprudence actuelle recourt à la notion d'unité juridique ou naturelle d'actions (cf. ATF 131 IV 83 consid. 2.4.3 à 2.4.5), reconnue lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP), ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP; ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; 131 IV 83 consid. 2.4.5). L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle est exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; 131 IV 83 consid. 2.4.5). La notion d'unité naturelle d'actions n'est ainsi admise qu'à la double condition que les faits punissables procèdent d'une décision unique et se traduisent, dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés pour former un tout (ATF 118 IV 91 consid. 4a; 111 IV 144 consid. 3b). Tel est le cas non seulement pour des agissements très rapprochés dans le temps (volée de coups, graffitis sur un mur) mais aussi pour des actes de gestion déloyale procédant d'une même intention et se déroulant sur une plus longue période (arrêt 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.4).
5.2. Comme cela est relevé ci-dessus, l'élément qui permet de retenir dans le cas particulier un acte illicite et une intention dolosive est précisément le fait que les opérations, qui se sont succédées rapidement par étapes, forment un tout planifié d'emblée. Elles procèdent ainsi d'une décision unique au sens de la jurisprudence précitée, ce qui permet d'admettre (à tout le moins sous l'angle de l'arbitraire, s'agissant de l'application du droit cantonal supplétif), une unité naturelle d'actions au sens de l'art. 98 let. c CP. Ainsi planifiée, l'opération s'est achevée par les réquisitions d'inscription au Registre foncier au début de l'année 2014, de sorte que la prescription n'était pas intervenue lors du second jugement du TAPI au mois de mai 2020. Mal fondé, le grief relatif à la prescription du comportement répréhensible doit être écarté.
6.
Les recourants estiment enfin que le montant de l'amende serait manifestement disproportionné. Les instances précédentes n'auraient pas tenu compte des rôles du notaire instrumentant et du Registre foncier, et du fait qu'il s'agirait de simples tentatives. Les recourants contestent également le fait d'avoir agi par cupidité puisque A.________ s'était contenté de vendre ses actions, et qu'on ignorerait la différence entre le prix de ces ventes et le revenu d'une vente en bloc des appartements. Il aurait fallu en outre tenir compte de l'erreur sur l'illicéité, de la prescription de nombreux actes et de l'écoulement du temps (art. 48 let. e CP), ainsi que du fait qu'il n'y a pas récidive. Le montant de l'amende serait également excessif au regard d'autres sanctions infligées précédemment (de 20'000 à 75'000 fr. pour des infractions graves ayant causé un décès, engendré un bénéfice illicite de plusieurs centaines de milliers de francs, ou commises de manière délibérée et répétée). Un montant de 10'000 fr. apparaitrait comme le maximum envisageable.
6.1. L'autorité administrative a appliqué en l'espèce les règles sur le concours (art. 49 al. 1 CP) pour augmenter de moitié le maximum prévu par la loi, ce que les recourants ne contestent pas. Leurs arguments recoupent pour une grande partie les objections examinées ci-dessus - et rejetées - en rapport avec le rôle du notaire et du registre foncier, l'erreur de droit et la prescription. Il n'y a pas lieu d'y revenir ici.
6.2. Pour le surplus, les recourants invoquent en vain les règles sur la tentative. L'art. 22 al. 1 CP, qui définit la tentative, prévoit certes que le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme. Selon la jurisprudence, le juge doit tenir compte de l'absence de résultat dommageable comme élément à décharge, dans le cadre de l'application de l'art. 47 CP. La mesure de cette atténuation dépend notamment de la proximité du résultat ainsi que des conséquences effectives des actes commis (ATF 147 IV 249 consid. 3.1; 127 IV 101 consid. 2b; 121 IV 49 consid. 1b; arrêts 6B_42/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2.4.1; 6B_1207/2014 du 25 novembre 2015 consid. 2.5.2; DUPUIS ET AL., Petit Commentaire CP, 2ème éd. 2017, n. 26 ad art. 22). La réduction peut toutefois être compensée par une augmentation de la peine s'il existe des circonstances aggravantes, celles-ci pouvant de la sorte neutraliser les effets des circonstances atténuantes (ATF 127 IV 101 consid. 2b).
Il apparaît en l'occurrence que l'activité délictueuse a été poursuivie jusqu'au bout: seule manquait l'inscription au Registre foncier des transferts de parts de PPE aux actionnaires, l'opération ayant été interrompue sur intervention de l'Asloca. L'on se trouve dès lors en présence d'un délit manqué et non d'une tentative inachevée, et le résultat recherché était pratiquement atteint. Dans la mesure où l'art. 22 CP (appliqué à titre de droit cantonal supplétif) constitue une disposition potestative, il n'y a aucun arbitraire à renoncer à toute atténuation dans un tel cas. En outre, l'absence de résultat pouvait en l'espèce être compensée par l'application des règles sur le concours. En effet, les opérations portaient sur quatre immeubles et septante appartements au total. Elles impliquaient un grand nombre de personnes et procèdent comme on l'a vu d'une planification minutieuse. Elles contreviennent enfin au but essentiel de la LDTR qui est de préserver l'habitat et les conditions de vie existants en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation et en prohibant tous types d'aliénation des appartements loués (art. 1 al. 1 et 2 let. a, art. 39 al. 1 LDTR), but qui procède d'un intérêt public important et reconnu (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4; 113 Ia 126 consid. 7a; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités). Même si l'on ignore le bénéfice retiré de ces opérations, en comparaison notamment avec une revente en bloc des appartements, il apparaît évident que celles-ci ont été dictées par l'appât du gain, également érigé en circonstance aggravante à l'art. 137 al. 3 LCI. Les recourants ne soutiennent nullement enfin que l'amende ne tiendrait pas compte de la situation financière de l'auteur, professionnel de l'immobilier. Compte tenu de tous ces éléments, le montant de l'amende ne saurait être qualifié d'arbitraire.
6.3. Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. Cette disposition ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2).
En l'occurrence, le temps relativement long écoulé entre la commission des faits et le jugement du TAPI est dû notamment aux nombreuses procédures dans lesquelles les recourants ont contesté - en vain - l'application de la LDTR, tout comme l'existence d'une fraude à la loi. L'on ne se trouve dès lors pas dans un cas où l'auteur reconnaitrait les règles de l'ordre juridique, de sorte que la nécessité de punir diminuerait (ATF 132 IV 1 consid. 6.1.2). Examiné là encore sous l'angle de l'arbitraire, le grief doit être écarté.
6.4. Comme cela est relevé ci-dessus (consid. 3.3.2), compte tenu du nombre de paramètres entrant en jeu dans la fixation de la peine, une comparaison avec d'autres affaires ayant abouti au prononcé d'amendes administratives est d'emblée délicate (ATF 120 IV 136 consid. 3a). Les arrêts invoqués par les recourants ne permettent aucune déduction pertinente du point de vue de la fixation de la peine. En effet, tant les infractions commises que les circonstances personnelles de chaque auteur sont différentes. En l'occurrence, l'élément déterminant est l'ampleur du stratagème mis en place, le nombre d'opérations immobilières concernées et l'intérêt public en jeu, éléments que l'on ne retrouve dans aucun des exemples mentionnés par les recourants.
Les griefs relatifs à la fixation de la peine, examinés à l'aune de l'arbitraire, doivent par conséquent être eux aussi rejetés.
7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, par A.________ SA, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
 
Lausanne, le 21 mars 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
Le Greffier : Kurz