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BGer 2C_233/2022 vom 12.04.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
2C_233/2022
 
 
Arrêt du 12 avril 2022
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges fédéraux
 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hartmann.
 
Greffière : Mme Colella.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
actuellement détendue à la prison régionale de Moutier,
 
représentée par Alfred Ngoyi Wa Mwanza, BUCOFRAS,
 
recourante,
 
contre
 
Service des Migrations, Office de la population du canton de Berne,
 
Ostermundigenstrasse 99B, 3006 Berne,
 
intimé.
 
Objet
 
Détention administrative en vue de renvoi,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 10 mars 2022 (100.2022.40/67).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________, ressortissante camerounaise née en 1969, indique être entrée en Suisse en 2005 au bénéfice d'un visa, puis admet avoir séjourné illégalement dans le pays depuis lors. En 2008, elle a été contrôlée dans le canton de Neuchâtel, qui a ordonné son renvoi. Une première décision d'interdiction d'entrée en Suisse pour les année 2008 à 2011 a été prononcée à son encontre.
En février 2019, A.________ a été interpellée dans le canton de Berne. Le 1er mars 2019, le Service des migrations de l'Office de la population du canton de Berne (ci-après: le Service des migrations) a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné sa détention en vue du renvoi pour une durée de huit jours en raison de l'absence de titre de séjour. Le 1er mars 2019 également, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) a prononcé une décision d'interdiction d'entrée en Suisse valable du 4 mars 2019 au 3 mars 2024.
Par décision du 4 mars 2019, le Tribunal cantonal des mesures de contraintes du canton de Berne (ci-après: le Tribunal des mesures de contraintes) a ordonné la libération de A.________. Le même jour, le Service des migrations l'a invitée à prendre un vol de retour vers son pays d'origine le 6 mars 2019. Celle-ci ne s'est toutefois pas exécutée.
A.b. Le 23 mai 2019, la Direction de la police et des affaires militaires du canton de Berne (devenue la Direction de la sécurité) a rejeté le recours de A.________ contre la décision de renvoi du Service des migrations du 1er mars 2019. Cette décision est entrée en force.
Le 13 août 2019, le Service des migrations a ordonné l'exécution du renvoi de A.________ et a sollicité la police cantonale pour l'interpeller. Malgré plusieurs tentatives policières, l'intéressée n'a pas pu être localisée, passant ainsi dans la clandestinité jusqu'à son interpellation le 23 décembre 2021 lors d'un contrôle routier, à la suite duquel elle a été placée en détention.
En date du 18 janvier 2022, elle a été condamnée pénalement à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis pour séjour illégal.
 
B.
 
B.a. Le 18 janvier 2022, à l'issue de la procédure pénale, le Service des migrations a placé A.________ en détention en vue de son renvoi jusqu'au 17 février 2022. Par jugement du 21 janvier 2022, le Tribunal des mesures de contraintes a confirmé la légalité et l'adéquation de cette mise en détention. A.________ a recouru contre ce prononcé le 27 janvier 2022 auprès du Tribunal administratif du canton de Berne (ci-après: le Tribunal cantonal).
Par jugement du 17 février 2022, le Tribunal des mesures de contraintes a prolongé la détention en vue du renvoi de A.________ jusqu'au 17 avril 2022. L'intéressée a également recouru contre cette décision le 28 février 2022 auprès du Tribunal cantonal.
B.b. Parallèlement, A.________ a déposé, le 19 janvier 2022, une demande d'asile auprès du SEM, qui a alors suspendu l'exécution de son renvoi. Dans ce cadre, elle a été entendue par cette autorité en date du 14 février 2022 et du 8 mars 2022.
B.c. Par courrier du 9 mars 2022, A.________ a informé le Tribunal cantonal de la teneur de son audition du 8 mars 2022 par le SEM. Elle indiquait notamment avoir été reconnue par le SEM comme victime potentielle de la traite d'êtres humains et faisait valoir qu'une nouvelle audition était prévue, de sorte qu'une décision sur sa demande d'asile n'interviendrait pas rapidement; partant sa détention était injustifiée.
B.d. Par arrêt du 10 mars 2022, le Tribunal cantonal a joint les deux causes et rejeté les recours.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle, subsidiaire, du recours constitutionnel, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, outre l'octroi de l'effet suspensif et l'assistance judiciaire, l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal du 10 mars 2022 et sa libération immédiate avec assignation à un lieu de résidence. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par ordonnance du 18 mars 2022, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la demande de libération immédiate de l'intéressée et a indiqué que la demande d'assistance judiciaire et de nomination d'un défenseur d'office serait traitée ultérieurement avec le fond de l'affaire.
Le Service des migrations et le Tribunal cantonal renvoient aux considérants de l'arrêt attaqué, et ledit Tribunal conclut au rejet du recours. Le SEM estime que la levée de la détention de la recourante ne se justifie pas et, au sujet de la demande d'asile déposée par l'intéressée, il indique qu'une nouvelle audition aura lieu en avril 2022 et qu'une décision sera rendue en mai 2022. La recourante a déposé des observations complémentaires, précisant notamment qu'une audition par le SEM a été fixée le 12 avril 2022.
 
 
Erwägung 1
 
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement les conditions de recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1).
1.1. Le recours en matière de droit public est en principe ouvert dans une cause portant sur des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (art. 82 let. a LTF; ATF 147 II 49 consid. 1.1; 142 I 135 consid. 1.1.3). En raison de la gravité de l'atteinte à la liberté individuelle liée à l'ordre de détention administrative prononcé en droit des étrangers, la privation de liberté correspondante n'apparaît pas comme une simple mesure d'exécution subordonnée au renvoi, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. c ch. 4 LTF ne s'applique pas (ATF 147 II 49 consid. 1.1; 142 I 135 consid. 1.1.3). Partant, le recours en matière de droit public est ouvert en l'espèce, ce qui entraine l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF a contrario).
1.2. La qualité pour déposer un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral (cf. art. 89 LTF) suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée qui doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 1.2). En l'espèce, la recourante est détenue sur la base du jugement du Tribunal des mesures de contraintes du 17 février 2022, qui prolonge jusqu'au 17 avril 2022 sa détention initiale prononcée par ledit Tribunal le 21 janvier 2022. Ces deux jugements ayant été confirmés dans l'arrêt attaqué, il convient de lui reconnaître la qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
1.3. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies (cf. art. 42, 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 90 et 100 al. 1 LTF), il convient d'entrer en matière.
 
Erwägung 2
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). Les nova ne sont ainsi pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à l'arrêt attaqué, ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2).
2.3. En l'espèce, dans la mesure où la recourante présente une argumentation partiellement appellatoire, en opposant sa propre version des faits à celle du Tribunal cantonal ou en complétant librement l'état de fait, sans invoquer ni l'arbitraire, ni une constatation manifestement inexacte des faits, le Tribunal fédéral ne peut pas en tenir compte. Il en va notamment ainsi des allégations selon lesquelles elle pourrait être accueillie chez un cousin dans le canton de Zurich pendant la durée de la procédure d'asile. Partant, le Tribunal fédéral statuera exclusivement sur la base des faits retenus par le Tribunal cantonal.
Quant aux deux courriels du SEM, datés du 10 mars 2022 pour l'un et non daté pour le second, que produit la recourante et qui l'invitent à fournir un rapport médical dans le cadre de sa demande d'asile, respectivement qui prolongent le délai pour déposer ledit rapport, ils constituent des pièces nouvelles et ne sont pas recevables.
 
Erwägung 3
 
La recourante se prévaut d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), d'une constatation insoutenable des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.).
Elle reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir tenu compte du courrier qu'elle lui avait adressé du 9 mars 2022, duquel il ressort qu'elle est une victime potentielle de la traite d'êtres humains et qu'une nouvelle audition devant le SEM est prévue en avril 2022. Selon elle, ces faits auraient dû conduire le Tribunal cantonal à ordonner un nouvel échange d'écritures et à demander la production de son dossier de demande d'asile par le SEM.
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). L'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).
Il y a arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2). Il appartient au recourant de démontrer en quoi consiste l'arbitraire dont il se prévaut (art. 106 al. 2 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2).
3.2. En l'espèce, la recourante n'a formulé aucune demande tendant à la production de son dossier de demande d'asile par le SEM ou à un nouvel échange d'écritures. N'ayant pas sollicité de telles mesures d'instruction, on ne saurait discerner de violation de son droit d'être entendue. Par ailleurs, l'arrêt attaqué mentionne expressément le courrier de la recourante du 9 mars 2022 et en résume le contenu (cf. consid. 4.3.3 et 5.2 de l'arrêt attaqué), de sorte que la critique portant sur l'établissement arbitraire des faits est dénuée de tout fondement. En réalité, la recourante se plaint plutôt de l'appréciation juridique du contenu dudit courrier effectuée par le Tribunal cantonal, ce qui est une question de droit qui sera examinée ci-après (cf. infra consid. 4.3.3). Par conséquent, le grief est mal fondé.
 
Erwägung 4
 
La recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir violé l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et ch. 4 LEI en confirmant sa mise en détention administrative, respectivement la prolongation de celle-ci.
4.1. L'art. 76 al. 1 let. b LEI prévoit qu'après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEI, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI ou de l'art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi fédérale du 29 juin 1998 sur l'asile (RS 142.31; LAsi) (ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4). Selon la jurisprudence, ces deux chiffres décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition; ils doivent donc être envisagés ensemble (cf. arrêt 2C_442/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.1)
Un risque de fuite existe lorsque des indices concrets font craindre que l'étranger veuille se soustraire au renvoi, notamment parce que son comportement passé laisse supposer qu'il s'opposera aux injonctions des autorité (cf. ATF 130 II 56 consid. 3.1; arrêt 2C_442/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.1). C'est en principe le cas notamment lorsque l'étranger a déjà passé une fois dans la clandestinité ou qu'il laisse clairement entendre d'une autre manière qu'il n'est pas prêt à retourner dans son pays d'origine (cf. arrêt 2C_442/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.1).
Par ailleurs, la détention en vue du renvoi doit être proportionnée (art. 5 al. 2 Cst.). Cela implique que la détention administrative doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (cf. ATF 145 II 313 consid. 3.5; 140 II 409 consid. 2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi est encore adaptée et nécessaire (cf. ATF 143 I 147 consid. 3.1; 142 I 135 consid. 4.1). Eu égard à la durée de la détention, l'art. 79 al. 1 LEI dispose que la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l'art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total. L'art. 79 al. 2 LEI précise en outre qu'avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, cette durée peut être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (let. a) ou que l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait pas partie des Etats Schengen prend du retard (let. b).
4.2. A titre liminaire, il convient de préciser que, contrairement à ce qu'allègue la recourante, elle a bien fait l'objet d'une décision de renvoi prononcée en première instance le 1er mars 2019 par le Service des migrations et confirmée par la Direction de la sécurité le 23 mai 2019, de sorte que cette condition, exigée par l'art. 76 al. 1 LEI est réalisée. Savoir si ce renvoi est ou non possible en raison de la demande d'asile déposée par la recourante est une autre question (cf. infra consid. 4.3).
En outre, il ressort de l'arrêt attaqué qu'après avoir été invitée à prendre un vol réservé pour elle le 6 mars 2019 à destination du Cameroun dans le cadre de l'exécution de son renvoi, la recourante ne s'est pas exécutée. En août 2019, le Service des migrations a sollicité la police cantonale pour exécuter une nouvelle fois le renvoi de l'intéressée, mais elle n'a pas pu être interpellée avant le 23 décembre 2021. Dans ces circonstances, force est de constater que la recourante n'a sciemment pas obtempéré aux injonctions des autorités compétentes. Partant, les conditions de l'art. 76 al. al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont réunies.
4.3. Encore faut-il se demander si la demande d'asile déposée par la recourante le 19 janvier 2022, soit le lendemain de sa mise en détention, justifie sa libération.
4.3.1. Selon l'art. 42 LAsi, quiconque dépose une demande d'asile en Suisse peut y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure. La jurisprudence précise que, lorsqu'une demande d'asile est déposée par une personne détenue en vue de son renvoi, la poursuite de la détention en application de l'art. 76 LEI est admissible si l'on peut s'attendre à ce que la procédure d'asile soit terminée et la mesure de renvoi exécutée dans un avenir proche ("
Il s'agit de la concrétisation du principe selon lequel la détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Lors de cette appréciation, le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1).
4.3.2. Pour évaluer si la procédure en matière d'asile se terminera dans un délai raisonnable, il convient de prendre en compte tant la durée de la procédure de première instance que celle d'une éventuelle procédure de recours (cf. arrêt 2C_452/2021 du 2 juillet 2021 consid. 5.4.3). A cet égard, les délais de traitement des demandes d'asile par le SEM et les délais de recours auprès du Tribunal administratif fédéral varient en fonction du type de procédure d'asile concernée. Dans une procédure accélérée, la décision du SEM est notifiée dans les 8 jours ouvrables qui suivent la fin de la phase préparatoire (cf. art. 37 al. 2 LAsi), tandis que dans une procédure étendue, la décision est prise dans les deux mois qui suivent la fin de la procédure préparatoire (cf. art. 37 al. 4 LAsi). Par la suite, tant en procédure accélérée (cf. art. 108 al. 1 LAsi, en lien avec les art. 10 et 12 de l'Ordonnance sur les mesures prises dans le domaine de l'asile en raison du coronavirus (RS 142.318), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022), qu'en procédure étendue ou dans tous les autres cas (cf. art. 108 al. 2 et al. 6 LAsi), le délai de recours est de 30 jours. Le délai de traitement du recours par le Tribunal administratif fédéral est de 20 jours en procédure accélérée (cf. art. 109 al. 1 LAsi) et de 30 jours en procédure étendue (cf. art. 109 al. 2 LAsi), étant précisé que ces délais sont des délais d'ordre qui peuvent être dépassés pour de justes motifs, par exemple si des faits doivent être clarifiés (FF 2014 7771 p. 7796 et 7811 ss).
4.3.3. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a constaté, d'une façon qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que bien qu'on ne saurait ignorer que la recourante n'avait jamais sollicité l'asile depuis sa venue en Suisse, on ne pouvait retenir que sa demande d'asile visait uniquement à faire obstacle à son renvoi et à sa détention. Cet aspect ne sera donc pas remis en question dans l'appréciation qui suit.
4.3.4. Lors de l'évaluation de la durée de la procédure d'asile, le Tribunal cantonal a relevé que, de façon surprenante, le SEM ne s'estimait pas lié par les délais de la LAsi en l'espèce. Compte tenu toutefois de l'engagement exprès du SEM de mener la procédure d'asile concernant la recourante de façon prioritaire, le Tribunal cantonal a examiné la durée prévisible de ladite procédure à la lumière des dispositions de la LAsi régissant la procédure accélérée. Cette autorité a ainsi estimé que l'on pouvait s'attendre à ce qu'une décision soit rendue dans un délai de 8 jours après l'audition de la recourante, intervenue le 8 mars 2022. Ensuite, un délai de recours de 30 jours contre cette décision commencerait à courir et le traitement d'un tel recours ne devrait pas excéder 20 jours. Par conséquent, cette autorité a conclu que la procédure d'asile pourrait être close dans les deux mois suivant l'audition de la recourante le 8 mars 2022, de sorte qu'elle serait achevée dans un avenir proche au sens de la jurisprudence fédérale et que partant la détention de l'intéressée n'excéderait pas la durée maximale de six mois (art. 79 al. 1 LEI). En outre, aucune mesure moins incisive ne permettrait d'exclure le risque de fuite de l'intéressée vu ses disparitions précédentes, de sorte que son maintien en détention était justifié.
4.3.5. Ce raisonnement ne peut être suivi, car il perd de vue les exigences de la procédure d'asile. En effet, le Tribunal cantonal a estimé, d'une part, que la durée prévisible de la procédure d'asile, y compris les éventuels recours, était de deux mois à compter du 8 mars 2022, de sorte qu'elle s'achèverait au début du mois de mai 2022. Cette estimation résulte toutefois de la prise en compte des délais de la LAsi relatifs à la procédure accélérée, alors que le SEM avait expressément indiqué audit Tribunal que la procédure d'asile en cause revêtait un caractère
D'autre part, l'estimation du Tribunal cantonal se fonde sur le prononcé d'une décision par le SEM peu après l'audition du 8 mars 2022. Or, le Tribunal cantonal ne tient pas compte du fait qu'après l'audition de la recourante le 8 mars 2022, le SEM a jugé nécessaire de l'entendre à nouveau en avril 2022, point sur lequel l'intéressée avait expressément attiré l'attention dudit Tribunal dans son courrier du 9 mars 2022, courrier qui est mentionné dans l'arrêt attaqué. D'ailleurs, dans ses observations déposées devant le Tribunal cantonal, le SEM avait lui-même précisé que la durée prévisible de la procédure d'asile, et les éventuelles autres mesures d'instruction nécessaires, ne pourraient être déterminées qu'après l'audition de l'intéressée le 8 mars 2022.
Ainsi, l'estimation du Tribunal cantonal repose non seulement sur des délais applicables à une procédure qui n'est pas celle indiquée par le SEM, mais elle ne prend pas non plus en compte la poursuite annoncée de l'instruction de la procédure d'asile au-delà du 8 mars 2022. Il en découle que la conclusion du Tribunal cantonal selon laquelle la procédure d'asile de la recourante se terminerait dans un délai raisonnable ne peut être suivie.
4.3.6. Selon les indications données par le SEM dans sa détermination dans le cadre de la présente procédure, une décision sur la demande d'asile de la recourante sera rendue en mai 2022. Compte tenu des délais de recours et de traitement d'un éventuel recours par le Tribunal administratif fédéral, aucun élément tangible ne permet de conclure que la procédure sera achevée dans un délai prévisible ("
4.4. Toutefois, au vu du comportement passé de la recourante et de ses précédentes soustractions aux injonctions des autorités, le prononcé d'une mesure de contrainte moins incisive (art. 74 LEI) en remplacement de sa détention s'impose, comme le conclut du reste la recourante dans son recours. Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral de préciser le contenu d'une telle mesure, qui dépend de faits que l'autorité inférieure compétente est mieux à même d'apprécier.
Par conséquent, le Tribunal fédéral renvoie la cause au Service des migrations, autorité cantonale compétente (art. 74 al. 2 LEI et 29 al. 1 de la loi bernoise du 9 décembre 2019 portant introduction de la loi fédérale sur l'asile et de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration; RS/BE 122.20), à charge pour lui de libérer au plus vite la recourante en assortissant cette libération du prononcé d'une mesure de contrainte qu'il jugera appropriée.
 
Erwägung 5
 
Compte tenu de l'issue du litige, il n'est pas prélevé de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La recourante, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF) à charge du canton de Berne, ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal afin qu'il se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant lui (art. 67 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours en matière de droit public est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du 10 mars 2022 est annulé. La cause est renvoyée au Service des migrations pour qu'il statue dans le sens des considérants.
 
2. Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
 
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4. Une indemnité de 2'500 fr., à payer au mandataire de la recourante à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Berne.
 
5. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal, afin qu'il se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant lui.
 
6. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Service des migrations de l'Office de la population du canton de Berne, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et au Secrétariat d'Etat aux migrations.
 
Lausanne, le 12 avril 2022
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : F. Aubry Girardin
 
La Greffière : S. Colella