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BGer 6B_997/2021 vom 04.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_997/2021
 
 
Arrêt du 4 mai 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux
 
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
 
Abrecht et van de Graaf.
 
Greffière : Mme Fretz Perrin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Étienne Campiche, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
 
2. B.________,
 
représenté par Me Yann Oppliger, avocat,
 
intimés.
 
Objet
 
Agression; arbitraire; présomption d'innocence,
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 avril 2021
 
(n° 184 PE18.019186-EBJ/ACP).
 
 
Faits :
 
A.
Par jugement du 15 décembre 2020, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a notamment condamné A.________, ressortissant kosovar né en 1990, pour agression à une peine privative de liberté de 8 mois, sous déduction d'un jour de détention préventive, peine complémentaire à celle prononcée le 12 juin 2018 par le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Il a par ailleurs ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 10 ans.
Par ce même jugement, le tribunal correctionnel a aussi condamné C.________ et D.________ notamment pour agression; A.________, C.________ et D.________ ont été condamnés, solidairement entre eux, à verser à B.________ un montant de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral et un montant de 6'215 fr. 15 à titre d'indemnité de l'art. 433 CPP (pour les dépenses occasionnées par la procédure). Une partie des frais de la cause ont été mis à la charge de chacun des trois prévenus, le montant mis à la charge de A.________ s'élevant à 8'743 fr. 85, après déduction de l'indemnité due à son défenseur d'office.
B.
Par jugement du 22 avril 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les appels formés par C.________ et D.________ mais a très partiellement admis celui formé par A.________ contre le jugement du 15 décembre 2020; elle a réformé ce jugement en ce sens que les frais de la cause à la charge de A.________ ont été fixés à 6'728 fr. 65 (au lieu de 8'743 fr. 85) et l'a confirmé pour le surplus.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants:
B.a. A U.________, rue V.________, en avril 2018, entre 20h00 et 21h00, alors que les protagonistes passaient la soirée au Pub E.________ avec leurs amis respectifs, une altercation verbale a éclaté entre D.________ et B.________, le premier reprochant au second de ne pas signer les documents de la procédure de divorce l'opposant à la nouvelle compagne de son frère.
Après que les esprits s'étaient échauffés, B.________ est sorti de l'établissement en vue de rentrer à son domicile. D.________, rapidement suivi de ses deux amis, C.________ et A.________, l'a alors immédiatement rattrapé et les trois s'en sont physiquement pris à lui en le frappant au niveau du visage avec leurs poings. B.________ s'est ensuite retrouvé au sol et les trois prévenus ont continué à lui asséner des coups tandis qu'il était à terre. Lorsqu'ils se sont finalement calmés, B.________ s'est relevé et a pris la fuite en courant. D.________ l'a cependant poursuivi dans les rues de U.________ et l'a rapidement rattrapé. Il l'a alors saisi par le col de son pull en lui déclarant: "Si tu es un homme, on va chez toi chercher les papiers du divorce et tu les signes". Les deux hommes se sont donc dirigés vers le domicile de B.________, tandis que D.________ le tenait toujours par le col et que des amis de ce dernier les suivaient. Sur le trajet, B.________ a reçu un appel d'un collègue avec qui il se trouvait au Pub E.________; il lui a alors indiqué où il était et lui a demandé de venir rapidement. Sur ce, D.________ a recommencé à le frapper avec ses poings au niveau du visage et de l'arrière de la tête, tout en le tenant par le col. B.________ est ensuite parvenu à appeler la police pour qu'elle envoie une patrouille à la hauteur du garage F.________, sis chemin W.________. A cet endroit, des amis des deux parties sont arrivés. D.________ a asséné un coup de poing sur le nez de B.________ avant de le lâcher. Par la suite, chacun est reparti de son côté, le second ayant été placé dans une voiture par ses amis, puis conduit à son domicile.
B.b. B.________ a déposé plainte le 3 mai 2018 et s'est également constitué partie plaignante, demanderesse au civil, sans toutefois chiffrer ses prétentions. Il a souffert de dermabrasions à l'avant-bras droit, d'érythèmes au niveau des tempes et de l'arc zygomatique gauche, d'un hématome au niveau de la pommette droite et de saignements du nez.
B.c. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse de A.________, ce dernier a été condamné entre 2010 et 2018 à sept reprises, en dernier lieu pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, agression, dommages à la propriété et injure à une peine privative de liberté de 30 mois, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans. Il est actuellement détenu en exécution de peines précédemment prononcées à son encontre.
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale contre le jugement de la Cour d'appel pénale, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit libéré des fins de la poursuite pénale, qu'il ne doive rien à B.________ et qu'aucuns frais ne soient mis à sa charge. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire et la désignation de Me Etienne Campiche en qualité de défenseur d'office pour la procédure fédérale.
 
1.
Le recourant conteste sa condamnation pour agression sur la personne de B.________. Il fait grief à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves et, partant, d'avoir violé le principe de la présomption d'innocence.
1.1. La présomption d'innocence, dont le principe
1.1.1. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne accusée d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond condamne l'accusé au motif que son innocence n'est pas établie, s'il a tenu la culpabilité pour établie uniquement parce que le prévenu n'a pas apporté les preuves qui auraient permis de lever les doutes quant à son innocence ou à sa culpabilité, ou encore s'il a condamné l'accusé au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (cf. ATF 127 I 38 consid. 2a).
1.1.2. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence est violée si le juge se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 124 IV 86 consid. 2a). A propos de l'appréciation des preuves, le principe
1.2. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Il n'y a pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs sont fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts 6B_1109/2021 du 1er avril 2022 consid. 2.1; 6B_892/2021 du 30 mars 2022 consid. 1.1; 6B_738/2021 du 18 mars 2022 consid. 3.1).
 
Erwägung 2
 
2.1. La cour cantonale a exposé que les premiers juges avaient retenu la participation des trois prévenus sur la base des déclarations claires et constantes de l'intimé. Celui-ci n'avait aucune raison de mettre en doute des innocents et ses déclarations étaient corroborées par les pièces médicales ainsi que, dans une certaine mesure, par les aveux de D.________. Les divergences entre les témoignages des deux amis de l'intimé (à savoir G.________ et H.________) s'expliquaient par la confusion régnant lors d'une altercation mêlant plusieurs personnes, dans des compositions différentes et en plusieurs lieux. L'un de ces témoins avait confirmé que l'intimé avait été frappé par D.________ et ses copains, parmi lesquels C.________. Quant aux rapports de police, ils concernaient la suite des événements, dans lesquels ce dernier et le recourant n'étaient pas impliqués.
La cour cantonale a indiqué arriver au même résultat que les premiers juges en procédant à sa propre appréciation des preuves. Le certificat médical ne prouvait pas qu'il y avait eu plusieurs agresseurs, et comme D.________ admettait avoir frappé l'intimé, il n'apportait rien contre les deux autres prévenus. Les éléments à charge étaient en revanche les suivants: premièrement, les déclarations de l'intimé qui disait avoir été frappé par D.________ et deux de ses amis (à savoir C.________ et le recourant), qu'il ne connaissait pas mais qu'il avait identifiés sur photographies et reconnus à l'audience d'appel; deuxièmement, les déclarations de G.________, ami de l'intimé, selon lesquelles ce dernier avait été frappé par D.________ et ses copains, dont le seul qu'il connaissait était C.________; troisièmement, le fait que C.________ passait la soirée avec le recourant.
2.2. On comprend de l'argumentation du recourant qu'il reproche à la cour cantonale de l'avoir condamné pour agression au seul motif que sa culpabilité serait plus vraisemblable que son innocence, ce qui "procède[rait] d'une violation de la présomption d'innocence du recourant".
Le raisonnement de la cour cantonale permet de comprendre qu'elle a considéré que le recourant était l'un des auteurs de l'agression de l'intimé non en raison du fait que sa culpabilité était plus vraisemblable que son innocence, mais parce que les preuves récoltées permettaient de tenir sa participation à l'agression pour établie. La cour cantonale n'a donc nullement procédé à un renversement du fardeau de la preuve, ni n'a éprouvé un doute qu'elle aurait interprété en défaveur du recourant (cf. consid. 1.1.1 supra). La question de savoir si elle aurait dû objectivement éprouver des doutes relève de l'appréciation des preuves (cf. consid. 1.1.2 supra) et ne peut être examinée que sous l'angle de l'arbitraire (cf. consid. 1.2 supra), ce qu'il y a lieu de faire ci-après.
 
Erwägung 2.3
 
2.3.1. Le recourant reproche d'abord à la cour d'appel pénale d'avoir arbitrairement passé sous silence le rapport d'intervention de la police du 6 mai 2018, alors même qu'il s'agirait d'un moyen de preuve décisif faisant la synthèse des témoignages directs recueillis le soir des faits, lesquels excluraient sa participation à l'agression.
Contrairement à ce que soutient le recourant, les juges cantonaux ont fondé leur conviction quant à sa culpabilité sur une appréciation des procès-verbaux d'audition et des rapports de police dans leur ensemble. Au surplus, en tant qu'il déduit du seul rapport d'intervention de la police du 6 mai 2018 qu'il ne pouvait pas figurer parmi les protagonistes de la bagarre au cours de laquelle l'intimé avait été agressé, le recourant interprète librement le contenu dudit rapport et substitue sa propre appréciation des preuves à celle opérée par les juges cantonaux, laquelle échappe au grief d'arbitraire pour les motifs suivants.
D'une part, le fait qu'il ressort dudit rapport que des badauds avaient vu une dizaine de personnes se battre devant le Pub E.________ avant de quitter les lieux, alors que le recourant se trouvait encore sur place lorsque la police a débarqué, ne suffit pas à exclure que ce dernier s'en soit pris à l'intimé avant que le groupe de personnes quitte les lieux. Au contraire, le rapport de police ne fait que corroborer la version de l'intimé, selon laquelle C.________ et le recourant ne se trouvaient pas parmi les personnes qui s'étaient déplacées avec D.________ lorsqu'il avait poursuivi l'intimé après l'incident devant le Pub E.________, donnant ainsi toute crédibilité aux déclarations de ce dernier. D'autre part, on ne voit pas en quoi le fait que les témoins avaient désigné deux personnes "de type mélanoderme" permettrait d'exclure que le recourant - qui relève être "de type leucoderme" - eût participé à l'agression de l'intimé. Il est vrai que selon ledit rapport, "deux personnes de couleur seraient impliquées". Il ressort des déclarations du témoin H.________ que ce dernier a décrit D.________ comme étant une "personne de couleur". Cela étant, le fait qu'une autre "personne de couleur" que le dernier nommé serait "impliquée" - sans qu'on sache en quelle qualité - ne permet nullement d'exclure la participation du recourant à l'agression.
2.3.2. Le recourant se plaint encore d'arbitraire dans l'appréciation des preuves en tant que la cour cantonale s'est fondée, pour retenir sa culpabilité, sur le témoignage de G.________ alors que ce dernier ne l'aurait à aucun moment mis en cause. Quant aux déclarations de l'intimé, sur lesquelles les juges cantonaux se sont également fondés pour se convaincre de sa culpabilité, elles seraient contredites par le recourant et ses coaccusés et ne seraient corroborées par aucune personne ayant assisté à la bagarre. A l'appui de cette argumentation, le recourant énumère des extraits de procès-verbaux d'audition où G.________ aurait uniquement déclaré que l'intimé avait été frappé plusieurs fois par "D.________ et ses copains" et qu'il ne connaissait que C.________ parmi les copains de D.________. La cour cantonale avait du reste retenu que ce dernier était accompagné, lors de la soirée en avril 2018, de plusieurs amis ou connaissances, soit non seulement du recourant et de C.________ mais aussi d'autres personnes, dont celles qui avaient suivi l'intimé jusqu'au garage F.________. Selon le recourant, la cour cantonale ne pouvait dès lors pas conclure qu'il se trouvait forcément parmi "les copains" ayant frappé l'intimé, car il pouvait tout autant s'agir d'une autre personne, soit par exemple de la personne "de couleur" identifiée par les témoins de la scène interrogés par la police.
S'il est vrai que le témoin G.________ a seulement mis en cause nommément C.________ parmi les copains de D.________ ayant frappé l'intimé, cela tient au fait qu'il ne connaissait pas le recourant et qu'il n'avait dès lors pas été en mesure de l'identifier. Quant aux déclarations de l'intimé, le fait qu'elles soient contredites par le recourant ne suffit pas à les écarter. Le recourant ne démontre du reste pas en quoi elles ne seraient pas crédibles. L'intimé a clairement distingué ses agresseurs parmi "les copains de D.________". Il a mentionné "deux jeunes" connaissances de D.________ venus le chercher dans le fumoir du Pub E.________ pour qu'il en sorte, lesquels ne l'avaient pas frappé, un autre ami de D.________ qui se trouvait déjà dehors et qui lui a enjoint de partir avant que la situation dégénère et les deux amis de D.________ - soit C.________ et le recourant, reconnus après coup sur photographies puis à l'audience d'appel - qui l'avaient frappé en même temps que D.________ devant le Pub E.________. L'appréciation de la cour cantonale, selon laquelle l'intimé n'avait aucune raison de mettre en cause des personnes qu'il ne connaissait pas et avec lesquelles il n'avait aucun litige préexistant, ne prête pas le flanc à la critique. Au surplus, les déclarations de l'intimé concernant le déroulement des événements se recoupent largement avec le contenu du rapport de police du 6 mai 2018, ce qui les rend d'autant plus crédibles, à la différence des déclarations du recourant et de celles de C.________, lesquels, selon ce même rapport de police, n'auraient rien vu de ce qui s'était passé le soir d'avril 2018 et prétendaient ne pas être impliqués du tout alors même qu'au moins un témoin avait reconnu C.________ et une autre personne avec lui agresser l'intimé. Comme on l'a vu (cf. consid. 2.3.1 supra), le fait qu'une autre "personne de couleur" que D.________ serait "impliquée" n'exclut pas la participation du recourant à l'agression de l'intimé.
2.3.3. Le recourant échoue ainsi à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves opérée par la cour cantonale.
3.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Comme il était dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut pas être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera ainsi les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF) qui n'apparaît pas favorable.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1200 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 4 mai 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
 
La Greffière : Fretz Perrin