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BGer 6B_841/2021 vom 09.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_841/2021
 
 
Arrêt du 9 mai 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges fédéraux
 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Muschietti et Hurni.
 
Greffière : Mme Klinke.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Mireille Loroch, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
 
intimé.
 
Objet
 
Maxime d'accusation (entrée illégale et séjour illégal),
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 mars 2021 (n° 102 PE19.023488/TLA/Jgt/lpv).
 
 
Faits :
 
A.
Statuant sur opposition à une ordonnance pénale du 28 janvier 2020 par jugement du 12 novembre 2020, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable d'entrée illégale et de séjour illégal (ch. I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 50 jours (ch. II), a rejeté sa prétention en indemnisation (ch. III) et a mis les frais de procédure à sa charge (ch. IV).
B.
La Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 11 mars 2021, rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement de première instance, complétant d'office le chiffre IV du dispositif.
En substance, les faits pertinents suivants ont été retenus.
B.a. A.________ est né en 1996 au Sénégal, pays dont il est ressortissant et où il a fréquenté l'école arabe depuis ses 9 ans et aidé ses parents à la ferme. Il est fils unique. En 2014, il a quitté le Sénégal pour aller en Italie, pays où il a été placé dans un camp pour réfugiés pendant 2 ans. Il dit avoir quitté ce camp en 2016 environ, pour venir en Suisse en train. Il travaille parfois en Italie, mais quand il n'a plus de travail, il vient en Suisse pour en trouver. Ne disposant pas de revenu, il survit grâce à des organisations en Suisse et à la communauté musulmane, qui lui apporte de l'aide. Il dit n'avoir aucune dépense, ni aucune dette.
A.________ s'est vu notifier le 23 juin 2018 une interdiction d'entrée en Suisse pour la période du 11 septembre 2017 au 10 septembre 2022, avec la précision qu'une transgression serait sanctionnée par les peines prévues à l'art. 115 al. 1 LEI.
B.b. Le 22 novembre 2019, A.________ est entré en Suisse et y a séjourné sans autorisation valable, avant d'être interpellé par la police le même jour.
B.c. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A.________ a été condamné le 28 août 2015 pour entrée illégale et séjour illégal et contravention à l'art. 19a LStup, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans (sursis révoqué le 22 août 2017), et à une amende de 300 francs. Le 13 septembre 2017, il a été condamné pour délit à la LStup et séjour illégal à une peine privative de liberté de 60 jours. Le 8 mars 2018, une peine privative de liberté de 40 jours a été prononcée pour entrée illégale et séjour illégal (du 25 au 29 janvier 2018), et une amende de 200 fr. lui a été infligée pour contravention à l'art. 19a LStup.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal et conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 5 jours-amende, à 10 fr. le jour. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.
D.
Invités à se déterminer sur le mémoire de recours, tant la cour cantonale que le ministère public y ont renoncé en se référant à la décision entreprise.
 
1.
Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé la maxime d'accusation en se fondant notamment sur un fait qui ne ressortait pas de l'acte d'accusation, à savoir la notification, le 23 juin 2018, d'une interdiction d'entrée dans le pays.
1.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65; 141 IV 132 consid. 3.4.1 p. 142 s.). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut également retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique. Le principe de l'accusation est également déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation) (arrêts 6B_136/2021 du 6 septembre 2021 consid. 3.3; 6B_1188/2020 du 7 juillet 2021 consid. 2.1; 6B_623/2020 du 11 mars 2021 consid. 1.1).
Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f); les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonction de délimitation et d'information) (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65; 141 IV 132 consid. 3.4.1 p. 142 s. et les références citées; arrêt 6B_136/2021 précité consid. 3.3).
1.2. L'ordonnance pénale du 28 janvier 2020, tenant lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1, 2e phrase, CPP) retient que:
1. Le 22 novembre 2019, A.________ est entré en Suisse sans autorisation valable.
2. Le 22 novembre 2019, date de son interpellation par la police, A.________ a séjourné en Suisse sans autorisation valable.
Tant le ministère public que l'autorité de première instance ont considéré que le recourant s'est rendu coupable d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), faute pour l'intéressé de disposer d'une autorisation valable (cf. art. 5 al. 1 let. a LEI). La cour cantonale a quant à elle retenu, en se fondant sur l'art. 5 al. 1 let. d LEI, que l'infraction d'entrée illégale (et implicitement celle de séjour illégal) était réalisée, au motif que le recourant était entré en Suisse en transgressant une décision d'interdiction d'entrée (jugement entrepris consid. 3.3 p. 11 et 4.3 p. 13). Pour ce faire, elle a pris appui sur la décision d'interdiction d'entrée figurant au dossier du Service de la population qu'elle a fait produire en procédure d'appel. Or cet élément nouveau, qui ne ressortait pas de l'ordonnance pénale tenant lieu d'acte d'accusation, a une incidence sur la qualification de l'infraction retenue ainsi que sur la peine (cf. jugement entrepris consid. 5.3 p. 15). Selon le jugement entrepris, les actes reprochés au recourant au sens de l'art. 325 al. 1 let. f CPP ne sont plus d'être entré en Suisse et d'y avoir séjourné sans autorisation valable, mais de s'être comporté ainsi en transgressant une décision d'interdiction d'entrée qui lui avait été notifiée. L'état de fait s'en trouve ainsi modifié. Il ne s'agit pas d'une circonstance complémentaire ou secondaire, ni d'un moyen de preuve, puisque la cour cantonale en a tenu compte comme un élément central dans son appréciation juridique, ainsi qu'au moment d'arrêter la peine (cf. art. 115 al. 6 LEI). Cela étant, la cour cantonale s'est écartée de l'acte d'accusation, le recourant n'ayant pas pu exercer ses droits de défense quant au reproche d'avoir transgressé une décision d'interdiction d'entrée. Partant, la cour cantonale a violé le principe d'accusation (cf. en ce sens arrêts 6B_1188/2020 du 7 juillet 2021 consid. 2; 6B_434/2019 du 5 juillet 2019 consid. 2). Le recours doit être admis sur ce point, le jugement entrepris annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle procède conformément à la maxime d'accusation (cf. arrêt 6B_1216/2020 du 11 avril 2022 consid. 1.4, s'agissant de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral qui constate une violation de la maxime d'accusation sans implication d'une partie plaignante).
1.3. Vu le sort du recours, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs soulevés par le recourant en relation avec la fixation de la peine, laquelle devra, le cas échéant, être réexaminée dans le cadre du renvoi (cf. Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier; ATF 147 IV 232 consid. 1.2 p. 236; 143 IV 264 consid. 2.1 p. 266; arrêt CJUE du 1er octobre 2015
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64 al. 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le canton de Vaud versera au conseil du recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 9 mai 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
 
La Greffière : Klinke