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BGer 2C_769/2021 vom 11.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
2C_769/2021
 
 
Arrêt du 11 mai 2022
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux
 
Aubry Girardin, Présidente, Hartmann et Ryter.
 
Greffière : Mme Colella.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Service des migrations du canton de Neuchâtel, rue de Maillefer 11a, 2000 Neuchâtel,
 
Département de l'emploi et de la cohésion sociale de la République et canton de Neuchâtel DEAS,
 
Le Château,
 
2001 Neuchâtel 1.
 
Objet
 
autorisation d'établissement; rétrogradation,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 31 août 2021 (CDP.2020.390).
 
 
Faits :
 
A.
A.________, ressortissant sénégalais né en 1970, est entré en Suisse en 1999 en vue de son mariage avec une ressortissante suisse et s'est vu délivrer une autorisation de séjour de courte durée. A la suite de son mariage, il a obtenu une autorisation de séjour puis, le 8 juin 2005, une autorisation d'établissement. Le divorce des époux a été prononcé en 2011 et, depuis juin 2012, l'intéressé a émargé à l'aide sociale. En août 2019, sa dette sociale s'élevait à 170'633.35 fr.
Par courrier du 4 septembre 2019, le Service des migrations du canton de Neuchâtel (ci-après: le Service des migrations) a informé A.________ que, compte tenu de sa dette sociale, il examinait si son autorisation d'établissement devait être révoquée ou rétrogradée, et il l'invitait à fournir des explications sur sa situation personnelle et financière. Exerçant son droit d'être entendu, l'intéressé a notamment indiqué que, depuis 2012, il n'avait cessé de travailler en effectuant des missions d'insertion professionnelle, qu'il avait eu des problèmes de santé et qu'il se sentait bien intégré.
B.
Par décision du 8 janvier 2020, le Service des migrations a prononcé la révocation de l'autorisation d'établissement de A.________ et lui a octroyé une autorisation de séjour d'une durée d'un an assortie de trois conditions: être autonome financièrement et s'être affranchi de l'aide des services sociaux, déposer ses fiches de salaires pour l'année écoulée ou tout document attestant de revenus autres que ceux du travail et produire une attestation des services sociaux confirmant la clôture de son dossier, et ne pas avoir contracté de nouvelles dettes. La décision précisait que si les conditions ne devaient pas être réalisées à l'échéance de l'autorisation de séjour, cette dernière ne serait pas prolongée et son renvoi de Suisse serait prononcé. Le Service des migrations a également conclu que sa décision devait être soumise à l'approbation du Secrétariat d'État aux Migrations (ci-après: le SEM).
Saisi d'un recours contre la décision du Service des migrations, le Département de l'économie et de l'action sociale de la République et canton de Neuchâtel, devenu le Département de l'emploi et de la cohésion sociale (ci-après: le Département), l'a partiellement admis le 7 octobre 2020, en retenant que la décision du Service des migrations ne devait pas être soumise à l'approbation du SEM, et l'a rejeté pour le surplus.
Le 31 août 2021, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de A.________ contre la décision du Département du 7 octobre 2020, tout en réformant ladite décision en ce sens que la décision du Service des migrations devait être soumise à l'approbation du SEM.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 31 août 2021 et de maintenir son autorisation d'établissement.
Le Service des migrations, le Département et le Tribunal cantonal se réfèrent aux motifs de l'arrêt attaqué et concluent au rejet du recours. Le SEM annonce qu'à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 considérant que l'approbation des décisions de rétrogradation par le SEM contrevient à l'art. 99 LEI, il renonce avec effet immédiat à une révision matérielle des décisions cantonales de rétrogradation. Par ailleurs, il conclut sur le fond au rejet du recours.
Le recourant a répliqué.
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Il est recevable contre les décisions de rétrogradation, c'est-à-dire révoquant l'autorisation d'établissement et octroyant une autorisation de séjour, comme en l'espèce, car il existe en principe un droit au maintien d'une autorisation d'établissement (art. 34 al. 1 LEI; cf. ATF 135 II 1 consid. 1.2.1; arrêt 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 1, destiné à la publication). La question de savoir si les conditions d'un tel droit sont effectivement réunies relève du fond (ATF 139 I 330 consid. 1.1 et les arrêts cités). Partant, la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
1.2. Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal supérieur de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), est recevable.
 
Erwägung 2
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet alinéa, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant.
2.2. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf exception de l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3).
Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). Les nova ne sont ainsi pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée, ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (cf. ATF 139 III 120 consid. 3.1.2).
2.3. En l'espèce, dans la mesure où le recourant se plaint d'un établissement inexact des faits, ses critiques ne remplissent pas les conditions de l'art. 97 al. 1 LTF. D'une part, le recourant sollicite la rectification d'office de l'arrêt attaqué en ce qu'il y est mentionné que "rien n'indique que l'intéressé ne remplirait plus les conditions pour bénéficier de l'aide sociale". D'autre part, il estime que le Tribunal cantonal aurait dû retenir un forfait d'entretien de 997 fr. - au lieu du montant de 1'200 fr. retenu au titre du minimum vital - pour déterminer si son activité professionnelle couvrait ses besoins vitaux.
Ces deux éléments ne sont toutefois pas déterminants en l'espèce. Tout d'abord, il n'est pas contesté que le recourant n'émarge plus à l'aide sociale depuis le mois de mars 2021, de sorte que le point de savoir s'il remplit encore ou non les conditions pour en bénéficier n'est pas pertinent. En outre, quel que soit le montant finalement retenu au titre de l'entretien du recourant, force est d'admettre que son revenu mensuel brut de 1'724.50 fr. ne permet de toute façon pas de lever tout doute quant à la couverture de ses besoins vitaux, à sa réelle autonomie financière et à la durabilité de sa dépendance à l'aide sociale. La différence entre ces deux montants, relativement faible du reste, n'est ainsi pas susceptible d'influer sur le sort de la cause.
Pour le surplus, s'agissant des pièces que le recourant a produites à l'appui ou en complément de son recours, elles ont toutes été établies postérieurement à l'arrêt attaqué, de sorte qu'elles ne seront pas prises en considération.
3.
Soulevant un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (cf. ATF 141 V 557 consid. 3), le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
Selon lui, en rejetant ses propositions d'offres de preuves, à savoir l'audition de son assistante sociale et celle du responsable de l'insertion sociale et professionnelle à Neuchâtel, les juges précédents ont refusé de prendre en compte des éléments nécessaires pour comprendre pourquoi sa dépendance à l'aide sociale était involontaire.
3.1. Tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 I 11 consid. 5.3). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1).
Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. arrêt 2C_885/2019 du 5 mars 2020 consid. 3.2). Il n'y a arbitraire dans l'appréciation des preuves que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 142 II 355 consid. 6; arrêt 2C_562/2021 du 13 juillet 2021 consid. 4.1).
3.2. En l'espèce, le Tribunal cantonal a relevé que le recourant n'avait jamais démontré avoir cherché un emploi avant la décision du Service des migrations et qu'il ressortait de son
Selon le recourant, les auditions requises visaient à établir qu'il avait toujours exercé des activités - certes non rémunérées - ayant donné entière satisfaction, qu'il souffrait d'un manque de formation et d'expérience, qu'il était déterminé à s'intégrer ou encore que des problèmes de santé lui avaient valu plusieurs périodes d'incapacité de travail. Or, ces éléments, du reste non contestés, ressortent d'emblée du dossier de la cause et ne sont pas de nature à démontrer que le recourant aurait activement cherché un emploi rémunéré. Du reste, l'absence d'activité salariée entre 2013 et mars 2021 ressort de pièces établies et produites par l'intéressé lui-même. Par conséquent, l'appréciation anticipée des preuves du Service des migrations et du Département, confirmée par le Tribunal cantonal, n'est pas arbitraire et le refus des preuves offertes ne procède d'aucune violation du droit d'être entendu.
4.
Le litige porte sur le point de savoir si la décision du Service des migrations rétrogradant l'autorisation d'établissement du recourant en une autorisation de séjour et soumettant celle-ci à l'approbation du SEM est conforme au droit fédéral.
4.1. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (aLEtr; RO 2007 5437), intitulée depuis lors loi sur les étrangers et l'intégration (LEI; RO 2017 6521). Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit. Dans le cas d'une rétrogradation de l'autorisation d'établissement, c'est le moment de l'ouverture de la procédure de rétrogradation qui est déterminant (cf. arrêt 2C_667/2021 du 19 octobre 2021 consid. 1 et les références). Le Service des migrations ayant initié la procédure le 4 septembre 2019, la cause est donc régie par la LEI.
4.2. Selon l'art. 63 al. 2 LEI, nouvellement introduit dans la LEI en vigueur depuis le 1er janvier 2019, une autorisation d'établissement peut être rétrogradée, à savoir révoquée et remplacée par une autorisation de séjour, lorsque les critères d'intégration définis à l'art. 58a LEI ne sont pas remplis. En l'absence de dispositions transitoires dans la LEI, la rétrogradation s'applique en principe aussi pour les autorisations d'établissement délivrées selon l'ancien droit, soit avant le 1er janvier 2019 (cf. arrêt 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 2.3.1 et les références citées, destiné à la publication), sous réserve que les conditions la justifiant perdurent (cf. infra consid. 4.3).
Conformément à l'art. 58a al. 1 LEI, également entré en vigueur le 1er janvier 2019, l'autorité compétente évalue l'intégration en tenant notamment compte de la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d). L'art. 77e OASA, qui concrétise les critères et les prescriptions d'intégration eu égard à l'art. 58a let. d LEI, prévoit qu'une personne participe à la vie économique lorsque son revenu, sa fortune ou des prestations de tiers auxquelles elle a droit lui permettent de couvrir le coût de la vie et de s'acquitter de son obligation d'entretien.
4.3. L'autorité qui examine le déficit d'intégration peut se baser sur des circonstances qui se sont réalisées sous l'empire de l'ancien droit et qui perdurent encore lors de l'entrée en vigueur de l'art. 63 al. 2 LEI, afin d'apprécier la nouvelle situation de l'intéressé à la lumière de l'ancienne (cf. arrêt 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 5.3, destiné à la publication; ATF 133 II 97 consid. 4.1; 122 II 148 consid. 2a). Il s'agit là d'une rétroactivité improprement dite qui est en principe admissible, pour autant que des droits acquis ou le principe de la confiance légitime ne s'y opposent pas (cf. ATF 144 I 81 consid. 4.1; 138 I 189 consid. 3.4; arrêt 2C_667/2020 précité consid. 5.1, destiné à la publication). Dans le cas contraire, il s'agirait d'une rétroactivité (proprement dite) en principe inadmissible, car lesdites autorités doivent, en l'absence de réglementation transitoire, tenir compte de la confiance des administrés dans le fait que le droit sera appliqué avec une certaine continuité (cf. ATF 144 I 81 consid. 4.1; arrêt 2C_667/2020 précité consid. 5.3, destiné à la publication). Les autorisations d'établissement étant, de par leur nature juridique, d'une durée illimitée et non soumises à condition, ce n'est qu'en présence d'un déficit d'intégration qui perdure, c'est-à-dire qui est actuel et d'une certaine importance ("ein aktuelles Integrationsdefizit von einem gewissen Gewicht") qu'il existe un intérêt public suffisamment important pour justifier la rétrogradation des autorisations d'établissement octroyées sous l'ancien droit (cf. arrêts 2C_667/2020 précité consid. 6.2, destiné à la publication et 2C_1053/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.3).
4.4. La rétrogradation ne peut toutefois pas être ordonnée en tant que mesure "moins sévère" si les conditions de la révocation de l'autorisation d'établissement avec renvoi du pays, au sens de l'art. 63 al. 1 LEI, sont remplies (cf. arrêts 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 2.5, destiné à la publication). Selon cette disposition, l'autorisation d'établissement ne peut être révoquée que lorsque l'étranger ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale (let. c).
4.5. La rétrogradation vise à permettre aux autorités compétentes d'agir de manière plus adaptée à la situation et plus différenciée lorsque les critères d'intégration ne sont pas (ou plus) remplis après l'octroi d'une autorisation d'établissement (cf. arrêt 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 2.3.1 et les références citées, destiné à la publication). Les autorités compétentes doivent cependant respecter le principe de proportionnalité (art. 96 LEI) et prendre notamment en compte la durée du séjour en Suisse de l'étranger (FF 2016 2179, p. 2674). De plus, lorsqu'une mesure serait justifiée, mais qu'elle n'est pas adéquate, l'autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (art. 96 al. 2 LEI).
4.6. Pour apprécier si une personne se trouve dans une large mesure à la charge de l'aide sociale, au sens de l'art. 63 al. 1 let. c LEI, il faut tenir compte du montant total des prestations déjà versées à ce titre (arrêt 2C_831/2017 du 4 avril 2018 consid. 4.1). A cet égard, la jurisprudence fédérale a retenu qu'une dette sociale de 108'455 fr. accumulée par une personne seule sur une période de dix ans permet de conclure à l'existence d'une telle dépendance (cf. arrêt 2C_47/2014 du 5 mars 2014 consid. 2.1). Pour évaluer si cette personne tombe d'une manière continue à la charge de l'aide sociale, il faut examiner sa situation financière à long terme. Il convient en particulier d'estimer, en se fondant sur la situation financière actuelle de l'intéressé et sur son évolution probable, s'il existe des risques que, par la suite, il continue de se trouver à la charge de l'assistance publique (cf. ATF 122 II 1 consid. 3c; arrêt 2C_831/2017 du 4 avril 2018 consid. 4.1; arrêts 2C_120/2015 du 2 février 2016 consid. 2.1).
5.
L'arrêt attaqué réforme la décision du Département du 7 octobre 2020 en ce sens que la décision du Service des migrations du 8 janvier 2020rétrogradant l'autorisation d'établissement du recourant doit être soumise à l'approbation du SEM. Il convient de vérifier la légalité de cette exigence.
5.1. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a constaté que l'exigence d'approbation par le SEM des décisions de rétrogradation, mentionnée à l'art. 3 let. g OA-DFJP, était contraire au sens et au but de l'art. 99 LEI (cf. arrêt 2C_667/2020 du 19 octobre 2021 consid. 3, destiné à la publication). La procédure de rétrogradation doit en effet être perçue comme un tout, car la révocation de l'autorisation d'établissement intervient simultanément à l'octroi d'une autorisation de séjour (
5.2. Par conséquent, c'est à tort que l'autorité attaquée a pesé l'exigence de l'approbation du SEM. Sur ce point, le recours doit être admis et cette exigence supprimée.
6.
Le recourant se plaint que la rétrogradation de son autorisation d'établissement en une autorisation de séjour violerait les art. 63 al. 2 et 58a LEI, le principe de la confiance (art. 9 Cst.), le principe de proportionnalité (art. 96 LEI), et celui de la non-rétroactivité (art. 5 Cst.).
Selon lui, l'arrêt attaqué retient à tort qu'il dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale. De plus, un avertissement aurait dû être préféré à la rétrogradation de son autorisation d'établissement, possible uniquement depuis le 1er janvier 2019, car celle-ci constituerait une modification soudaine du régime juridique de son séjour en Suisse qui violerait le principe de la confiance légitime, à laquelle il pouvait prétendre en tant que bénéficiaire d'une autorisation d'établissement, ainsi que le principe de non-rétroactivité.
6.1. Les juges précédents ont estimé que le recourant dépendait durablement et dans une large mesure de l'aide sociale, au sens de l'art. 63 al. 1 let. c LEI, et qu'il en découlait que le critère d'intégration mentionné à l'art. 58a let. d LEI, portant sur la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation, n'était pas rempli. Cette appréciation est fondée, outre sur le montant de la dette sociale de l'intéressé, sur l'absence d'activité professionnelle salariée de celui-ci entre 2013 et mars 2021, sur l'absence de recherches d'emplois actives entre 2013 et décembre 2019 en dehors de périodes d'incapacité de travail passagères, sur l'absence de justification de son recours à l'aide sociale en dehors desdites périodes, et sur un stage d'insertion professionnelle réalisé en 2013 alors que son état de santé à cette époque ne le lui aurait pas permis.
6.2. L'appréciation du déficit d'intégration du recourant effectuée par le Tribunal cantonal repose sur des faits entièrement ou majoritairement intervenus avant le 1er janvier 2019. Encore faut-il que l'existence d'un tel déficit d'intégration ait perduré après cette date (cf. supra consid. 4.3).
6.3. Il ressort des constatations cantonales que la dette sociale de l'intéressé, née en 2012, a continué de croître après le 1er janvier 2019, et ce jusqu'en mars 2021. En août 2019, elle s'élevait déjà à 170'633.35 fr., ce qui permet de conclure à l'existence d'une dépendance à l'aide sociale (cf. arrêt 2C_47/2014 du 5 mars 2014 consid. 2.1). Le revenu mensuel brut de 1'724.50 fr. que perçoit le recourant seulement depuis mars 2021 ne change rien à ce constat, car il ne permet pas d'exclure tout doute quant à la couverture de ses besoins et l'intéressé ne prétend du reste pas chercher à augmenter ses revenus. Certes, le recourant a désormais un contrat de travail de durée indéterminée depuis mars 2021 et il ne bénéficie plus de l'aide sociale depuis le 31 mars 2021. Toutefois, ces éléments, de même que la dizaine de postulations envoyées entre janvier et février 2020, sont postérieurs au 1er janvier 2019. L'intéressé n'a ainsi pas pu démontrer avoir activement recherché un emploi entre le moment où il a émargé à l'aide sociale en 2012 et la décision du Service des migrations du 8 janvier 2020, bien qu'en novembre 2020, son médecin-traitant attestait de sa capacité de travail complète depuis 2-3 ans déjà. Par conséquent, un déficit d'intégration existe depuis une longue période, est important et a perduré sous le nouveau droit.
6.4. La rétrogradation de l'autorisation d'établissement du recourant paraît en outre conforme au principe de proportionnalité. Comme l'a relevé l'intimé, le recourant, âgé d'un peu plus de cinquante ans, séjourne en Suisse depuis près de vingt ans et cette durée doit être contrebalancée avec sa dépendance à l'aide sociale, qui a duré de 2012 à mars 2021. Certes, il résidait légalement et sans interruption en Suisse depuis plus de vingt ans au moment de la décision du Service des migrations rétrogradant son autorisation d'établissement. Toutefois, il a vécu près de la moitié de cette période à charge de l'aide sociale sans avoir jamais effectué de recherches d'emploi actives avant le prononcé de ladite décision. Au vu de ce constat, il apparaît qu'aucune mesure moins incisive n'aurait été à même d'inciter le recourant à respecter son obligation d'intégration, de sorte que le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit en considérant que la rétrogradation de l'autorisation d'établissement de l'intéressé était proportionnée.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la décision du Service des migrations rétrogradant l'autorisation d'établissement du recourant n'est pas soumise à l'approbation du SEM. L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus.
Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause à l'aide d'un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF), qui seront réduits. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à raison de 1'500 fr. à la charge du recourant et de 500 fr. à la charge de la République et canton de Neuchâtel. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant lui (art. 67 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du 31 août 2021 est partiellement annulé en tant qu'il exige que la décision du Service des migrations du 8 janvier 2020 soit soumise à l'approbation du SEM. Il est confirmé pour le surplus.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à raison de 1'500 fr. à la charge du recourant et de 500 fr. à la charge de la République et canton de Neuchâtel.
 
3.
 
La République et canton de Neuchâtel versera au recourant, une indemnité réduite de 750 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4.
 
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Service des migrations du canton de Neuchâtel, au Département de l'emploi et de la cohésion sociale de la République et canton de Neuchâtel DEAS, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et au Secrétariat d'Etat aux migrations.
 
Lausanne, le 11 mai 2022
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : F. Aubry Girardin
 
La Greffière : S. Colella