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BGer 9C_106/2020 vom 11.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
9C_106/2020
 
 
Arrêt du 11 mai 2022
 
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président,
 
Stadelmann, Moser-Szeless, Wirthlin et Viscione.
 
Greffier : M. Bleicker.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Eric Maugué, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Grand Conseil de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Prévoyance professionnelle,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 décembre 2019 (A/2592/2019-ABST ACST/44/2019).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________, qui a son siège à U.________, est une association de droit suisse dont le but consiste à contribuer à la qualité des prestations des laboratoires médicaux auprès de ses membres. A.________ s'est affilié, en tant qu'employeur, à la Caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (ci-après: la CEH) dès le 1er janvier 1999. La CEH a fusionné avec une autre caisse de prévoyance afin de constituer la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (ci-après: la CPEG) dès le 1er janvier 2014.
A.b. Le 14 décembre 2018 le Grand Conseil genevois a modifié la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (LCPEG) (Financement de la CPEG). Par arrêté du 19 décembre 2018, publié dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève (FAO) du 21 décembre 2018, le Conseil d'Etat a fait publier cette loi, avec l'indication que cette loi était soumise au référendum facultatif ordinaire. A la suite d'un référendum, la loi a été acceptée en votation populaire. Par arrêté du 5 juin 2019, le Conseil d'Etat a promulgué la LCPEG pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de sa publication, son entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2020. Cet arrêté a été publié dans la FAO le 7 juin 2019.
A.c. La modification de la loi cantonale prévoit que les employeurs affiliés participent à la recapitalisation de la CPEG au prorata des engagements de leurs assurés actifs. En se fondant sur l'art. 70 LCPEG réglant les versements extraordinaires à charge des employeurs affiliés, dont fait partie A.________, la CPEG lui a communiqué le 1er mars 2019 les montants estimés à sa charge (1,55 million au 31 décembre 2018), ainsi que le coût de sortie en cas de résiliation de la convention d'affiliation (3,36 millions au 31 décembre 2018).
B.
Statuant le 20 décembre 2019, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre l'arrêté du Conseil d'Etat.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 20 décembre 2019 dont il demande l'annulation. Il conclut à l'annulation de l'art. 70 LCPEG dans la mesure où il l'oblige à procéder à un apport d'actifs à l'institution de prévoyance. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de sa mention dans la liste des employeurs appelés à verser un apport. Plus subsidiairement encore, il conclut à l'annulation de l'obligation qui lui est faite de s'acquitter d'un apport d'actifs en faveur de la CPEG.
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève conclut au rejet du recours. Les parties ont chacune déposé des observations.
 
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1 et la r éférence), ainsi que la question de savoir si c'est à bon droit que l'instance précédente est entrée en matière sur le recours dont elle a été saisie (ATF 123 V 324 consid. 1).
 
Erwägung 2
 
2.1. La CPEG est une institution de prévoyance de corporations de droit public (ATF 127 V 29 consid. 2). La LCPEG introduit des nouvelles dispositions visant à assurer le financement de la CPEG en prévoyant, entre autres mesures, un versement extraordinaire à charges des employeurs affiliés désignés dans une annexe de la loi (art. 70 LCPEG). Le recourant fait partie de ces employeurs. La LCPEG est un règlement de prévoyance professionnelle qui règle les prestations, l'organisation, l'administration et le financement de la CPEG au sens de l'art. 50 al. 2 LPP.
2.2. L'autorité de surveillance des institutions de prévoyance instituée par les cantons (art. 61 LPP) a pour tâche de vérifier que les dispositions statutaires et réglementaires des institutions de prévoyance et des institutions servant à la prévoyance sont conformes aux dispositions légales (art. 62 al. 1 let. a LPP). L'autorité de surveillance peut ensuite annuler les dispositions réglementaires qui ne sont pas conformes aux prescriptions légales et donner des instructions contraignantes aux institutions de prévoyance sur l'élaboration de dispositions appropriées (art. 62 al. 1 let. d LPP; ATF 135 I 28 consid. 3.2.2).
2.3. En vertu de l'art. 62 al. 1 let. a LPP, l'autorité de surveillance est tenue de vérifier la conformité des dispositions réglementaires d'une institution de prévoyance - y compris celles adoptées par une corporation de droit public (ATF 112 Ia 180 consid. 3c) - avec les prescriptions légales et constitutionnelles. Les mesures ordonnées ne peuvent cependant relever que du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 135 I 28 consid. 3.2.2; 134 I 23 consid. 3.4). Il peut s'agir d'un contrôle général et abstrait (ATF 144 V 236 consid. 2.1). La surveillance s'étend à toutes les institutions de prévoyance enregistrées, soit également aux institutions de prévoyance de droit public (art. 48 al. 2 et 50 al. 2 LPP).
2.4. Ce contrôle n'a pas lieu seulement d'office, mais également lorsqu'une partie intéressée forme un recours auprès d'elle (ATF 112 Ia 180 consid. 3d et 3e; arrêt 9C_120/2007 du 21 mai 2007 consid. 2). La décision de l'autorité de surveillance peut ensuite faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral (art. 74 LPP), dont la décision, à son tour, peut être attaquée devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public (art. 86 al. 1 let. a LTF). Lors d'un contrôle abstrait, cette voie de droit prime sur celle concernant les litiges entre les employeurs et les institutions de prévoyance prévus à l'art. 73 LPP qui doivent être portés devant le tribunal cantonal compétent (ATF 115 V 368 consid. 3).
 
Erwägung 3
 
3.1. Pour déterminer si l'Autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ASFIP) était compétente pour examiner la modification de la LCPEG querellée (au détriment de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice), il est nécessaire de vérifier si les mesures entreprises s'inscrivent dans le cadre des dispositions de nature réglementaire que les institutions de prévoyance de corporations de droit public sont tenues de prendre en vertu du droit fédéral.
3.2. A partir du 1er janvier 2012 sont progressivement entrées en vigueur les dispositions relatives au financement des institutions de prévoyance de corporations de droit public en capitalisation partielle (art. 72a à 72g LPP). L'objectif de ces dispositions est d'assurer à long terme l'équilibre financier des institutions de prévoyance de droit public en capitalisation partielle. A cet effet, l'art. 72a al. 1 LPP, en lien avec la let. c des dispositions transitoires de la modification du 17 décembre 2010, prévoit un objectif de couverture différencié et une recapitalisation des institutions de prévoyance de corporations de droit public en capitalisation partielle à hauteur de 80 % au moins en 40 ans (durée d'une vie active), soit jusqu'au 1er janvier 2052. Les institutions de prévoyance de corporations de droit public en capitalisation partielle doivent de plus veiller au maintien de leurs taux de couverture au moins à leur valeur initiale (al. 1 let. b), ainsi qu'à leur valeur acquise (al. 2, 2e phrase). Selon l'art. 72e LPP, lorsqu'un taux de couverture initial au sens de l'art. 72a al. 1 let. b LPP n'est plus atteint, l'institution de prévoyance doit prendre les mesures prévues aux art. 65c à 65e LPP. L'autorité de surveillance contrôle le plan de financement et approuve la poursuite de la gestion de l'institution de prévoyance selon le système de la capitalisation partielle. Elle veille à ce que le plan de financement prévoie le maintien des taux de couverture acquis (art. 72a al. 2 LPP).
3.3. L'art. 70 LCPEG prévoit un versement extraordinaire à charge des employeurs affiliés afin d'assurer un taux de couverture à long terme de 100 % pour répondre aux exigences de financement des institutions de prévoyance publique introduites par les art. 72aet ss LPP (voir aussi la let. c al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 17 décembre 2010 [financement des institutions de prévoyance de corporations de droit public]). Il s'agit d'une obligation imposée par les statuts de l'institution de prévoyance (ici la LCPEG), dont l'examen (conformité au droit fédéral) relève de l'autorité de surveillance des institutions de prévoyance. Celle-ci est, entre autre tâches, appelée à contrôler le plan de financement (art. 72a al. 2 LPP). D'ailleurs, par courrier du 28 juin 2018, comme l'a rappelé l'autorité précédente, l'ASFIP était déjà intervenue dans ce contexte en rappelant à la CPEG ses obligations afin de lui permettre de vérifier le plan de financement. Dans un autre courrier du 10 août 2018, l'ASFIP est intervenue auprès de la Commission des finances pour rappeler sa prérogative de contrôler le plan de financement. Selon le dossier à disposition du Tribunal fédéral, l'ASFIP n'a pas pris position sur la version finale de la LCPEG.
3.4. Il suit de ce qui précède qu'il incombait à l'autorité de surveillance des institutions de prévoyance d'examiner la conformité au droit fédéral de la modification de la LCPEG (dans le même sens l'arrêt 9C_120/2007 et 9C_121/2007 du 21 mai 2007; voir pour une constellation différente ATF 134 I 23). La Chambre constitutionnelle s'est donc déclarée à tort compétente pour se prononcer sur le recours cantonal.
4.
Le recours doit donc être admis au sens des considérants et l'arrêt attaqué doit être annulé. La cause est transmise à l'ASFIP comme objet de sa compétence.
5.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant a droit à une indemnité de dépens à charge de l'intimé (art. 68 al. 1 LTF).
Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la juridiction précédente pour l'octroi d'éventuels dépens, dès lors que l'arrêt attaqué aurait dû être un simple arrêt incident de dessaisissement, ne statuant pas sur le fond.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est admis au sens des considérants et l'arrêt attaqué est annulé. La cause est transmise à l'Autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ASFIP), Genève, comme objet de sa compétence.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais.
 
3.
 
L'intimé versera au recourant la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle, à l'Office fédéral des assurances sociales et à l'Autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ASFIP).
 
Lucerne, le 11 mai 2022
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Parrino
 
Le Greffier : Bleicker