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BGer 1B_192/2022 vom 12.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1B_192/2022
 
 
Arrêt du 12 mai 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix et Jametti.
 
Greffière : Mme Nasel.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Elias Moussa, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg.
 
Objet
 
Détention pour des motifs de sûreté,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 14 mars 2022
 
(502 2022 45).
 
 
Faits :
 
A.
Le 16 février 2022, A.________, ressortissant d'Erythrée, au bénéfice d'un permis C, a été reconnu coupable par le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine (Tribunal pénal) de menaces, tentative de contrainte, contrainte et contrainte sexuelle aggravée. Il a notamment été condamné à une peine privative de liberté ferme de 8 ans. Ce jugement a fait l'objet d'une annonce d'appel de la part du prévenu le 21 février 2022.
Par décision du 16 février 2022, le Tribunal pénal a ordonné l'arrestation immédiate du prévenu et son placement en détention pour des motifs de sûreté, pour une durée de 4 mois, soit jusqu'au 16 juin 2022, compte tenu de la peine prononcée et des risques de fuite et de réitération ou de passage à l'acte (menaces de mort, violence conjugale) qu'il présentait.
Le 14 mars 2022, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé par le prévenu contre cette dernière décision qu'elle a confirmée.
B.
Par acte du 14 avril 2022, A.________ forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, concluant principalement à sa libération immédiate. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, la mise des frais et dépens des procédures cantonale et fédérale à la charge de l'Etat de Fribourg ainsi que l'allocation d'une indemnité de dépens en faveur de son avocat. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire et la désignation de son avocat comme défenseur d'office.
Invités à se déterminer, le Ministère public de l'Etat de Fribourg y renonce, à l'instar du Tribunal cantonal.
 
1.
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision relative à la détention pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé, condamné en première instance et détenu, a qualité pour recourir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile contre une décision rendue en dernière instance cantonale et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Dans une première partie de son mémoire, le recourant présente un "bref historique des faits ". Une telle manière de procéder, dans la mesure où les faits exposés s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent, sans qu'il soit indiqué que ceux-ci seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 139 II 404 consid. 10.1).
3.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 6 CEDH, 29 al. 2 Cst., 3 al. 2 let. c et 147 CPP) ainsi que des art. 347 et 349 CPP, au motif qu'il n'aurait pas été informé de sa possible arrestation immédiate ni du contenu de la pièce fondant le risque de récidive retenu à son égard.
3.1. Le droit d'être d'entendu découlant des art. 29 al. 2 Cst., 3 al. 2 let. c et 107 CPP comprend notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).
Tel est également le cas dans le cadre des procédures de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (cf. art. 31 al. 4 Cst. et 5 par. 4 CEDH; ATF 137 IV 87 consid. 3.3.2; 126 I 172 consid. 3c; arrêt 1B_532/2018 du 19 décembre 2018 consid. 5.1). Devant le tribunal des mesures de contrainte, cela découle en particulier des art. 225, 227 al. 3, 228 al. 3 et des renvois des art. 229 al. 3 et 230 al. 5 CPP (arrêts 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1; 1B_165/2017 du 19 mai 2017 consid. 4.1). Il n'en va pas différemment lorsque cette procédure - que ce soit en vue d'un placement en détention ou d'un maintien de cette mesure - est menée par le tribunal de première instance en application de l'art. 231 al. 1 CPP; le prévenu doit avoir l'opportunité de se déterminer sur cette question préalablement à la décision y relative (arrêts 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1; 1B_165/2017 du 19 mai 2017 consid. 4.1; voir également les arrêts 1B_281/2015 du 15 septembre 2015 consid. 3.2; 1B_143/2015 du 5 mai 2015 consid. 3.2; 1B_191/2013 du 12 juin 2013 consid. 2.2).
Cela étant, la jurisprudence n'exclut pas qu'exceptionnellement, une éventuelle violation du droit d'être entendu à ce stade de la procédure puisse être réparée par le biais du recours puisque l'autorité en la matière dispose d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 CPP; ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2; 135 I 279 consid. 2.6.1). Une telle situation présuppose cependant tout d'abord que l'autorité de recours examine l'éventuelle violation alléguée et, le cas échéant, la constate (arrêts 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1; 1B_165/2017 du 19 mai 2017 consid. 4.1).
3.2. S'agissant tout d'abord de l'arrestation immédiate du recourant, les juges cantonaux constatent que ce dernier a pu se prononcer sur cette mesure et conclure à son rejet; en effet, lors des débats du 22 décembre 2021, il avait été avisé de la possibilité d'une telle mesure suggérée par le Ministère public. Pour le reste, l'arrêt attaqué examine la violation alléguée par le recourant. Il constate en effet l'existence d'un vice procédural, en ce sens que le placement du recourant en détention pour des motifs de sûreté a été ordonné sans qu'il n'ait été interpellé au préalable sur ce point, ni sur la pièce - au demeurant dépourvue de pertinence (cf. infra consid. 4) - fondant le risque de récidive retenu. En outre, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal cantonal, le recourant a été interpellé le 4 mars 2022 pour qu'il dépose des éventuelles déterminations, notamment sur les observations du Tribunal pénal, lequel s'est prononcé sur la violation alléguée. Le recourant a ainsi été en mesure de s'exprimer sur celle-ci devant le Tribunal cantonal, qui dispose d'une pleine cognition en fait et en droit.
En tout état de cause, dès lors que les autorités précédentes ont admis, à bon droit (cf. infra consid. 4), l'existence d'un risque de fuite suffisant à justifier la détention pour des motifs de sûreté du recourant, on ne voit pas quelle influence la prétendue violation de son droit d'être entendu aurait pu avoir sur la procédure (cf. ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1).
Partant, le grief doit être écarté.
4.
Le recourant, condamné en première instance, ne revient pas, à juste titre, sur l'existence de charges suffisantes pesant à son encontre (art. 221 CPP). Se prévalant d'une constatation inexacte des faits (art. 97 LTF), d'une violation des art. 5 CEDH, 10 al. 2 Cst. et 221 al. 1 let. a CPP et du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il reproche en revanche à l'autorité précédente d'avoir considéré qu'il existerait un risque de fuite, qu'aucune mesure de substitution ne permettrait de réduire.
 
Erwägung 4.1
 
4.1.1. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible mais également probable. Le fait que le risque de fuite puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite à une requête d'extradition de la Suisse n'est pas déterminant pour nier le risque de fuite. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Néanmoins, même si cela ne dispense pas de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence admet que lorsque le prévenu a été condamné en première instance à une peine importante, le risque d'un long séjour en prison apparaît plus concret que durant l'instruction (ATV 145 IV 503 consid. 2.2).
4.1.2. Certes, le recourant semble intégré professionnellement en Suisse où il vit depuis de nombreuses années; l'arrêt attaqué constate en outre qu'il a toujours répondu aux convocations qui lui ont été adressées lors de l'instruction pénale, respectivement qu'il n'a jamais tenté de se soustraire à la justice. Ces éléments doivent toutefois être mis en balance avec sa condamnation en première instance à une peine privative de liberté de 8 ans. Le recourant se trouve dès lors confronté à la possibilité concrète de passer plusieurs années en prison. La situation est, quoi qu'il en dise, radicalement différente de celle qui prévalait avant que le jugement du 16 février 2022 ne soit rendu; en effet, il pouvait alors encore espérer, compte tenu de ses dénégations, un acquittement ou une peine plus clémente.
De plus, les prétendues relations entretenues entre le recourant et ses deux filles demeurent compromises, puisque des mesures provisionnelles urgentes ont été prononcées, interdisant à ce dernier notamment de s'approcher d'elles ou de leur logement et de prendre contacts avec elles. Par ailleurs, l'arrêt entrepris constate que les liens avec son fils, placé en foyer, qu'il frappait, sont inexistants et que son cercle social se limite à de simples connaissances évoluant dans la communauté érythréenne. Le recourant se contente sur ces derniers éléments d'exposer le contraire, par des explications appellatoires et, partant, irrecevables (cf. art. 106 al. 2 LTF).
Quoi qu'il en soit, il apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances évoquées, qu'un départ à l'étranger, voire une entrée dans la clandestinité, même sans ressources particulières, pourraient constituer, aux yeux du recourant, des alternatives préférables à celle de devoir affronter la procédure d'appel et l'éventualité d'une longue incarcération. L'allégation du recourant selon laquelle sa présence en Suisse serait nécessaire, afin qu'il puisse continuer à entretenir financièrement sa mère domiciliée en Erythrée, ne suffit pas pour supprimer le risque de fuite qu'il présente; on ne voit en effet pas ce qui l'empêcherait de trouver refuge dans un pays limitrophe ou d'entrer dans la clandestinité et ainsi de continuer à subvenir aux besoins de celle-ci.
Le risque de fuite est, dans ces circonstances, évident, ce qui dispense d'examiner s'il existe aussi un risque de récidive, également retenu par la décision du 16 février 2022. La question de savoir si la motivation présentée par le Tribunal cantonal à cet égard respecte ou non le droit d'être entendu du recourant n'est dès lors pas pertinente.
 
Erwägung 4.2
 
4.2.1. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.
4.2.2. En l'espèce, vu l'intensité du danger de fuite retenu, c'est avec raison que l'instance précédente a considéré qu'aucune mesure de substitution n'entrait en considération. Si le défaut de papiers d'identité complique certainement un départ pour l'Erythrée, cela n'empêche pas, comme déjà exposé, le passage des frontières de la Suisse par le biais d'autres moyens de transport, notamment pour rejoindre les pays limitrophes. Quant à l'obligation de se présenter régulièrement à un poste de police, qui repose au demeurant uniquement sur la volonté du recourant, elle ne permet pas non plus de prévenir une fuite à l'étranger ou une entrée dans la clandestinité, mais uniquement de les constater a posteriori (arrêt 1B_220/2020 du 26 mai 2020 consid. 5.2). Pour le surplus, le recourant ne prétend pas être dans l'impossibilité de demander, le cas échéant, de nouveaux papiers d'identité érythréens (arrêts 1B_311/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.3; 1B_398/2018 du 14 septembre 2018 consid. 3.5). Ces éléments ne permettent ainsi pas de considérer que les mesures précitées réduiraient d'une manière suffisante le risque de fuite existant.
Enfin, du point de vue temporel, compte tenu des infractions reprochées, de la peine prononcée en première instance et de la durée de la détention déjà subie, le principe de la proportionnalité demeure également respecté.
4.3. En définitive, vu le risque de fuite existant et le défaut de mesures de substitution propres à le réduire, le Tribunal cantonal pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer la détention pour des motifs de sûreté du recourant ordonnée par le Tribunal pénal.
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions y relatives en sont réunies. Il y a donc lieu de désigner Me Elias Moussa en tant qu'avocat d'office du recourant et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. L'indemnité est fixée selon le tarif applicable (RS 173.110.210.3), indépendamment d'une éventuelle liste de frais. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Elias Moussa est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'Etat de Fribourg et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
 
Lausanne, le 12 mai 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
La Greffière : Nasel