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BGer 1C_595/2021 vom 19.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1C_595/2021
 
 
Arrêt du 19 mai 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
 
Chaix et Haag.
 
Greffière : Mme Tornay Schaller.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
recourant,
 
contre
 
Université de Genève,
 
Objet
 
Demande d'accès à des documents,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton
 
de Genève, Chambre administrative, du 31 août 2021
 
(ATA/880/2021 A/358/2021-LIPAD).
 
 
Faits :
 
A.
A.________ a été collaborateur scientifique puis maître d'enseignement et de recherche auprès de l'Université de Genève (ci-après: l'Université). Entre 2009 et 2012, il a notamment participé au projet "O.________" dans le cadre d'un accord de coopération en matière de recherche et de développement ("Cooperative Research and Development Agreement" [CRADA]).
Les 4 mars, 21, 22 juillet et 7 septembre 2020, A.________ a demandé à l'Université de Genève d'avoir accès à tous les documents en lien avec les CRADA pour les projets dénommés "E.________", en partenariat avec la société B.________ Sàrl, (ci-après: document 1) et "F.________" avec la société C.________ AG (ci-après: document 2). Le 7 septembre 2020, il a aussi sollicité l'accès à tous les documents en lien avec le projet avec la Commission pour la technologie et l'innovation (CTI) "G.________" (ci-après: document 3). L'Université a refusé au motif que la communication de ces documents s'opposait à des intérêts prépondérants de tiers au sens de l'art. 26 al. 2 let. b, c, i et j de la loi genevoise sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD; RSG A 2 08).
Le 18 septembre 2020, A.________ s'est adressé au Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé), afin qu'il organise une séance de médiation. La séance, qui s'est tenue le 2 novembre 2020, n'a pas abouti. Le 24 novembre 2020, le Préposé a sollicité de la responsable LIPAD de l'Université de Genève l'envoi des documents sollicités. Le 9 décembre 2020, le Préposé a recommandé à l'Université de donner accès à A.________ aux documents 1, 2 et 3, après caviardage des données personnelles de tiers, y compris aux données financières ainsi qu'à ses données personnelles, notamment celles figurant dans le document intitulé "CTI funding application" (ci-après: document 4).
Par décision du 23 décembre 2020, l'Université a donné un accès partiel aux documents 1, 2 et 3, avec caviardage des données personnelles de tiers ainsi que des informations à la communication desquelles un intérêt public ou privé prépondérant s'opposait (clauses de propriété intellectuelle, plans, objectifs, enjeux de la recherche et données financières).
Le 1er février 2021, A.________ a interjeté recours contre la décision du 23 décembre 2020 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 31 août 2021, celle-ci a admis partiellement le recours et annulé la décision du 23 décembre 2020 en tant qu'elle refuse l'accès non caviardé au point 2.3 des documents 1 et 2 et au préambule du document 3 et a ordonné à l'Université de Genève d'y donner accès à A.________.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 31 août 2021 et de lui accorder l'accès à l'ensemble des documents sollicités dans ses différentes demandes. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente ou à l'Université de Genève pour nouvelle décision.
La Cour de justice renonce à se déterminer et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Université de Genève conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué.
 
1.
L'arrêt attaqué, relatif à une procédure d'accès à un document au sens de la LIPAD, constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF), est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de sa demande d'accès non caviardé à des documents contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique. Il dispose ainsi d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué (art. 89 al. 1 let. b et c LTF).
Les autres conditions formelles de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
A teneur de l'art. 42 al. 1 LTF, le recours doit être motivé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la partie recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 146 IV 297 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).
3.
Le recourant se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents.
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).
3.2. En l'espèce, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir mentionné qu'il était le responsable principal de la gestion du projet CRADA. Cette qualité n'a toutefois aucune incidence sur l'issue du litige puisqu'il ne s'agit pas d'un critère pour l'entrée en matière sur les demandes d'accès non caviardé formulées par le recourant.
Pour autant qu'on le comprenne, le recourant se plaint ensuite de ce que son dossier de collaborateur au sein de l'Université serait incomplet, dans la mesure où il ne contient pas les informations en lien avec les projets de recherche auxquels il a participé. La Cour de justice a retenu que le fait que son dossier personnel ne contenait aucun document en lien avec les conclusions des projets CRADA ne relevait pas d'une problématique de protection des données personnelles, mais de rapports contractuels entre le recourant, l'Université voire éventuellement le partenaire industriel. Le recourant n'expose pas en quoi l'argumentation de la cour cantonale serait arbitraire, de sorte que son grief est irrecevable.
Le recourant fait encore grief à la Cour de justice d'avoir retenu que si le nom du projet CTI (document 3) n'était pas le même dans la demande d'accès du 7 septembre 2020 que celui figurant dans la recommandation du préposé du 9 décembre 2020 et dans la décision litigieuse du 23 décembre 2020, il s'agissait du même projet car l'Université avait expliqué que le projet CTI avait initialement été nommé "H.________" puis renommé "I.________". On peine à suivre le recourant lorsqu'il affirme péremptoirement et sans le démontrer qu'il y a là une constatation inexacte ou incomplète des faits. Cette critique est irrecevable (art. 42 al. 2 LTF).
S'agissant des éléments suivants de son recours, même si le recourant se prévaut d'un établissement inexact ou incomplet des faits, il se plaint en réalité de l'appréciation juridique de la cour cantonale et soulève des questions de droit qui seront examinées ci-dessous.
Le grief d'établissement arbitraire des faits doit ainsi être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
4.
Le recourant a eu accès aux quatre documents dont il a sollicité l'accès avec toutefois un caviardage des clauses de propriété intellectuelle, des plans, des objectifs et enjeux des recherches ainsi que des données financières. Dans les documents 1 et 2, le caviardage porte sur les points 6 et 7 et l' appendix A, dans le document 3 sur les points 3, 4 et 7 et dans le document 4 sur les données personnelles relatives à des tiers. Le recourant conteste ce caviardage et se plaint d'une application arbitraire de l'art. 26 al. 2 let. b, c, i et j LIPAD ainsi que de l'art. 44 al. 2 let. b LIPAD.
4.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1). Le grief d'application arbitraire du droit cantonal est soumis aux exigences de motivation qualifiées définies à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 II 369 consid. 2.1).
4.2. La LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions publiques, sauf exception prévue ou réservée par cette loi (art. 24 al. 1 LIPAD).
A teneur de l'art. 26 al. 2 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose sont cependant soustraits au droit d'accès institué par la présente loi lorsque l'accès aux documents est propre à mettre en péril les intérêts patrimoniaux légitimes ou les droits immatériels d'une institution (let. b), à entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d'une institution (let. c), à révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d'affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (let. i) et à révéler d'autres faits dont la communication donnerait à des tiers un avantage indu, notamment en mettant un concurrent en possession d'informations auxquelles il n'aurait pas accès dans le cours ordinaire des choses (let. j).
Selon l'art. 44 al. 2 let. b LIPAD, le responsable désigné en vertu de l'art. 50 al. 1 LIPAD doit communiquer sur demande à toute personne physique ou morale de droit privé justifiant de son identité - si des données la concernant sont traitées par des organes placés sous sa responsabilité - les informations relatives au fichier considéré contenues dans le catalogue des fichiers, sous réserve de l'art. 46 LIPAD.
4.3. En l'espèce, la Cour de justice a considéré que le caviardage des points 6 (
Pour la Cour de justice, le caviardage des appendix A aux trois contrats précités contenant les plans, les objectifs et les enjeux de recherche était aussi fondé puisqu'elles définissaient notamment le détail des tests et étapes permettant de valider les résultats et technologies, mais aussi des schémas de fonctionnement des méthodes à développer; ces éléments pouvaient être considérés comme faisant partie du secret des affaires; la divulgation de ces informations à des concurrents comme le recourant accorderait un avantage concurrentiel auxquels ceux-ci n'auraient pas accès dans le cours ordinaire des choses; la divulgation de ces informations serait aussi préjudiciable à l'Université pour la conclusion de contrats de même type, dès lors qu'elle risquerait de dissuader de potentiels futurs partenaires privés ne souhaitant pas la communication de telles informations.
Enfin, la cour cantonale a considéré que le caviardage des données financières contenues dans le point 3 ( costs and payments) du document 3 apparaissait aussi justifié car il contenait le pourcentage de participation financière du partenaire privé au projet; l'Université disposait d'un intérêt prépondérant à ce que ce montant ne soit pas divulgué afin d'éviter, d'une part, la généralisation de ce pourcentage pour d'autres partenaires qui en auraient connaissance et, d'autre part, la remise en question par d'autres partenaires de leur propre participation ou la complication des négociations futures avec d'autres partenaires privés sur ce point.
Quant au document 4, il contient des données personnelles (nom, prénom, date de naissance, nationalité, qualification professionnelle) et financières (salaire, répartition des coûts salariaux entre le partenaire et les autorités fédérales/CTI) relatives au recourant, mais aussi à des tiers. La Cour de justice a jugé que les données relatives à des tiers devaient être caviardées.
4.4. Face à cette argumentation, le recourant se contente d'affirmer qu'il n'est pas un concurrent direct de C.________ AG car il ne propose pas de produits de même nature que ladite société et n'est pas présent sur son marché cible. Cette remarque est vaine dans la mesure où le fait que le recourant ait ou non développé un produit de même nature que les partenaires industriels de l'Université de Genève n'est pas déterminant. Le simple fait qu'il soit actif dans le même domaine d'activités, à savoir la technologie "fingerprint" et "protection des marques" suffit pour le considérer comme un concurrent et justifier dès lors la restriction à cette demande d'accès conformément à l'art. 26 al. 2 let. j LIPAD. Le dépôt de brevet et le financement participatif initié par le recourant dans ce domaine sont des éléments supplémentaires démontrant une activité dans la même matière que les partenaires industriels de l'Université de Genève. Le recourant ne parvient ainsi pas à démontrer que la cour cantonale aurait procédé à une application insoutenable de l'art. 26 al. 2 let. j LIPAD.
Au demeurant, le recourant ne peut pas se prévaloir d'un accès aux documents 1, 2 et 3 en se fondant sur l'art. 44 al. 2 let. b LIPAD, dans la mesure où son nom (et ses données personnelles) n'apparaissent dans aucun de ces documents.
Pour le reste, les critiques formulées par le recourant, parfois difficilement compréhensibles (et donc irrecevables), ne parviennent pas à rendre insoutenable l'argumentation de la cour cantonale.
5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'Université de Genève (art. 68 al. 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Université de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 19 mai 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
La Greffière : Tornay Schaller