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BGer 6B_107/2022 vom 01.06.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_107/2022
 
 
Arrêt du 1er juin 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux
 
Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni.
 
Greffière : Mme Kistler Vianin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Mathias Eusebio, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy,
 
intimé.
 
Objet
 
Fixation de la peine; mesures de substitution,
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal
 
de la République et canton du Jura, Cour pénale,
 
du 1er décembre 2021 (CP 41/2020).
 
 
Faits :
 
A.
Par jugement du 15 mars 2019, le Tribunal pénal de première instance de la République et canton du Jura a libéré A.________ de la prévention de viol prétendument commis le 5 février 2017 à U.________ au préjudice de B.________ et lui a alloué une indemnité de 43'000 fr. au sens de l'art. 429 CPP.
 
B.
 
B.a. Par jugement du 11 mars 2020, statuant sur les appels de B.________ et du Ministère public jurassien, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a déclaré A.________ coupable de viol, l'a condamné à une peine privative de liberté de seize mois avec sursis partiel pendant cinq ans, la partie ferme étant fixée à six mois, peine complémentaire à celle prononcée par la Cour suprême du canton de Berne le 4 avril 2019. Elle a ordonné en outre un traitement ambulatoire et a fait interdiction à A.________ d'exercer une activité dans les soins ou avec des personnes vulnérables, durant cinq ans, ainsi que de prendre contact avec la plaignante ou de s'approcher d'elle durant cinq ans. Enfin, elle a renoncé à prononcer l'expulsion du prévenu et n'est pas entrée en matière sur les conclusions civiles de la partie plaignante.
Par arrêt du 8 décembre 2020 (6B_772/2020), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière pénale interjeté par A.________, a annulé le jugement attaqué et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Elle a considéré que la cour cantonale aurait dû examiner si et dans quelle mesure les mesures de substitution auxquelles A.________ avait été soumis durant la procédure avaient entravé sa liberté personnelle et devaient, en conséquence, être imputées sur la peine privative de liberté en application de l'art. 51 CP. Pour le surplus, elle a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.
B.b. Par jugement du 1er décembre 2021, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a constaté que le jugement du 11 mars 2020 était définitif dans la mesure où il condamnait A.________ à une peine privative de liberté de seize mois avec sursis partiel pendant cinq ans, ordonnait un traitement ambulatoire, lui faisait interdiction d'exercer une activité dans les soins ou avec des personnes vulnérables durant cinq ans, lui faisait interdiction de prendre contact avec la plaignante, renonçait à ordonner l'expulsion de A.________ et refusait d'entrer en matière sur les conclusions civiles de la partie plaignante. En complément du jugement du 11 mars 2020, et en application des art. 51 CP et 398 ss CPP, elle a fixé à quinze jours la déduction supplémentaire à opérer sur la peine infligée à A.________ à titre de compensation des mesures de substitution ordonnées à son encontre.
C.
Contre ce dernier jugement cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que 63 jours au moins sont déduits de la peine infligée à titre de compensation des mesures de substitution ordonnées. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation partielle du jugement attaqué et le renvoi du dossier de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
 
1.
Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 51 CP. Selon lui, cette dernière aurait dû déduire 63 jours de sa peine privative de liberté en raison des mesures de substitution subies durant la procédure.
1.1. Aux termes de l'art. 51 1re phrase CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. La privation de liberté à subir doit ainsi toujours être compensée, pour autant que cela soit possible, avec celle déjà subie (ATF 133 IV 150 consid. 5.1 p. 155). Selon la jurisprudence, les mesures de substitution doivent être imputées sur la peine à l'instar de la détention avant jugement subie. Afin de déterminer la durée à imputer, le juge prendra en considération l'ampleur de la limitation de la liberté personnelle découlant pour l'intéressé des mesures de substitution, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation important (ATF 140 IV 74 consid. 2.4 p. 79; arrêt 6B_906/2019 du 7 mai 2020 consid. 1.1, publié in SJ 2020 I 447).
1.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que l'interdiction d'exercer une activité dans les soins ou avec des personnes vulnérables ne pouvait pas être assimilée à une exécution de peine, justifiant l'imputation de jours sur la privation de liberté à exécuter. Selon lui, cette double interdiction qui lui était faite restreignait très largement son rayon de recherche d'emploi et justifiait une imputation de 30 jours sur sa peine privative de liberté. Bénéficiant d'une formation complète dans le domaine des soins, il avait oeuvré pendant 20 ans dans ce domaine, de sorte qu'il lui était très difficile de se réinsérer dans le monde du travail hors de ce domaine. Il relève qu'il avait trouvé un poste d'ambulancier, qu'il avait dû refuser en raison des mesures de substitution imposées.
La cour cantonale a constaté que le recourant, après avoir achevé une formation d'un mois en juin 2018, avait rapidement retrouvé un travail à compter de la mi-septembre 2018. Il avait ainsi été au chômage un peu plus d'un an - du 22 juin 2017 au 15 septembre 2018, à savoir durant 436 jours -, période pendant laquelle il avait bénéficié de prestations de l'assurance chômage, réalisant ainsi un revenu dont il aurait été privé en cas de détention. En outre, la cour cantonale a considéré que les difficultés rencontrées par le recourant dans ses recherches d'emploi étaient avant tout liées au licenciement avec effet immédiat prononcé à son encontre, licenciement à propos duquel il aurait de toute façon été tenu de fournir des explications auprès de tout employeur potentiel dans le domaine des soins. Elle en a conclu que l'interdiction d'exercer une activité dans le domaine des soins ou une activité avec des personnes vulnérables ne saurait être assimilée à une exécution de peine et a refusé toute imputation sur la peine à ce titre (jugement attaqué p. 6).
Dans un arrêt du 27 février 2020, le Tribunal fédéral a jugé que la cour cantonale n'avait pas excédé son large pouvoir d'appréciation en considérant que les mesures de substitution, en particulier l'interdiction d'exercer une profession dans le milieu de la nuit et/ou la sécurité n'était pas assimilable à une exécution de peine et qu'il n'y avait pas lieu de l'imputer sur la peine. Il a été considéré que le recourant, qui ne disposait pas d'une formation impliquant qu'il travaille dans un domaine plutôt qu'un autre et qui était jeune et en bonne santé, était en mesure d'exercer une autre profession (arrêt 6B_1385/2019 du 27 février 2020 consid. 6.5).
En l'espèce, le recourant a pu achever une formation d'un mois en juin 2018 et a retrouvé un travail à mi-septembre 2018. Il a bénéficié des indemnités de l'assurance-chômage pendant une année, de sorte qu'il n'a pas subi de dommage économique. Comme la cour cantonale l'a retenu, il est toujours difficile de retrouver un emploi après un licenciement avec effet immédiat. Le recourant n'a pas démontré avoir dû effectuer plus de recherches que n'importe quelle autre personne sans emploi. Dans la mesure où il soutient qu'il avait trouvé un poste d'ambulancier, mais qu'il a dû le refuser en raison de la mesure de substitution qui lui était imposée, il s'écarte de l'état de fait cantonal, sans en démontrer l'arbitraire, de sorte que son argumentation est irrecevable. Compte tenu des faits arrêtés par la cour cantonale, il n'apparaît pas que celle-ci ait excédé le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en la matière en considérant que la mesure de substitution ordonnée en l'espèce n'était pas assimilable à une exécution de peine. Le grief soulevé doit donc être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
1.3. Le recourant requiert que trente jours soient imputés de sa peine privative de liberté en raison de l'obligation de suivre un traitement psychiatrique ambulatoire à V.________, dans le canton de Vaud. Il fait valoir que, à chaque consultation, il perdait une journée de travail et que les coûts de déplacement étaient importants, de sorte que l'atteinte à sa liberté individuelle et économique était importante. Selon lui, la perte d'une journée de travail devrait être assimilée à un jour de détention et non pas à un demi-jour comme l'a retenu la cour cantonale.
Selon le jugement attaqué, le recourant a dû se rendre, durant près de deux ans, à 31 reprises à V.________ et a dû, pour ce faire, parcourir près de 300 km, aller-retour; la durée de chacune des consultations, déplacement compris, n'excédait pas six ou sept heures. La cour cantonale a considéré que chaque consultation équivalait en conséquence à une demi-journée de détention. Dès lors que le recourant a dû, entre juin 2017 et mars 2019, se rendre à 31 reprises à l'hôpital de V.________, elle a fixé à quinze jours les jours à imputer sur la peine prononcée (jugement attaqué p. 6).
L'obligation de se rendre, à intervalle régulier, à V.________, depuis le Jura est certes constitutif d'une atteinte à la liberté personnelle. Cette atteinte est toutefois incomparable à celle subie en cas de détention provisoire. En effet, le temps consacré à chaque consultation (trajets compris) ne dépassait pas six ou sept heures. En outre, ces consultations étaient dictées par les besoins du recourant et étaient conformes à ses intérêts. Dans un arrêt 6B_115/2018 du 30 avril 2018 (consid. 6), le Tribunal fédéral a admis qu'une déduction de deux jours de la peine privative de liberté prononcée, compte tenu des dix séances de thérapie auxquelles avait pris part l'intéressé à titre de mesures de substitution, ne violait pas le droit fédéral (cf. arrêt 6B_906/2019 du 7 mai 2020 consid. 1.3). En l'espèce, compte tenu des circonstances (en particulier de l'éloignement du lieu des consultations), la cour cantonale a imputé, pour 31 séances de thérapie, quinze jours sur la peine prononcée. Ce faisant, elle n'a pas excédé le large pouvoir d'appréciation dont elle disposait. Le grief soulevé doit être rejeté.
1.4. Le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir ordonné aucune imputation sur la peine privative de liberté pour les douze autres mesures. Il invoque, en particulier, trois mesures: l'interdiction de quitter le territoire suisse et l'obligation de déposer son passeport (1), l'obligation d'être domicilié sur le territoire jurassien (2) ainsi que l'obligation d'informer le ministère public en cas de changement d'amie intime et d'autoriser ce dernier à informer les éventuelles nouvelles amies du recourant des conclusions de l'expert s'agissant du risque de violence à l'égard de ses compagnes (3).
La cour cantonale s'est prononcée sur ces trois mesures.
Elle a retenu à juste titre que le dépôt du passeport ne constituait pas une entrave à la liberté (jugement attaqué p. 7 s.). En effet, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le dépôt des papiers d'identité et, par conséquent, l'interdiction de quitter le territoire suisse ne constituait pas une entrave à la liberté dans la mesure où il ne ressortait pas du jugement qu'une demande de sortie du territoire suisse formulée par l'intéressé aurait été refusée (arrêt 6B_906/2019 du 7 mai 2020 consid. 1.3, publié in SJ 2020 I 447). En l'occurrence, lorsque le recourant a requis en juin 2018 l'autorisation de séjourner deux semaines en France, le ministère public y a agréé; il ne ressort pas, pour le surplus, du jugement cantonal qu'il a déposé d'autres demandes de sortie du territoire suisse qui auraient été refusées.
La cour cantonale a retenu que le recourant a été interdit de déménager hors du canton du Jura uniquement du 22 juin 2017 à fin août 2017. Elle a considéré que cette mesure n'était en rien comparable avec l'intensité d'une détention provisoire et a refusé toute imputation (jugement attaqué p. 7 s., consid. 6). Vu la brièveté de la mesure et compte tenu du fait que le recourant était par ailleurs libre de circuler partout en Suisse, la cour cantonale n'a pas dépassé son large pouvoir d'appréciation en refusant toute imputation. Lorsque le recourant se plaint de devoir assumer des coûts de déplacement exorbitants dans la mesure où il travaille à W.________, on relèvera qu'il n'est plus tenu d'être domicilié dans le canton du Jura depuis septembre 2017.
S'agissant de la troisième mesure précitée, la cour cantonale a jugé que le fait de tenir sa compagne informée pouvait s'avérer désagréable. Elle a toutefois considéré qu'un tel désagrément constituait une mesure légère portant une atteinte très marginale à sa liberté personnelle, sans commune mesure avec le maintien en détention, et qu'en conséquence, aucune imputation sur la peine privative de liberté de l'intéressé ne se justifiait à ce titre (jugement attaqué p. 7 consid. 5). Cette appréciation de la cour cantonale ne viole pas non plus le droit fédéral, dans la mesure où cette mesure constitue avant tout une gêne, qui ne porte pas une atteinte à la liberté personnelle de manière comparable au maintien de la détention.
1.5. Enfin, le recourant soutient que si les diverses mesures de substitution, prises séparément, pouvaient ne pas atteindre une intensité suffisante pour justifier une imputation au titre de l'art. 51 CP, tel ne serait pas le cas lorsque celles-ci sont considérées dans leur ensemble. Il estime que 63 jours au moins auraient dû être déduits de sa peine privative de liberté en raison des mesures de substitution subies.
En l'espèce, la cour cantonale a analysé les différentes mesures de substitution les unes après les autres. Elle a considéré qu'une consultation à V.________ (suivi psychiatrique) correspondait à un demi-jour de détention et a imputé pour les 31 consultations 15 jours sur la peine privative de liberté. Elle a estimé, en revanche, que les autres mesures de substitution représentaient une atteinte incomparablement moindre à la liberté personnelle qu'une détention provisoire et a refusé toute imputation. Comme vu ci-dessus, le raisonnement de la cour cantonale relatif aux diverses mesures ne prête pas le flanc à la critique. Pour le surplus, il n'apparaît pas que la somme des mesures de substitution atteigne une intensité suffisante pour justifier une imputation sur la peine privative de liberté. Le grief soulevé doit être rejeté.
2.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale.
 
Lausanne, le 1er juin 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant: Denys
 
La Greffière : Kistler Vianin