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BGer 1C_313/2022 vom 08.06.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1C_313/2022 & 1C_326/2022
 
 
Arrêt du 8 juin 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
 
Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante.
 
Greffier : M. Parmelin.
 
 
Participants à la procédure
 
1C_313/2022
 
1. A.________,
 
2. B.B.________et C.B.________,
 
3. D.________,
 
représentés par Me Cléa Bouchat, avocate,
 
recourants,
 
et
 
1C_326/2022
 
E.________AG,
 
représentée par Me Jean-Rodolphe Fiechter, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
1. Pro Natura - Ligue suisse pour la protection
 
de la nature,
 
2. Pro Natura - Ligue vaudoise pour la protection de la nature,
 
représentées par Me Mirjam Richon-Bruder, avocate,
 
3. F.________et 48 consorts,
 
tous représentés par Mes Philippe Reymond et Laurent Pfeiffer, avocats,
 
intimés,
 
Département des institutions et du territoire du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne,
 
agissant par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne,
 
Conseil communal de Rougemont, route de la Croisette 16, 1659 Rougemont,
 
représenté par Me Benoît Bovay, avocat.
 
Objet
 
Plan partiel d'affectation,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud
 
du 28 avril 2022 (AC.2019.0217, AC.2019.0218).
 
 
Faits :
 
A.
Du 18 novembre 2017 au 17 janvier 2018, la Municipalité de Rougemont, soutenue par les instances régionales et cantonales, a mis à l'enquête publique un projet de plan partiel d'affectation ayant pour objet la création d'une zone spéciale destinée à l'aménagement d'une décharge contrôlée de type A sur le site de L'Ougette. La décharge devait être exploitée par la société E.________AG à Gstaad.
Le projet a suscité 145 oppositions, dont celles de Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la nature et de Pro Natura Vaud et celles de nombreux propriétaires de chalets ou d'appartements situés dans le quartier des Allamans.
En séance du 2 octobre 2018, le Conseil communal de Rougemont a adopté le plan partiel d'affectation et son règlement.
Le 6 juin 2019, le Département des institutions et du territoire du canton de Vaud a approuvé le plan partiel d'affectation, sous réserve des droits des tiers.
Par arrêt du 28 avril 2022 rendu sur recours des opposants, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé ces décisions.
B.
Agissant le 25 mai 2022 par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.B.________ et C.B.________ et D.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants (cause 1C_313/2022).
Par acte du 30 mai 2022, E.________AG a formé un recours en matière de droit public contre l'arrêt cantonal du 28 avril 2022 en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la Cour de droit administratif et public pour nouvelle décision dans le sens des considérants (cause 1C_326/2022).
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
 
1.
Les recours, dirigés contre le même arrêt et soulevant des griefs formels identiques, peuvent être joints pour leur traitement (art. 24 PCF en relation avec l'art. 71 LTF).
2.
Le recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est en principe ouvert contre l'arrêt attaqué rendu en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire.
2.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Ces conditions sont cumulatives (ATF 133 II 249 consid. 1.3).
2.2. Ainsi, celui qui n'a pas participé à la procédure devant l'autorité précédente n'a pas qualité pour recourir, indépendamment de l'intérêt qu'il peut avoir à l'annulation ou à la modification du jugement entrepris. L'art. 89 al. 1 let. a LTF prévoit cependant une exception à cette règle en faveur du recourant qui a été empêché sans sa faute de prendre part à la procédure devant l'autorité précédente. Tel est le cas lorsque l'autorité précédente, pour un motif procédural, dénie à tort à la personne concernée la qualité de partie ou en cas d'erreur ou d'omission de cette même autorité (ATF 134 V 306 consid. 3.3.1 et 4). Une exception existe également lorsque la personne concernée est atteinte pour la première fois par l'arrêt attaqué. Si sa qualité pour agir apparaît seulement en cours de procédure, elle doit en principe être invitée à participer à l'instance (arrêt 2C_996/2017 du 13 février 2018 consid. 3.1). La qualité pour recourir au Tribunal fédéral suppose que l'intéressé n'ait pas commis de faute, ce qui n'est pas le cas s'il aurait pu intervenir devant l'autorité précédente en faisant preuve de la diligence voulue. En outre, celui qui a renoncé à participer aux instances préalables, motif pris que d'autres agissaient d'ores et déjà en leur nom propre, n'est pas habilité à recourir auprès du Tribunal fédéral contre le prononcé issu de cette procédure (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n. 21 ad art. 89 LTF; BERNHARD WALDMANN, Basler Kommentar Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n. 9 ad art. 89 LTF et les arrêts cités).
2.3. A.________, B.B.________ et C.B.________ et D.________ sont tous propriétaires de parcelles concernées par le plan partiel d'affectation litigieux. Ils sont donc particulièrement atteints par le refus de classer provisoirement leurs parcelles dans une zone spéciale destinée à accueillir une décharge contrôlée de type A et de retirer les revenus de leur location en vue de dite exploitation, et ont un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué au sens de l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Ils n'ont en revanche pas participé à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal comme l'exige l'art. 89 al. 1 let. a LTF. Ils n'avaient cependant aucune raison de recourir contre les décisions du Conseil communal de Rougemont et du Département des institutions et du territoire du canton de Vaud adoptant, respectivement approuvant le plan partiel d'affectation et son règlement puisqu'elles leur donnaient satisfaction. Il ne ressort pas davantage de l'arrêt attaqué qu'ils auraient été invités à participer à la procédure en qualité de tiers intéressés et renoncé à intervenir ou qu'ils s'en seraient remis expressément aux autorités communales et cantonales pour défendre leurs intérêts dans la procédure de recours. Ainsi, ils ont été pour la première fois atteints dans leurs intérêts par l'arrêt attaqué qui, en annulant les décisions précitées, empêche la création d'une décharge contrôlée de type A sur leurs parcelles. La qualité pour recourir doit ainsi leur être reconnue également sous l'angle de l'art. 89 al. 1 let. a LTF, puisqu'ils n'ont pas pu participer à l'instance cantonale de recours sans qu'une quelconque faute ne puisse leur être reprochée à cet égard.
E.________AG, qui devait exploiter la décharge contrôlée de type A projetée sur le site de l'Ougette, à Rougemont, est également particulièrement touchée par l'arrêt attaqué, qui l'entrave dans ses activités et lui porte un préjudice économique, et peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir son annulation selon l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF. Pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus en rapport avec les propriétaires privés des parcelles concernées, la qualité pour recourir doit lui être reconnue sous l'angle de l'art. 89 al. 1 let. a LTF.
2.4. Les recours ont au surplus été interjetés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Il y a lieu d'entrer en matière.
3.
Les recourants voient une violation de leur droit d'être entendus et de l'art. 14 de la loi vaudoise sur la procédure administrative (LPA-VD; RS/VD 173.36) dans le fait qu'ils n'ont pas été appelés en cause ni invités à prendre part à la procédure de recours devant la Cour de droit administratif et public, ce que celle-ci aurait dû faire si elle entendait admettre le recours des opposants, et qu'ils n'ont pas eu la possibilité d'y faire valoir leurs arguments en faveur du projet de plan partiel d'affectation litigieux et de prendre position sur les expertises produites par les opposants.
3.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour les parties à une procédure d'être informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant leur situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
Selon l'art. 14 LPA-VD, l'autorité peut, d'office ou sur requête, appeler en cause ou autoriser l'intervention de personnes qui pourraient avoir qualité de partie au sens de l'art. 13 al. 1 LPA-VD, soit les personnes susceptibles d'être atteintes par la décision à rendre et qui participent à la procédure (let. a), les personnes ou autorités auxquelles la loi confère la qualité de partie (let. b), les personnes ou autorités qui disposent d'un moyen de droit à l'encontre de la décision attaquée (let. c) ainsi que les personnes intervenant dans une procédure d'enquête publique ou de consultation (let. d). De même, pour respecter les exigences de l'art. 111 al. 1 LTF, elle doit aussi admettre parmi les parties à la procédure les personnes qui auraient qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF.
3.2. Pour les raisons exposées précédemment, les recourants étaient susceptibles d'être touchés dans des intérêts dignes de protection par l'arrêt à rendre en tant qu'il portait sur la création d'une zone spéciale destinée à l'aménagement d'une décharge contrôlée de type A sur le site de l'Ougette. A ce titre, ils pouvaient se voir reconnaître la qualité de parties, selon l'art. 13 al. 1 LPA-VD, permettant leur intervention à la procédure en application des art. 111 al. 1 LTF et 14 LPA-VD. Une telle manière de procéder s'imposait d'autant plus en l'occurrence dans la mesure où la Cour de droit administratif et public envisageait d'admettre le recours. En rendant son arrêt dans un sens qui leur était défavorable, sans les avoir préalablement invités à participer à la procédure et à se déterminer sur les recours, l'autorité précédente a violé le droit d'être entendus des recourants ainsi que les art. 111 al. 1 LTF et 14 LPA-VD (cf. arrêts 1C_102/2019 du 17 août 2020 consid. 4.5, 1C_293/2018 du 29 janvier 2019 consid. 6 et 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 3.2). Le fait que l'un des représentants de E.________AG ait participé à l'inspection locale tenue par la Cour de droit administratif et public sans y avoir été formellement convoqué et qu'il ait pu s'exprimer à cette occasion ne conduit pas à une autre appréciation. La réparation de l'atteinte portée au droit d'être entendus des recourants devant le Tribunal fédéral n'est pas envisageable. Pour rétablir une situation conforme au droit, il convient d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer le dossier à l'autorité précédente pour nouvelle décision après leur avoir donné la possibilité de se déterminer sur les recours des opposants.
4.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour de droit administratif et public pour qu'elle procède dans le sens du considérant qui précède. Dès lors que l'objet du litige s'est limité à une question de nature purement procédurale et que le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de la cause, le renvoi peut être ordonné sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2; arrêt 1C_185/2020 du 5 mai 2020 consid. 4).
Le canton de Vaud, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il versera en revanche des dépens aux recourants qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 4 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Les causes 1C_313/2022 et 1C_326/2022 sont jointes.
 
2.
 
Les recours sont admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour qu'elle procède dans le sens des considérants.
 
3.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4.
 
Le canton de Vaud versera à A.________, B.B.________ et C.B.________ et D.________, créanciers solidaires, d'une part, et à E.________AG, d'autre part, une indemnité de 2'000 fr. chacune à titre de dépens.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et du Conseil communal de Rougemont, ainsi qu'au Département des institutions et du territoire et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 8 juin 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
Le Greffier : Parmelin