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BGer 6B_78/2022 vom 08.06.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_78/2022
 
 
Arrêt du 8 juin 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
Mmes et MM. les Juges fédéraux Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys, Muschietti, van de Graaf et Hurni.
 
Greffière : Mme Kistler Vianin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Matthieu Genillod, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
 
intimé.
 
Objet
 
Refus du régime du travail externe (art. 77a CP),
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
 
canton de Vaud, Chambre des recours pénale,
 
du 29 novembre 2021 (n° 1088 OEP/PPL/145165/CBE).
 
 
Faits :
 
A.
Par décision du 3 novembre 2021, l'Office d'exécution des peines du canton de Vaud a refusé d'accorder à A.________ le régime du travail externe.
B.
Par arrêt du 29 novembre 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du 3 novembre 2021, qu'elle a confirmée.
L'arrêt attaqué repose sur les faits suivants:
B.a. Par jugement du 18 octobre 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, ayant partiellement admis les appels de A.________ et du Ministère public vaudois contre le jugement rendu le 22 février 2019 par le Tribunal criminel de l'arrondissement de l'Est vaudois, a réformé celui-ci en ce sens qu'elle a libéré le prénommé de l'infraction d'abus de confiance qualifié et l'a condamné pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée, gestion fautive, faux dans les titres et soustraction d'objets mis sous main de l'autorité à une peine privative de liberté de cinq ans et demi.
Par arrêt du 1er décembre 2020 (6B_289/2020), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ à l'encontre du jugement précité et l'a réformé sur un point concernant la quotité de la déduction relative à la détention provisoire subie. Pour le reste, le recours a été rejeté dans la mesure où il était recevable.
B.b. Par ordre d'exécution de peine du 4 février 2021, l'Office d'exécution des peines vaudois (OEP) a sommé A.________ de se présenter le 10 mars 2021 aux Etablissements de la plaine de l'Orbe afin d'exécuter sa peine sous le régime de la détention ordinaire. Cet ordre a toutefois été annulé à la suite du rapport établi le 12 mars 2021 par le médecin conseil du Service pénitentiaire (SPEN), qui estimait que le condamné était inapte à exécuter sa peine pour des raisons médicales.
Le 18 mars 2021, un nouvel ordre d'exécution de peine pour le 28 octobre 2021 a été adressé à A.________. Il a également été annulé à la suite d'un avis émis par le médecin conseil du SPEN, précisant que l'intéressé serait apte à exécuter sa peine dès le 3 janvier 2022, avec une prise en charge par le Service médical de l'établissement carcéral.
Le 7 octobre 2021, l'OEP a convoqué A.________ pour qu'il exécute sa peine, en régime de détention ordinaire, dès le 12 janvier 2022.
B.c. Le 30 septembre 2021, A.________ a requis de pouvoir exécuter le solde de sa peine sous le régime du travail et logement externes.
C.
Contre l'arrêt cantonal du 29 novembre 2021, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de la décision du 3 novembre 2021 de l'OEP en se cens que le régime du travail externe lui est accordé. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public vaudois y ont renoncé.
 
1.
Selon l'art. 78 al. 2 let. b LTF, sont notamment sujettes au recours en matière pénale les décisions sur l'exécution des peines et des mesures.
2.
Le recourant dénonce la violation de l'art. 77a CP et, en lien avec l'art. 106 al. 2 LTF, la violation des dispositions intercantonales et cantonales d'application.
2.1. L'art. 77a CP dispose que la peine privative de liberté est exécutée sous la forme de travail externe si le détenu a subi une partie de sa peine, en règle générale au moins la moitié, et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (al. 1). En cas de travail externe, le détenu travaille hors de l'établissement et passe ses heures de loisirs et de repos dans l'établissement. Le passage au travail externe intervient en principe après un séjour d'une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé. Les travaux ménagers et la garde des enfants sont considérés comme travail externe (al. 2).
2.2. Le travail externe constitue la dernière étape de la progression du détenu avant la libération conditionnelle, voire la libération définitive. Il a pour but, dans l'optique de la libération conditionnelle, de réinsérer le détenu dans le monde du travail. Il doit lui permettre de "faire un pas vers la liberté" par un travail hors du milieu carcéral, après une période d'exécution ordinaire de la peine, et ainsi de s'habituer à la vie normale (DUPUIS ET AL, Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., Bâle 2017, n. 2 ad art. 77a CP, n. 2 ad art. 77b CP).
Le travail externe est soumis à certaines conditions. En premier lieu, le détenu devra avoir subi une partie de sa peine, qui, en général, équivaudra à la moitié de celle-ci. Cette condition montre que le régime du travail externe est une phase de l'élargissement progressif de l'exécution de la peine, et non une modalité d'exécution de celle-ci, qui peut être autorisée au début de la peine (arrêt 6B_131/2016 du 3 mars 2016 consid. 2.2). En outre, le travail externe ne pourra être accordé que s'il n'y a pas lieu de craindre la fuite ou la récidive du détenu. A ces deux conditions impératives, l'art. 77 al. 2 CP ajoute que le détenu doit en principe avoir été placé pendant une durée appropriée en milieu ouvert pour pouvoir bénéficier du travail externe. Le passage à un travail externe ne devrait donc pas se faire en principe directement à partir d'un établissement fermé, mais depuis un établissement ouvert ou une section ouverte d'un établissement fermé.
2.3. Les conditions à remplir pour être placé en régime de travail externe sont concrétisées au niveau cantonal aux art. 164 ss du règlement vaudois du 16 août 2017 sur le statut des personnes condamnées exécutant une peine privative de liberté ou une mesure (ci-après: RSPC; BLV 340.01.1). L'art. 164 RSPC prévoit que le régime de travail externe est limité dans le temps et n'excède en principe pas douze mois; il réserve toutefois les situations des personnes détenues condamnées à de longues peines ou à des mesures. Selon l'art. 165 RSPC, le condamné doit avoir subi une partie de sa peine, en règle générale la moitié (let. a), avoir, en principe, donné satisfaction pendant au moins six mois dans le cadre d'un placement dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé et avoir réussi plusieurs congés (let. b), être au bénéfice d'une activité professionnelle, occupationnelle ou de formation à 50 % au minimum et agréée par l'autorité dont elle dépend (let. c), apparaître digne de confiance et capable de respecter les conditions inhérentes au régime (let. d), ne pas présenter de risque de fuite ou de commission de nouvelles infractions (let. e), avoir respecté le plan d'exécution de la sanction (let. f) et être autorisé à séjourner et à exercer une activité lucrative sur le territoire suisse (let. g). Il faut enfin qu'une place soit disponible dans un établissement autorisé pour l'exécution du travail externe (let. h). Ces conditions sont cumulatives.
La Décision concordataire du 25 septembre 2008 de la Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d'exécution des peines et des mesures concernant le travail externe ainsi que le travail et le logement externes pose les mêmes conditions, en y ajoutant que le condamné doit disposer d'un document officiel attestant de son identité, ne pas mettre en danger le maintien de la sécurité et de l'ordre publics et avoir participé activement aux efforts de réinsertion (art. 3 al. 1 let. a, c et e).
2.4. Si le Code pénal ne dit rien, l'art. 164 RSPC et le ch. 1 al. 6 de la décision concordataire fixent en principe la durée maximale du travail externe à douze mois, y compris la phase de travail et logement externes. Cette période est en effet considérée comme difficile, car le le détenu est sans cesse confronté aux tentations du monde libre, sans jamais pouvoir en profiter complètement, puisqu'il doit passer son temps libre en prison (exception faite des congés) (VIREDAZ/VALLOTTON, Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd., 2021, n° 5 ad art. 77a CP; FF 1999 II, p. 1921).
Sous l'ancien droit, le Tribunal fédéral avait admis que les directives fixant la durée minimale de la semi-liberté à trois mois et la durée maximale à douze mois ne violaient pas le droit fédéral (arrêt 6A.99/2006 du 28 décembre 2006 consid. 3). On peut se demander si cette jurisprudence est également applicable à l'art. 77a CP, dans la mesure où cette dernière disposition n'est plus une "Kannvorschrift". Le message de la révision de la partie générale du Code pénal, auquel le Tribunal fédéral s'est également référé dans l'arrêt précité, précise qu'il s'agit d'éviter que le travail externe, exigeant en soi, ne dure trop longtemps (FF 1999 II, p. 1921). La doctrine est majoritairement favorable à une limitation de la durée du travail et du logement externes, même sous le nouveau droit, et la considère comme non contraire au droit fédéral (BENJAMIN F. BRÄGGER, Basler Kommentar, Strafrecht I, 4e éd. 2019, n° 3f ad art. 77a CP; TRECHSEL/AEBERSOLD, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd. 2021, n° 4 ad art. 77a CP; VIREDAZ/VALLOTTON, op. cit., n° 5 ad art. 77a CP). Il convient donc de confirmer la jurisprudence rendue sous l'ancien droit, étant précisé que les directives limitant la durée maximale du travail et du logement externes à douze mois ne doivent pas constituer une limite rigide, mais doivent pouvoir tenir compte des situations individuelles.
 
Erwägung 2.5
 
2.5.1. Pour la cour cantonale, le recourant, qui n'a pas encore débuté l'exécution de sa peine, ne peut pas prétendre à bénéficier de l'élargissement du cadre prévu à l'art. 77a CP. Elle a rappelé que le régime du travail externe n'était pas une modalité d'exécution de la peine, mais une phase de l'élargissement progressif de l'exécution de la peine. Selon elle, le travail externe implique que la personne qui en bénéficie soit en train de purger sa peine, en d'autres termes qu'elle soit en détention ou placée par l'autorité. Elle a argué que l'art. 77a CP utilisait le mot "détenu". Elle s'est référée également à l'art. 161 RSPC qui dispose que les personnes pouvant bénéficier du régime de travail externe sont les personnes placées dans un établissement d'exécution de peines ou de mesures ainsi que celles placées dans un établissement ou une structure non pénitentiaire.
Le recourant explique qu'il a exécuté plus de la moitié de sa peine, principalement en détention préventive, de sorte qu'il remplit la première condition du travail externe prévue à l'art. 77a al. 1 CP. Il a été remis en liberté (depuis le 28 février 2017) et a donc passé plusieurs années en liberté sans aucune infraction. Il réaliserait donc également la seconde condition de l'art. 77a al. 1 in fine CP ("Il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions"). Selon le recourant, l'exigence du séjour en milieu ouvert posée à l'art. 77a al. 2 CP n'a aucune vocation à restreindre le champ d'application du travail externe.
2.5.2. L'art. 77a al. 2 CP prévoit que le passage au travail externe intervient "en principe" après un séjour d'une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé. L'utilisation du terme "en principe" montre que le séjour préalable en milieu ouvert ne constitue pas une condition impérative de l'octroi du travail externe (ANDREA BAECHTOLD, Exécution des peines, 2008 n° 26
On relèvera qu'il est admis que la libération conditionnelle - qui constitue la dernière étape de l'exécution d'une peine privative de liberté (cf. KUHN/VUILLE, in Commentaire romand, Code pénal I, 2021, n° 1 ad art. 86 CP) - puisse intervenir directement après la détention provisoire (KUHN/VUILLE, op. cit., n° 7a ad art. 86 CP; TRECHSEL/AEBERSOLD, op. cit., n° 4 ad art. 86 CP). Le condamné ne doit pas nécessairement être privé de liberté au moment où la décision de libération conditionnelle est prise (cf. ANDREA BAECHTOLD, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., 2008, n° 2 ad art. 86 CP; par analogie avec la libération conditionnelle d'un internement ATF 118 IV 10; contra : CORNELIA KOLLER, Basler Kommentar, Strafrecht I, 4e éd., 2019, n° 2 ad art. 86 CP). On ne voit pas pourquoi les mêmes principes ne pourraient pas s'appliquer à l'octroi du travail externe, qui représente la phase précédant la libération conditionnelle.
En définitive, il convient d'admettre qu'un condamné à une peine privative de liberté sans sursis qui a passé une longue période en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté puisse avoir la possibilité d'exécuter sa peine (restante) directement sous la forme de travail et logement externes s'il en réalise les conditions (cf. ALAIN JOSET, Annotierter Kommentar StGB, Damian K. Graf [éd.], 2020, n° 8 ad art. 77a CP).
2.5.3. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit fédéral en considérant que le séjour préalable en milieu ouvert était une condition impérative de l'octroi du travail externe et en refusant celui-ci pour le seul motif que le recourant ne se trouvait pas dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé. Le recours doit donc être admis, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle détermine si les conditions du travail externe sont réalisées en l'espèce.
3.
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision.
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais et peut prétendre à des dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le canton de Vaud versera au recourant, en mains de son conseil, la somme de 3'000 fr., à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 8 juin 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
 
La Greffière : Kistler Vianin