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BGer 6B_227/2021 vom 22.06.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_227/2021
 
 
Arrêt du 22 juin 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti et Hurni.
 
Greffier : M. Vallat.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Amir Djafarrian, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
 
intimé.
 
Objet
 
Ordonnance de classement (escroquerie, contrainte); frais et indemnité,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
 
canton de Vaud, Chambre des recours pénale,
 
du 24 décembre 2020 (n° 1033 PE19.014762-MMR).
 
 
Faits :
 
A.
Le 23 juillet 2019, A.________ a déposé plainte pénale contre B.________, titulaire de l'entreprise individuelle C.________, pour tentative de contrainte et escroquerie.
Il exposait avoir fait appel, pour faire poser des sols en résine de béton ciré dans sa maison en rénovation, à cette entreprise qu'il avait choisie après avoir vu un certain nombre de photographies représentant ses réalisations, dont il avait conclu que B.________ avait une grande expérience de cette technique. Le contrat avait été conclu. B.________ lui aurait indiqué un coût de 8350 francs. Le plaignant lui aurait versé 4500 fr. d'avance, en mains propres. Quelques jours après le commencement des travaux, des anomalies seraient apparues, notamment de grosses taches noires sur le sol. A.________ aurait alors décidé de faire vérifier le travail par la société D.________, dont les représentants lui auraient affirmé que " les produits utilisés, Sikagard-750 Deco EpoCem, étaient des enduits de ragréage décoratif et en aucun cas un béton ciré ". Ils lui auraient également indiqué que les photographies utilisées par B.________ étaient en réalité des illustrations de leurs propres réalisations. Il ressortait aussi de cette plainte que le 20 mai 2019, B.________ aurait adressé au plaignant quatre factures en relation avec les travaux, respectivement de 5091 fr. 97, 1019 fr. 27, 1406 fr. 83 et 6928 fr. 87. Le 2 juillet 2019, B.________ aurait fait notifier à A.________ un commandement de payer pour le montant en question, auquel ce dernier aurait fait opposition. Le 4 novembre 2019, A.________ a retiré purement et simplement sa plainte.
Le lendemain, la procureure en charge du dossier a entendu B.________ en qualité de prévenu. Celui-ci a contesté les faits, affirmant avoir suivi une formation de deux jours auprès du fabriquant des fournitures concernant la pose de béton ciré. Dans la maison du plaignant, il n'avait pas posé du béton ciré mais du béton décoratif, lequel se fabriquait avec les mêmes produits mais se posait différemment. Les photos précitées auraient représenté des réalisations effectuées lorsqu'il travaillait dans une autre entreprise. Il connaissait le plaignant. Ils étaient amis depuis douze ans. Aucun contrat n'avait été établi concernant les travaux. A.________ lui avait dit que les questions financières se régleraient à la fin et lui avait proposé de travailler gratuitement pour lui en échange de dix années d'abonnement de fitness gratuit. Il avait finalement retiré sa plainte car un arrangement avait été trouvé entre eux. Le montant du commandement de payer correspondait au travail effectué et au matériel acheté.
Le 23 septembre 2020, A.________ a été entendu à son tour par la procureure en qualité de témoin. Il a déclaré qu'il connaissait B.________ depuis environ deux ans et qu'avant de lui confier le chantier de sa maison, et pour être certain de la qualité de son travail, il lui avait demandé d'effectuer, dans un autre immeuble, des travaux dont il n'avait pas été convaincu. Il lui en avait néanmoins confié de nouveaux étant donné l'arrangement financier trouvé (paiement sous forme d'abonnement de fitness). A.________ a, finalement, admis avoir retiré sa plainte après que B.________ lui avait remboursé l'avance de 4500 francs.
Par ordonnance du 4 décembre 2020, la procureure a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte contre B.________ pour escroquerie et contrainte. Elle a fixé à 2947 fr. 85 l'indemnité allouée à à ce dernier et a mis les frais de la procédure, y compris l'indemnité précitée, soit un total de 4222 fr. 85 à la charge de A.________.
B.
Saisie d'un recours de ce dernier, par arrêt du 24 décembre 2020, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté, frais (630 fr.) à la charge de l'intéressé.
C.
Par acte du 22 février 2021, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 décembre 2020. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à la réforme de la décision querellée en ce sens que les 4222 fr. 85 de frais précités soient laissés à la charge de l'État. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision entreprise et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
1.
Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF). Il en va ainsi notamment de celles relatives au contenu de la pensée (ATF 142 IV 137 consid. 12; 141 IV 369 consid. 6.3), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous les moyens qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).
2.
Conformément à l'art. 420 let. a CPP, la Confédération ou le canton peut intenter une action récursoire contre des personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l'ouverture de la procédure. Vu l'intérêt de la collectivité à ce que les particuliers contribuent également à dénoncer les agissements susceptibles d'être sanctionnés, l'État ne doit faire usage de l'action récursoire qu'avec retenue. Néanmoins, il paraît conforme au principe d'équité de faire supporter les frais de procédure à celui qui saisit l'autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance (arrêts 6B_638/2020 du 3 février 2021 consid. 2.2; 6B_705/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.1; 6B_317/2018 du 10 août 2018 consid. 5.1; 6B_620/2015 du 3 mars 2016 consid. 2.2; 6B_446/2015 du 10 juin 2015 consid. 2.1.1 et les références citées). Une action récursoire entre en ligne de compte en cas de soupçons sans fondement, mais non lorsqu'une plainte est déposée de bonne foi. L'on songe plutôt à la dénonciation calomnieuse au sens de l'art. 303 CP (cf. arrêts 6B_705/2019 précité consid. 4.1; 6B_620/2015 précité consid. 2.2 et les références). Selon la jurisprudence, le dénonciateur qui utilise le droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu agit par négligence grave (cf. arrêts 6B_638/2020 précité consid. 2.2; 6B_705/2019 précité consid. 4.1; 6B_317/2018 précité consid. 5.1; 6B_620/2015 précité consid. 2.2; 6B_446/2015 précité consid. 2.3 et les références).
3.
La cour cantonale a jugé que le litige était purement civil. Le plaignant avait recouru aux services du prévenu alors qu'ils se connaissaient, celui-là ayant déjà confié des travaux à celui-ci dans un autre immeuble. Il y avait eu, comme cela arrivait souvent, un problème d'exécution de l'ouvrage, le prévenu avait dû se faire remplacer sur le chantier et la facture finale avait été contestée. Il n'y avait pas le moindre indice d'une escroquerie. S'agissant des poursuites, il n'y avait rien d'aussi ordinaire que de requérir le paiement de factures contestées par cette voie et on ne trouvait aucun élément de contrainte au dossier. Il fallait ainsi retenir que le recourant avait provoqué l'ouverture inutile d'une procédure pénale et c'était donc à juste titre que la procureure avait fait application de l'art. 420 let. a CPP. Que la magistrate ait effectué des opérations malgré le retrait de la plainte n'était pas critiquable, dès lors que les infractions en cause se poursuivaient d'office. En définitive, le recourant avait voulu agir sur les deux tableaux, pénal et civil, pour faire pression sur le prévenu. La cause ne relevant d'aucun aspect pénal, il était normal qu'il en assumât les frais.
4.
Le recourant objecte avoir agi de bonne foi et conteste toute négligence en relation avec le dépôt de sa plainte pénale. Il allègue que le prévenu aurait admis le caractère pénal des faits, et que le ministère public aurait décidé de son propre chef d'instruire une enquête alors que lui-même avait retiré sa plainte et n'était donc plus partie à la procédure pénale.
4.1. L'argumentaire du recourant s'ouvre sur un exposé des faits, dans lequel il reprend, pour l'essentiel, le contenu de sa plainte et la position qu'il a soutenue devant la cour cantonale. S'il affirme, en tête de son écriture, invoquer que les faits auraient été établis de manière manifestement inexacte, on recherche en vain, dans la suite, la démonstration précise d'une telle inexactitude. Au contraire, mêlant indissociablement sous un même titre " [...] mauvaise application de l'article 420 alinéa 1 CPP et [...] constatation manifestement inexacte des faits ", son argumentaire apparaît d'emblée appellatoire à la forme. Il l'est, de même, sur le fond lorsqu'il affirme, par exemple, que le prévenu aurait " admis le caractère pénal des faits ", ce que ne constate manifestement pas la décision entreprise, ou lorsqu'il se borne à reprocher à la cour cantonale d'avoir " préféré tenir pour véridique les allégations " du prévenu. De tels développements sont irrecevables et l'on peut se limiter, en tant que de besoin, à rappeler que, de toute manière, le seul fait de préférer au récit d'une partie celui, même discutable, de l'autre, ne procède pas encore d'une appréciation insoutenable des preuves.
4.2. Le recourant souligne aussi que lors de son audition le prévenu aurait indiqué le connaître " depuis plus de douze ans ", alors qu'il ne serait arrivé en Suisse qu'au mois de novembre 2010. On ne conçoit toutefois guère quelle pourrait être la portée de cette inexactitude ou de cette erreur quant à l'issue du litige, ce qui suffit à exclure le reproche d'arbitraire.
4.3. Le recourant expose ensuite qu'il y aurait lieu de distinguer " béton ciré " et " béton décoratif ", quant à leur pose, aux produits nécessaires, à leur utilisation et à leur prix (du simple au quintuple selon lui). Il en conclut que le prévenu l'aurait trompé astucieusement en essayant de poser une résine d'accrochage en lieu et place du béton ciré initialement convenu, dans le seul but d'augmenter sa marge bénéficiaire sur le chantier.
Il ressort toutefois des explications du recourant et du dossier de la cause que les factures adressées par le prévenu au recourant le 20 mai 2019 indiquaient quels produits avaient été utilisés (Sikagard-750 Deco) ainsi que le prix unitaire de ces travaux au m² et que ce prix au m² est notablement inférieur (environ 50%) à celui facturé par la nouvelle entreprise chargée par le recourant de poser du béton ciré. Il s'ensuit que le recourant pouvait, dès réception des factures du prévenu, connaître la nature des travaux effectués et leur prix. Par ailleurs, renseigné par une autre entreprise, par courrier du 22 mai 2019, sur la nature du produit utilisé par le prévenu (Sikagard-750 Deco), ainsi que par la facture que lui a adressée cette même entreprise le 6 mai 2019 sur le prix au m² correspondant à la fourniture et à la pose effective de béton ciré, le recourant était en mesure de constater que le prévenu ne lui avait pas facturé la pose d'un tel sol, mais celle d'un autre produit, à un prix toutefois notablement inférieur. Faute de toute explication détaillée sur le calcul de ces prix, en particulier sur le prix des produits, sur les quantités nécessaires au m² et sur le coût de la main d' oeuvre, selon qu'il s'agissait de poser du béton ciré ou du béton décoratif, les développements du recourant ne sont pas de nature à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement omis de constater un gonflement par le prévenu de sa marge bénéficiaire, moins encore qu'un tel gonflement eût pu être sournois.
4.4. Selon le recourant, aucun indice ne permettrait de retenir qu'il aurait utilisé son droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles il a été prévu. Il affirme que la décision de dernière instance cantonale ne mentionnerait ni procès civil pendant ou imminent, ni conclusions civiles.
Il ressort cependant sans ambiguïté de la décision querellée que la cour cantonale a constaté l'intention du recourant d'agir simultanément au pénal et au civil. Même si cette décision ne fournit guère de précisions sur le volet civil de ces démarches, cette constatation n'apparaît pas insoutenable. Il ressort en effet du dossier de la cause, soit de l'écriture adressée par le recourant le 21 octobre 2020 au ministère public et de la pièce annexée à cette écriture, que, par acte du 22 juillet 2019, soit le jour précédant celui où il avait déposé plainte, le recourant a fait citer le prévenu en conciliation civile, laquelle a abouti, le 30 octobre suivant, à l'engagement du prévenu à verser 8000 fr. au recourant pour solde de tout compte en relation avec les travaux en question ainsi qu'au retrait par ce dernier de sa plainte pénale. Cela exclut tout arbitraire.
4.5. Le recourant avance encore que les éléments, selon lui " tangibles ", l'ayant amené à porter plainte auraient conduit le ministère public à procéder à une enquête approfondie, qui se serait étendue sur plus de 17 mois, ce qui exclurait, à ses yeux, toute mauvaise foi ou grave négligence de sa part.
S'il est vrai que la procédure ouverte ensuite de la plainte du 23 juillet 2019 n'a fait l'objet d'une ordonnance de classement que le 4 décembre 2020, le recourant n'explique pas précisément ce qui permettrait à ses yeux de qualifier d' " approfondie " la procédure en question et un bref survol du dossier suggère que l'instruction a, au contraire, essentiellement consisté en l'audition des deux intéressés, respectivement les 5 novembre 2019 et 23 septembre 2020. Le recourant ne peut, dès lors, rien déduire en sa faveur, sous l'angle de l'arbitraire, de la durée totale de la procédure.
4.6. On ne saurait, sur la base de ce qui vient d'être exposé, reprocher à la cour cantonale d'avoir arbitrairement exclu que le recourant ait pu se croire victime d'une tromperie astucieuse respectivement d'une tentative de contrainte. Au vu notamment de toutes les informations que détenait le recourant (qui était par ailleurs conseillé par un avocat depuis le 3 juin 2019) au moment de déposer, au mois de juillet 2019, de manière quasi simultanée, une plainte pénale et une requête civile en conciliation, l'intéressé ne démontre pas à satisfaction de droit que l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle il avait voulu agir sur les deux tableaux, civil et pénal, pour faire pression sur le prévenu alors qu'il n'y avait pas le moindre indice d'une escroquerie ou d'une tentative de contrainte, serait insoutenable. La conclusion selon laquelle il avait utilisé son droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu et avait ainsi agi par négligence grave n'apparaît dès lors pas critiquable au regard des principes de droit fédéral rappelés ci-dessus (v. supra consid. 2).
5.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 22 juin 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant : Denys
 
Le Greffier : Vallat