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BGer 5A_189/2022 vom 01.07.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
5A_189/2022
 
 
Arrêt du 1er juillet 2022
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
 
Marazzi et von Werdt.
 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
 
 
Participants à la procédure
 
A.A.________,
 
représentée par Me Micaela Vaerini, avocate,
 
recourante,
 
contre
 
B.A.________,
 
représentée par Me Cédric Thaler, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
mesures provisionnelles, droit d'usufruit,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Juge délégué de la Cour d'appel civile, du 7 février 2022 (JP21.033182-211672 63).
 
 
 
Erwägung 1
 
1.1. B.A.________, née en 1925, est l'épouse de feu C.A.________, décédé en 1991. Les époux Seiler ont eu deux enfants: D.A.________, décédé en 2021, et A.A.________.
Feu C.A.________ a institué ses enfants pour seuls héritiers et, conformément à l'art. 473 CC, a légué à son épouse l'usufruit, sa vie durant, de tous les biens qu'il laisserait à son décès, dit usufruit tenant lieu de droit de succession.
La succession de feu C.A.________ comprenait des immeubles, dont la parcelle no 1927 sise à U.________. Celle-ci consiste en un bâtiment de 77 m² et une place-jardin de 640 m². D'après l'extrait du registre foncier, A.A.________ en est nue-propriétaire en main commune avec E.A.________, fille de feu D.A.________.
B.A.________ et son époux vivait avec leur fille dans cette maison; au décès de C.A.________, les parties ont continué de vivre dans ce logement, sans que A.A.________ y dispose d'un logement distinct et indépendant. Il apparaît que celle-ci s'aquittait d'un montant pour l'occupation de sa chambre alors que son père était vivant; sa mère ne semble plus le lui avoir demandé au décès de son époux.
Suite au transfert de B.A.________ en EMS, A.A.________ vit seule dans la maison, dont elle prend les frais à sa charge.
B.A.________ souhaite réintégrer son domicile, volonté qu'elle a manifesté à sa curatrice de représentation, F.________, mais à laquelle sa fille s'oppose.
Dans cette perspective, B.A.________ a mandaté un avocat. Par son intermédiaire, elle a ordonné le 1 er juillet à A.A.________ de quitter de façon définitive l'habitation familiale, fixant à l'intéressée un délai échéant au 31 juillet 2021.
1.2. Le 26 juillet 2021, A.A.________ a saisi la commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de l'Ouest lausannois d'une requête en annulation du congé, donné selon elle le 1
 
Erwägung 1.3
 
1.3.1. Le 2 août 2021, B.A.________ a adressé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale (ci-après: la première juge), concluant en substance à ce qu'il soit donné ordre à sa fille, sous la menace de l'art. 292 CP, de remettre les clés permettant d'accéder à l'intérieur de l'immeuble de U.________ et de la laisser entrer et rester dans cet immeuble; à titre de mesures provisionnelles uniquement, B.A.________ a conclu en outre à ce qu'il soit donné ordre à sa fille de quitter l'immeuble dans les trente jours, un huissier de la Chambre patrimoniale cantonale étant à défaut chargé de procéder à l'exécution forcée directe de la décision sur sa requête.
Les mesures superprovisionnelles ont été rejetées le 5 août 2021.
A.A.________ a pour sa part invoqué la litispendance et conclu à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement à son rejet.
Les parties ont été entendues en audience.
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 19 octobre 2021, la première juge a en substance donné ordre à A.A.________, sous la menace de la peine d'amende de l'art. 292 CP, de remettre, dans les 48 heures et par l'intermédiaire des conseils respectifs des parties, les clés permettant d'accéder à l'intérieur de l'immeuble familial et d'y laisser entrer sa mère. La première juge a en revanche déclaré irrecevables la conclusion visant à ce que A.A.________ quitte la maison ainsi que celle liée à son exécution et rejeté toute autre ou plus ample conclusion. Un délai au 10 février 2022 a été imparti à B.A.________ pour introduire son action au fond.
1.3.2. Statuant le 7 février 2022 sur l'appel de A.A.________, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté (I); l'ordonnance de la première juge a été confirmée (II).
1.4. Agissant le 14 mars 2022 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.A.________ conclut à la modification du chiffre II du dispositif de l'arrêt cantonal, l'ordonnance de mesures provisionnelles étant réformée en ce sens que la conclusion IV de la requête de mesures provisionnelles du 2 août 2021, à savoir laisser entrer et rester l'intimée dans l'immeuble, est déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée.
L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance présidentielle du 12 avril 2022.
 
Erwägung 2
 
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (notamment: ATF 147 I 89 consid. 1).
 
Erwägung 2.1
 
2.1.1. Les mesures provisionnelles sont des décisions finales au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elles sont prises dans une procédure autonome; elles sont en revanche des décisions incidentes au sens de l'art. 93 LTF lorsque leur effet est limité à la durée d'un procès en cours ou à entreprendre par la partie requérante, dans un délai qui lui est imparti (ATF 138 III 46 consid. 1.1; 137 III 324 consid. 1.1; 136 V 131 consid. 1.1.2; 134 I 83 consid. 3.1). L'arrêt déféré appartient manifestement à cette dernière catégorie de décisions.
2.1.2. La recevabilité du recours en matière civile suppose en conséquence que la décision entreprise soit de nature à causer à la recourante un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF étant d'emblée exclue s'agissant de mesures provisionnelles (ATF 144 III 475 consid. 1.2; 138 III 333 consid. 1.3; 137 III 589 consid. 1.2.3). La condition du préjudice irréparable est réalisée lorsque la partie recourante est exposée à un dommage de nature juridique, et non un dommage économique ou de pur fait, qu'une décision favorable sur le fond ne pourrait pas faire disparaître, ou du moins pas entièrement (ATF 144 III 475 concid. 1.2; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 141 IV 284 consid. 2.2), la partie recourante devant expliquer de façon détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu'elle conteste; à défaut, le recours est irrecevable (ATF 144 III 475 consid. 1.2; 142 III 798 consid. 2.2 in fine et les références).
 
Erwägung 2.2
 
2.2.1. Il convient d'emblée d'écarter les considérations que la recourante développe au sujet de la réalisation de la condition posée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF; cet argumentation est en effet sans objet s'agissant d'une décision de mesures provisionnelles (
2.2.2. Pour fonder l'existence du préjudice irréparable que lui causerait la décision entreprise, la recourante prétend que laisser entrer sa mère dans l'immeuble porterait une atteinte démesurée à son intégrité psychique et physique en raison des maltraitances qu'elle lui infligerait. Cette situation aurait des conséquences irréparables à son endroit (décompensation psychique, blessures, voire mort), nécessitant, pour se préserver, de rester enfermer dans une chambre; le droit d'accès au bien qu'elle louait et dont elle était nue-propriétaire serait ainsi entravé. La recourante déduit de ces circonstances que la cohabitation entre les parties ne serait plus envisageable, en sorte qu'elle serait
L'arrêt déféré, en tant qu'il confirme l'ordonnance de mesures provisionnelles du 19 octobre 2021, contraint la recourante à remettre les clés permettant l'accès au logement et à y laisser entrer l'intimée; il ne condamne pas la recourante à quitter la maison. Le préjudice irréparable que déduit la recourante de cette décision apparaît non seulement hypothétique, mais également purement factuel. D'une part, la cohabitation qu'imposerait l'arrêt querellé dépend de la possibilité effective de l'intimée de regagner le logement pour y vivre, laquelle n'est pas établie; le dispositif de la décision attaquée l'illustre d'ailleurs parfaitement en se limitant à contraindre la recourante à " laisser entrer sa mère ". D'autre part, les atteintes à la santé qui découleraient de cette éventuelle cohabitation relèvent principalement de considérations factuelles, étant souligné que la recourante n'établit nullement être titulaire d'un droit l'autorisant à occuper la maison dans son intégralité, à l'exclusion de sa mère qui en est pourtant incontestablement usufruitière. L'on ne saurait enfin retenir que la possible destruction de la maison suite à une inadvertance de l'intimée fonderait le dommage irréparable de la recourante en sa qualité de nue-propriétaire, dit argument consistant en une conjecture, par trop insuffisante pour appuyer un tel préjudice.
 
Erwägung 3
 
En définitive, le recours est irrecevable et les frais doivent être mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui a conclu sans succès au rejet de la requête d'effet suspensif déposée par la recourante, n'a droit à aucune indemnité de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est irrecevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Juge délégué de la Cour d'appel civile, et à F.________, Lausanne.
 
Lausanne, le 1er juillet 2022
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Herrmann
 
La Greffière : de Poret Bortolaso