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BGer 4A_223/2022 vom 06.07.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
4A_223/2022
 
 
Arrêt du 6 juillet 2022
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les Juges fédérales
 
Hohl, présidente, Kiss, May Canellas.
 
Greffier: M. O. Carruzzo.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Frédéric Hainard, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
B.________,
 
2300 La Chaux-de-Fonds,
 
représentée par Me Valérie Schweingruber Dupraz, avocate,
 
intimée.
 
Objet
 
bail à ferme agricole,
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (CACIV.2022.7).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 28 avril 2017, B.________, propriétaire d'un domaine agricole à La Chaux-de-Fonds et alors âgée de 84 ans, a conclu un contrat de bail à ferme, résiliable au plus tôt le 30 avril 2026, avec le fermier A.________ portant sur l'affermage de parcelles totalisant environ douze hectares. En vertu dudit contrat, le fermage annuel était fixé à 5'000 fr., montant payable en deux acomptes de 2'500 fr., les 30 avril et 31 octobre de chaque année.
Le même jour, les parties ont signé un document, intitulé " Annexe à la convention de bail ", prévoyant notamment qu'en échange de la " location " A.________ s'occuperait du bétail de B.________et lui fournirait le fourrage de base sauf la paille, et qu'une indemnité supplémentaire de 600 fr. par hectare serait payée par le fermier au fur et à mesure de la diminution du cheptel.
A.b. Après la signature des deux documents précités, A.________ s'est occupé du bétail de B.________et a exploité les parcelles visées par le bail à ferme.
A.c. A.________, qui désirait obtenir des paiements directs pour les parcelles affermées, s'est adressé au Service de l'agriculture neuchâtelois (ci-après: le SAgr) et lui a transmis le bail conclu avec B.________. L'affermage par parcelles nécessitant une autorisation étatique, le SAgr a demandé à B.________ de régulariser la situation. Cette dernière a expliqué qu'elle avait signé le bail sous la contrainte, qu'elle considérait celui-ci comme non valide et qu'elle envisageait d'affermer ses terres à son filleul.
Par lettre du 5 décembre 2017, A.________ a indiqué à B.________ que le bail était parfaitement valable et qu'elle devait solliciter une autorisation d'affermage auprès du SAgr. Il l'invitait par ailleurs à lui communiquer ses coordonnées bancaires afin qu'il puisse lui verser la somme de 2'500 fr. correspondant au montant du fermage.
A.d. En décembre 2017, A.________ a cessé de s'occuper du bétail de B.________.
A.e. Le 9 janvier 2018, B.________ a reçu l'autorisation d'affermer ses terres par parcelles selon le bail convenu avec A.________.
A.f. Le 26 janvier 2018, B.________ a demandé au fermier de s'acquitter d'un acompte de fermage de 2'500 fr. et l'a mis en demeure de s'occuper sans délai de son bétail, faute de quoi elle procéderait à la résiliation anticipée du contrat de bail à ferme.
Le 8 février 2018, le fermier lui a répondu qu'il considérait que prendre soin du bétail était une modalité d'exécution alternative au paiement du fermage en espèces et qu'il s'acquitterait désormais du fermage par un versement en argent.
A.g. Le 26 avril 2018, B.________ a résilié le bail à ferme " pour justes motifs " pour le 31 octobre 2018. Le fermier s'est opposé au congé le 30 avril 2018.
 
B.
 
Après une tentative de conciliation infructueuse, A.________, en date du 5 septembre 2018, a assigné B.________ devant le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz aux fins de faire constater que le paiement du fermage pouvait intervenir en espèces et qu'il était dans l'impossibilité de s'occuper du bétail de la défenderesse par la faute de cette dernière. Il a également conclu à l'annulation du congé litigieux et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et a pris des conclusions reconventionnelles tendant au paiement de la somme de 12'100 fr.
Statuant par jugement du 8 décembre 2021, le Tribunal civil a rejeté la demande tendant à l'annulation du congé et à l'octroi d'une prolongation du bail à ferme agricole. Il a en outre condamné le fermier à payer à B.________ le montant de 11'089 fr. 65 à titre de fermage entièrement converti en espèces.
Par arrêt du 31 mars 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a partiellement admis l'appel formé par le fermier à l'encontre de cette décision. Elle a réformé le jugement attaqué en ce sens que le fermier est tenu de payer à son adverse partie la somme de 417 fr. Elle a procédé à une nouvelle répartition des frais et dépens pour la procédure de première instance. Pour le reste, elle a confirmé la décision entreprise.
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a retenu, en substance, que le bail à ferme et son annexe formaient un tout indissociable. Elle a estimé qu'il était essentiel pour la propriétaire que quelqu'un s'occupe de son bétail, tout comme il était primordial pour le fermier qu'il puisse exploiter les terres de B.________et obtenir ainsi des paiements directs. A son avis, la réelle et commune intention des parties était que le fermier s'acquitte du fermage en s'occupant des bêtes de B.________. Le fermier ne pouvait dès lors pas régler le fermage en espèces. En manifestant clairement son intention de ne plus s'occuper du bétail, alors qu'il devait savoir qu'une telle obligation était subjectivement et objectivement essentielle pour B.________, il avait gravement enfreint ses engagements contractuels. Le fermier n'avait, par ailleurs, pas critiqué la motivation de l'autorité de première instance selon laquelle le différend entre les parties était désormais si profond que l'intérêt de celles-ci à la poursuite des rapports contractuels apparaissait inexistant. Dans ces conditions, la cour cantonale a jugé que B.________ pouvait valablement résilier le bail à ferme en vertu de l'art. 17 de la Loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole (LBFA; RS 221.213.2). Elle a en outre estimé que l'intéressé, qui avait gravement négligé ses devoirs contractuels, ne pouvait pas bénéficier d'une prolongation de son bail à ferme, dès lors que toute son argumentation reposait sur une interprétation erronée des accord passés avec B.________ et qu'il n'avait pas discuté l'appréciation de l'autorité de première instance selon laquelle une telle prolongation se révélerait intolérable pour la prénommée. Examinant enfin les conséquences économiques de la fin du bail au 31 octobre 2018, l'autorité précédente a jugé que le fermier, qui n'avait pas exécuté sa prestation en nature entre décembre 2017 et fin octobre 2018, devait verser à sa partenaire contractuelle un montant en espèces correspondant à ladite prestation inexécutée. Après déduction des montants déjà payés par le fermier, ce dernier restait ainsi tenu de verser la somme de 417 fr. à B.________.
 
C.
 
Le 19 mai 2022, le fermier (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, à l'encontre de cet arrêt. Il conclut, en substance, à la réforme de la décision querellée en ce sens que le congé qui lui a été notifié le 26 avril 2018 est annulé. Subsidiairement, il sollicite l'octroi d'une prolongation du bail à ferme. Plus subsidiairement encore, l'intéressé conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 24 mai 2022.
B.________ (ci-après: l'intimée) et la cour cantonale n'ont pas été invitées à répondre au recours.
 
 
Erwägung 1
 
Compte tenu des prestations convenues en l'espèce, il n'est pas douteux que le contrat conclu entre les parties doit être qualifié de bail à ferme agricole (art. 276a CO). Les parties ne le contestent d'ailleurs pas. La règle de l'art. 74 al. 1 let. a LTF visant le contrat de bail à loyer (art. 253 CO), elle ne s'applique pas dans le cas d'un bail à ferme (ATF 136 III 196 consid. 1.1).
Lorsqu'une résiliation de bail est contestée, la valeur litigieuse pour la recevabilité du recours au Tribunal fédéral (art. 51 al. 1 let. a LTF) se détermine en fonction de la date à laquelle prendrait fin le bail en cas d'inefficacité, de nullité ou d'annulation du congé (ATF 144 III 346 consid. 1.2.2.3; arrêt 4A_501/2011 du 15 novembre 2011 consid. 1.1). En cas de bail de durée déterminée, la valeur litigieuse équivaut au loyer pendant la durée convenue (ATF 136 III 196 consid. 1.1). En l'espèce, la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. prévu à l'art. 74 al. 1 let. b LTF.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par une partie ayant qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise par le tribunal supérieur du canton de Neuchâtel (art. 75 LTF), le recours en matière civile est recevable. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des griefs invoqués par le recourant.
 
Erwägung 2
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1).
2.2. A teneur de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le recours adressé au Tribunal fédéral doit comprendre des conclusions et il doit être motivé (al. 1); les motifs doivent exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (al. 2). La partie recourante doit discuter les motifs de cette décision et indiquer précisément en quoi elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Il doit exister un lien entre la motivation du recours et la décision attaquée. Le recourant doit se déterminer par rapport aux considérants de l'arrêt entrepris; il ne peut se contenter de reprendre presque mot pour mot l'argumentation formée devant l'autorité cantonale (ATF 134 II 244 consid. 2.1; arrêts 5A_380/2015 du 1er juillet 2015 consid. 2; 5A_756/2014 du 23 juin 2015 consid. 1.2). Par ailleurs, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par le recourant (principe d'allégation, art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 3.3), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 135 III 232 consid. 1.2).
 
Erwägung 3
 
Se plaignant en premier lieu d'une violation de l'art. 17 LBFA, le recourant fait valoir que la résiliation doit être annulée vu l'absence de circonstances graves justifiant une telle mesure. Sa critique, qui tient en quelques lignes, ne répond manifestement pas aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF. L'intéressé se contente, en effet, d'alléguer certains faits qui s'écartent de ceux constatés par la cour cantonale sans nullement démontrer que ceux-ci auraient été établis de manière arbitraire. Pour le reste, il se borne à opposer sa propre appréciation à celle de l'autorité précédente, sans nullement critiquer, en se conformant aux exigences de motivation, les considérations juridiques émises par les juges cantonaux. Le moyen examiné est dès lors irrecevable.
 
Erwägung 4
 
En second lieu, le recourant, invoquant les art. 27 LBFA et 2 al. 2 CC, se plaint de ce que la cour cantonale a refusé de lui octroyer une prolongation de son bail à ferme. A cet égard, il fait grief à l'autorité précédente d'avoir retenu qu'il avait gravement négligé ses devoirs conventionnels au sens de l'art. 27 al. 2 let. LBFA et de n'avoir pas pris en considération l'importance que revêt pour lui la chose affermée. Il estime que les relations difficiles entretenues par les parties - qui relèvent de la simple inimitié et dont l'intimée serait la seule responsable - ne pouvaient pas faire obstacle à l'octroi d'une prolongation des rapports contractuels. A son avis, l'intimée aurait en outre utilisé une institution juridique de manière contraire à son but.
4.1. Aux termes de l'art. 27 LBFA, lorsque la continuation du bail peut raisonnablement être imposée au défendeur, le juge prolonge le bail (al. 1). Le juge prolonge le bail de trois à six ans. Il apprécie les situations personnelles et tient compte notamment de la nature de la chose affermée et d'une éventuelle réduction de la durée du bail (al. 4).
Le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec retenue une décision de dernière instance cantonale prise dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Il intervient lorsque le prononcé s'écarte sans raison des règles établies en la matière par la doctrine et la jurisprudence, ou lorsqu'il repose sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'il méconnaît des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions d'appréciation qui aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 143 III 261 consid. 4.2.5; 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; arrêt 4A_644/2018 du 18 juillet 2019 consid. 3.1).
4.2. Force est de relever que le recourant, par son argumentation de type purement appellatoire, se contente une nouvelle fois de substituer son appréciation à celle de la cour cantonale, à grand renfort d'affirmations péremptoires, en s'appuyant de surcroît sur des faits qui ne ressortent pas de la décision attaquée, sans toutefois établir que ceux-ci auraient été établis arbitrairement. Il tente par ailleurs, vainement, de minimiser la circonstance selon laquelle il a gravement enfreint ses devoirs contractuels en décidant de ne plus s'occuper du bétail de l'intimée. L'argumentation présentée par le recourant ne permet ainsi pas de démontrer en quoi la cour cantonale aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de lui octroyer une prolongation de son bail à ferme. Il peut être renvoyé au surplus à l'arrêt attaqué vu le caractère manifestement infondé du présent recours (art. 109 al. 3 LTF).
 
Erwägung 5
 
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement dénué de toutes chances de succès, doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité, selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'aura en revanche pas à verser d'indemnité pour les dépens, l'intimée n'ayant pas été invitée à déposer une réponse.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
 
Lausanne, le 6 juillet 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Hohl
 
Le Greffier : O. Carruzzo