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BGE 134 I 140 - Gewaltschutzmassnahmen
BGE 130 I 279 - Basler Ladenschlussverordnung
BGE 130 I 258 - Submission GAV
BGE 130 I 26 - Ärztestopp
BGE 129 I 173 - Urnenbeisetzung Meilen


Zitiert selbst:


Regeste
Sachverhalt
Auszug aus den Erwägungen:
Erwägung 2
2.- Les recourants estiment que l'obligation de conclure une CCT  ...
Erwägung 3
3.- Outre la législation fédérale, le point  ...
Erwägung 4
4.- L'art. 56 Cst. garantit la liberté d'association. Dans ...
Erwägung 5
5.- Les recourants reprochent ensuite à la Cour constituti ...
Bearbeitung, zuletzt am 02.08.2022, durch: Sabiha Akagündüz, A. Tschentscher
15. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 29 avril 1998 dans la cause Parti socialiste jurassien et consorts contre Cour constitutionnelle de la République et canton du Jura (recours de droit public)
 
 
Regeste
 
Art. 85 lit. a OG; Bundesgesetz über die Allgemeinverbindlicherklärung von Gesamtarbeitsverträgen (AVEG), Bundesgesetz über den Binnenmarkt (BGBM); Vereinsfreiheit; Teilungültigerklärung einer generell formulierten Volksinitiative.
 
Der Vorschlag, staatliche Hilfe für Unternehmen an die Voraussetzung des Abschlusses eines Gesamtarbeitsvertrages zu knüpfen, verstösst gegen Bundesrecht. Er ist unverhältnismässig und verletzt namentlich das AVEG, das BGBM und die Vereinsfreiheit (E. 2-4).
 
Selbst als blosser Wunsch verstanden, ist der Vorschlag keiner bundesrechtskonformen Auslegung oder Konkretisierung zugänglich (E. 5).
 
 
BGE 124 I 107 (108)Sachverhalt
 
Le 21 avril 1995, le Parti socialiste jurassien (ci-après: PSJ) a déposé une initiative intitulée "Pour une politique dynamique et efficace de plein emploi", consistant en un programme en sept points, dont le troisième est ainsi formulé:
    "L'aide publique aux entreprises est subordonnée à la conclusion par celles-ci d'une convention collective de travail, ainsi qu'au respect du principe de l'égalité entre hommes et femmes s'agissant des conditions d'emploi, notamment de rémunération".
Le 10 mai 1995, le Gouvernement du canton du Jura a constaté la validité formelle de l'initiative. Dans son message au Parlement du 12 mars 1997, il proposait d'en constater la validité matérielle, à l'exclusion toutefois des termes relatifs à la conclusion d'une CCT, jugés contraires au droit fédéral, et dont il préconisait la suppression.
Dans sa séance du 23 avril 1997, le Parlement jurassien a invalidé partiellement l'initiative, dans le sens préconisé par le Gouvernement.
Par arrêt du 12 novembre 1997, la Cour constitutionnelle du canton du Jura a rejeté un recours déposé par le PSJ et par huit citoyens du canton: si le comité pouvait retirer son initiative, l'art. 89 al. 2 de la loi cantonale sur les droits politiques (LDP/JU) ne lui permettait pas pour autant d'en modifier le texte, même rédigé en termes généraux, pour le rendre compatible avec le droit fédéral. Il n'y avait donc pas à entrer en matière sur la proposition de modification du point 3 de l'initiative présentée par le comité d'initiative. Sur la question centrale de la conformité avec le droit fédéral, le texte du chiffre 3 de l'initiative était clair: l'aide publique aux entreprises devait être subordonnée à la conclusion formelle d'une CCT, et non au simple respect ou à la seule application par les entreprises des conditions prévues par ces CCT. Cette obligation portait atteinte, d'une part, à la liberté contractuelle et à la liberté de coalition garanties par le droit fédéral et, d'autre part, pourrait se révéler contraire à la loi fédérale du 28 septembre 1956, permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (LECCT, RS 221.215.311). Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des droits politiques (art. 85 let. a OJ), le PSJ, ainsi que son président et sa secrétaire, demandent au Tribunal fédéral d'annuler ce dernier arrêt, ainsi que l'arrêté du Parlement jurassien du 23 avril 1997, dans la mesure oi il invalide partiellement l'initiative cantonale.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure oi il était recevable.BGE 124 I 107 (108)
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 2
 
Selon l'art. 64 Cst., il appartient à la Confédération de légiférer dans le domaine du droit civil. Les cantons ne peuvent édicter de dispositions de droit civil que dans la mesure oi le droit fédéral leur réserve cette possibilité. En revanche, selon l'art. 6 CC, le droit privé fédéral laisse subsister les compétences des cantons en matière de droit public. Les cantons peuvent donc, dans l'intérêt public, édicter des prescriptions complétant les règles de droit civil. Selon la jurisprudence, l'adoption de telles normes est admissible à la triple condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer la matière de manière exhaustive, que les règles cantonales soient justifiées par un intérêt public pertinent, et enfin qu'elles n'éludent ni ne contredisent le sens ou l'esprit du droit civil fédéral (ATF 120 Ia 299 consid. 2c/aa p. 303).
La LECCT permet d'étendre le champ d'application de la CCT à toute la branche économique ou à la profession visée. Une telle extension n'est prononcée, à la requête de toutes les parties contractantes (art. 1 al. 1) que si, en son absence, les employeurs et travailleurs liés par la convention risquent de subir de graves inconvénients, et si elle n'est pas contraire à l'intérêt général et ne lèse pas d'autres intérêts légitimes (art. 2 ch. 1 et 2). La CCT ne doit violer ni l'égalité devant la loi, ni les dispositions impératives du droit fédéral ou cantonal, ni la liberté d'association, en particulier le droit de s'affilier ou de ne pas le faire (ch. 4 et 5). Le droit d'adhésion et d'affiliation doit être garanti (ch. 6 et 7). Un organe de contrùle indépendant peut être désigné (art. 6).
Lorsqu'il s'agit de clauses relatives à des caisses de compensation ou à d'autres institutions prévues à l'art. 323ter al. 1 let. b CO, la loi en exige une organisation satisfaisante et une gestion correcte (art. 3).
d) Dans un premier arrêt rendu en 1976 (ATF 102 Ia 533), le Tribunal fédéral a considéré que l'attribution de travaux publics aux seuls bureaux d'architectes tessinois assurant le respect de la CCT conclue dans ce domaine ne violait pas le droit fédéral. L'acte attaqué ne régissait pas les rapports de travail en tant que tels, ni ne tendait à influer sur le contenu même du contrat collectif. Une influence indirecte de ce type ne violerait le droit fédéral que dans la mesure oi elle compromettrait la réalisation des buts de ce dernier. Au contraire, la réglementation cantonale en cause tendait à privilégier les entreprises assurant des conditions de travail satisfaisantes: en favorisant le respect du contrat collectif de travail, elle ne violait ni le sens ni l'esprit de la législation fédérale (consid. 7 p. 539 et la doctrine citée p. 541). Le législateur fédéral avait, par la LECCT, créé un instrument permettant, à certaines conditions, l'application desBGE 124 I 107 (110) BGE 124 I 107 (111)CCT sur l'ensemble du territoire suisse. Les cantons n'en perdaient pas pour autant le droit d'user de leur poids économique pour promouvoir sur leur sol l'adoption ou le respect des CCT. La Confédération elle-même recourait à ce procédé (art. 5 al. 9 de l'ordonnance du 31 mars 1971 sur les soumissions; actuellement, art. 8 let. b de la loi fédérale sur les marchés publics, RS 172.056.1 et, plus précisément, art. 7 de l'ordonnance sur les marchés publics - RS 172.056.11 - qui inclut dans les conditions de travail celles qui figurent dans les CCT et les contrats-type, ou les conditions de travail habituelles dans la région ou la profession; consid. 7 in fine).
Dans un second arrêt de 1983 (ATF 109 Ib 238), le Tribunal fédéral, confirmant la pratique du Conseil fédéral - alors compétent dans ce domaine, JAAC 35, 1970/71 no 10 p. 43 -, a en revanche annulé une autorisation de travail accordée dans le canton de Genève à un étranger, dans la mesure oi cette décision contraignait l'employeur à s'engager à se conformer à la CCT organisant sa branche d'activité. L'ordonnance du Conseil fédéral limitant le nombre des étrangers qui exercent une activité lucrative (OLE, RS 823.21) n'autorisait pas la formulation d'une telle condition, qui étendait en pratique le champ d'application de la CCT sans respecter la procédure prévue par la LECCT: les dissidents se trouvaient ainsi frustrés des droits que cette loi leur accorde impérativement.
Toutefois, comme cela est relevé ci-dessus, la LECCT exige, avant d'imposer l'application d'une CCT aux employeurs et travailleursBGE 124 I 107 (111) BGE 124 I 107 (112)non liés, l'examen par l'autorité du respect des conditions générales et spéciales fixées aux art. 2 et 3 LECCT (art. 12 al. 1 LECCT). Tel est le cas non seulement lors d'une extension nationale (art. 7 al. 1 LECCT), mais aussi lors d'une extension cantonale prononcée par le Conseil d'Etat (art. 7 al. 2 LECCT).
La loi exige par ailleurs, dans les deux cas, la mise en oeuvre d'une procédure d'opposition. Elle permet aussi la désignation d'un organe de contrùle. Dans la ligne de la jurisprudence rappelée ci-dessus (en particulier, ATF 109 Ib 238), il y a lieu de considérer que le point 3 de l'initiative jurassienne constitue en réalité une tentative d'extension déguisée des CCT existantes. Une telle extension ne respecterait pas la procédure de conclusion et d'extension prévue par le droit fédéral et, en particulier, n'offrirait pas aux minoritaires et aux dissidents les garanties précitées (cf. également la recommandation de la Commission de la concurrence du 3 novembre 1997 publiée in: Droit et politique de la concurrence 1997/4 p. 591, consid. 3b). On peut à cet égard se demander si une obligation d'adhérer à une CCT, fixée de cas en cas par l'Etat, n'est pas tout simplement "impossible" au sens de l'art. 75 al. 3 Cst./JU, car l'octroi d'une aide ponctuelle de l'Etat à une entreprise déterminée pourrait se révéler incompatible avec la durée de la procédure d'adhésion ou de conclusion d'une CCT, dont l'initiative et la mise en oeuvre dépendent nécessairement d'une discussion générale entre les partenaires sociaux. Dans le cas oi le type d'entreprise concerné ne serait pas soumis à une CCT, le respect à la lettre de l'exigence posée par l'initiative ferait dépendre toute aide cantonale de la conclusion d'une CCT non seulement par l'entreprise elle-même, mais, selon le cas, par toute la branche économique dont elle relève.
Telle qu'elle est rédigée, la proposition litigieuse revêt donc un caractère d'automaticité contraire au droit fédéral précité.
 
Erwägung 3
 
c) ConWue comme un droit fondamental classique, la liberté du commerce et de l'industrie ne confère en principe aucun droit à une prestation de la part de l'Etat (ATF 109 Ia 124). La jurisprudence reconnaót certes, dans le champ d'application de l'art. 31 Cst., un "droit conditionnel" à l'autorisation de l'usage accru du domaine public (ATF 121 I 279 consid. 2 p. 282 et la jurisprudence citée, notamment ATF 101 Ia 473 consid. 5 p. 479 ss). On ne saurait pour autant déduire de la liberté du commerce et de l'industrie un droit pour l'individu d'exiger que l'Etat favorise la création ou le soutien d'entreprises. On peut dès lors se demander si l'Etat viole directementBGE 124 I 107 (113) BGE 124 I 107 (114)la liberté du commerce et de l'industrie en imposant une obligation de conclure une convention collective, comme condition à l'octroi d'une prestation pour laquelle il n'existe pas de droit (ATF 102 Ia 533 consid. 10b p. 542). Par ailleurs, l'initiative soumise au Parlement jurassien, et particulièrement son point 3, poursuit un but de politique sociale évident, soit la protection accrue des travailleurs; elle n'a guère pour objectif - sinon pour effet - d'interférer dans la libre concurrence (même arrêt, consid. 10e/f p. 543-544). Il s'agit donc d'une prescription de politique sociale, en soi admissible à condition de respecter les principes de l'intérêt public et de la proportionnalité. Ces deux dernières conditions sont examinées ci-dessous en relation avec la liberté d'association.
 
Erwägung 4
 
Dans le domaine spécifique de l'application des conventions collectives, le constituant et le législateur ont exprimé le souci de respecter autant que possible la liberté d'association. L'art. 34ter al. 2 Cst. fait du respect de cette liberté l'une des conditions à l'extension des CCT. L'art. 356a CO limite pour sa part la liberté contractuelle des parties en déclarant nulles les clauses des conventions qui tendent à contraindre les employeurs ou travailleurs à s'affilier à une association contractante. L'art. 2 ch. 5 LECCT prévoit lui aussi que l'extension ne peut être prononcée que si la CCT ne porte pas atteinte à la liberté d'association, ni en particulier au droit de s'affilier à une association ou de ne pas le faire. C'est en effet un principe essentiel du droit collectif du travail que les organisations professionnelles neBGE 124 I 107 (114) BGE 124 I 107 (115)peuvent prendre des dispositions ayant pour effet, juridiquement ou économiquement, de contraindre les employeurs ou les salariés à devenir membre de l'une d'entre elles ou d'empêcher leur affiliation à une organisation tierce, voire de provoquer leur démission d'une telle organisation.
En l'espèce, le point 3 de l'initiative constitue un moyen de contrainte indirecte destinée à favoriser une application aussi large que possible des CCT. Un tel objectif correspond, comme on l'a vu, à un intérêt public incontestable. Il reste toutefois à examiner si la mesure envisagée respecte le principe de la proportionnalité.
bb) Il n'est pas contestable que la condition posée au point 3 de l'initiative est propre à atteindre le but recherché: la conclusion et l'adhésion aux CCT, à une large échelle, paraissent propres à assurer une meilleure protection des travailleurs, mesure en soi adéquate dans le cadre d'un programme de plein emploi.BGE 124 I 107 (115)
BGE 124 I 107 (116)cc) L'obligation faite aux entreprises de "conclure" une CCT constitue toutefois une atteinte importante à la liberté de coalition et à la liberté contractuelle. Les recourants contestent l'importance d'une telle atteinte, en soutenant qu'il n'existe aucune obligation à la charge des entreprises: ces dernières seraient libres de renoncer à toute aide de l'Etat si elles n'entendent pas se plier aux conditions posées. Ce point de vue ne peut être partagé. Comme le relève la cour cantonale, les contraintes économiques peuvent être telles, notamment pour des entreprises en difficultés, que ces dernières pourraient se trouver forcées de renoncer à leur liberté contractuelle ou de coalition pour obtenir une aide nécessaire à la continuation de leurs activités. Les recourants ne sauraient non plus prétendre, comme ils le font implicitement, que l'absence de droit à une aide de l'Etat dispenserait d'examiner le respect du principe de la proportionnalité. Au contraire, ce principe trouve particulièrement à s'appliquer dans le domaine de l'administration de prestation, en particulier dans la définition des charges et conditions auxquelles les prestations étatiques sont liées (MOOR, Droit administratif, Berne 1988, vol. 1 p. 355). Lorsqu'il recourt à un moyen de pression indirect sur les employeurs, l'Etat est par conséquent tenu au respect de la proportionnalité.
Comme cela est relevé ci-dessus (consid. 2e), l'obligation, pour l'entreprise désireuse d'une aide de l'Etat, de "conclure" préalablement une CCT, soulève des problèmes pratiques importants liés à la procédure de conclusion et d'adhésion. L'exigence posée se heurterait non seulement à la liberté négative d'association des entreprises concernées (droit de ne pas adhérer à une CCT en dehors d'une procédure formelle d'extension), mais également à celle des autres parties à la CCT, dont le consentement est nécessaire (cf. art. 356 al. 4 et 356b al. 1 CO).
Sur le vu de ces difficultés juridiques et pratiques, il apparaót que d'autres mesures eussent été propres à parvenir à un résultat similaire, tout en ménageant la liberté d'association et la liberté contractuelle des entreprises intéressées. Le texte de l'initiative pouvait ainsi se contenter d'exiger le respect des conditions de travail telles qu'elles sont prévues dans les CCT existantes, sans exiger d'adhésion formelle. La tentative de contraindre l'entreprise, par le biais d'une pression économique, à adhérer à une association patronale, ou de se soumettre formellement à une CCT, constituerait donc une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, aux droits de la personnalité tels qu'ils sont concrétisés à l'art. 28 CC, ainsi qu'à laBGE 124 I 107 (116) BGE 124 I 107 (117)liberté contractuelle (cf. ATF 102 Ia 533 consid. 9 publié in RDAT 1978 p. 99 et les références aux ATF 74 II 158 et 75 II 315). L'obligation d'adhérer à un syndicat porterait en outre atteinte à l'art. 11 CEDH (arrêt Gustafsson précité, par. 52).
 
Erwägung 5
 
aa) Les autorités jurassiennes se sont en l'espèce fondées non seulement sur l'art. 75 al. 3 Cst./JU, mais aussi sur l'art. 89 LDP/JU qui, sous la note marginale intitulée "Validation de l'initiative", confère au Gouvernement cantonal la compétence de vérifier si l'initiative est valable en la forme (al. 1) et au Parlement cantonal celle de constater "si l'initiative est valable au fond" (al. 2).BGE 124 I 107 (117)
BGE 124 I 107 (118)bb) Si tous les cantons connaissent l'institution de l'initiative conWue en termes généraux (ETIENNE GRISEL, Initiative et référendum populaires, 2e éd., 1997, p. 219, no 557), la plupart connaót cet instrument à cùté de l'initiative rédigée de toutes pièces. Seuls deux cantons, soit Schwyz (art. 102-105 Cst./SZ, RS 131.215) et le canton du Jura (art. 75 al. 1 Cst./JU) ne connaissent que l'initiative dite générale ou de type unique (GRISEL, op.cit., p. 224, no 573, n. 122; sur les caractéristiques de l'initiative générale ou de type unique, voir ALDO LOMBARDI, Die Einheitsinitiative: eine Frucht der Totalrevision der Bundesverfassung in: Formen der Volksinitiative im Bund: Heute und Morgen, Bâle et Francfort 1990 p. 7-53): l'art. 75 al. 1 Cst./JU permet à 2000 électeurs ou à 8 communes de "demander en termes généraux l'adoption, la modification ou l'abrogation de dispositions constitutionnelles ou de lois".
La caractéristique essentielle de l'initiative populaire générale (qui fait également partie des propositions de réforme des droits populaires au niveau fédéral; voir le Message relatif à une nouvelle Constitution fédérale du 20 novembre 1996, FF 1997 I 1 ss, ch. 221.3, p. 450 ss, le commentaire du projet d'art. 129a, p. 464-468, valant mutatis mutandis pour l'art. 75 al. 1 Cst./JU, rédigé en des termes pratiquement identiques), est d'être un instrument très souple présentant plusieurs avantages: d'une part, il contribue à préserver la cohérence de l'ordre juridique, en laissant au Parlement le soin de décider s'il convient d'agir au niveau constitutionnel ou au niveau législatif, ou encore aux deux niveaux; mais surtout, il consiste en une demande d'ordre général et non pas en un texte contraignant rédigé, de sorte que le Parlement dispose d'une marge de manoeuvre étendue pour concrétiser l'initiative, ce qui lui permet par exemple, dans le respect des règles d'interprétation reconnues, "de réaliser dans un sens conforme à la Constitution une initiative populaire générale qui serait contraire à la Constitution" (FF 1997 I p. 464).
Le Parlement doit toutefois respecter certaines limites dans la mise en oeuvre d'une initiative générale. Il est en particulier lié par le sens du mandat qui lui est confié: il doit en respecter le but, le contenu et les moyens proposés, et il ne saurait s'en écarter que sur des détails ou des points d'une importance secondaire (ATF 121 I 357 consid. 4b p. 361 et la jurisprudence citée).
b) Pour être validée, une initiative populaire - rédigée ou formulée en termes généraux - doit, à cùté des prescriptions de forme, satisfaire à des conditions de fond, et en particulier ne rien contenir qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, fédéral ou international.BGE 124 I 107 (118) BGE 124 I 107 (119)L'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Elle doit recourir pour cela aux méthodes d'interprétation reconnues. Lorsque le texte de l'initiative se prête à une interprétation la faisant apparaótre comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme doit donc permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Lorsque seule une partie de l'initiative apparaót inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants (ATF 121 I 334 consid. 2a p. 338 et la jurisprudence citée).
aa) La marge d'appréciation de l'autorité de contrùle est à cet égard plus grande pour une initiative générale, dont les caractéristiques ont été rappelées ci-dessus, que pour une initiative formulée. En effet, en présence d'une initiative formulée à la manière d'un acte normatif - et appelée à devenir elle-même texte légal en cas d'acceptation -, il y a lieu d'appliquer les principes qui ont été dégagés en matière de contrùle des normes, en se basant sur le texte même de l'initiative, sans égard à la volonté subjective des initiants (ATF 111 Ia 292 consid. 2 p. 295). En revanche, confrontée à un simple voeu articulé par des citoyens, l'autorité ne peut méconnaótre qu'il appartiendra encore au législateur de concrétiser l'initiative en adoptant les normes - constitutionnelles ou législatives - nécessaires à sa réalisation, et en disposant pour ce faire d'une certaine liberté. On peut présumer à cet égard - sous réserve d'ailleurs d'un contrùle judiciaire ultérieur - que le parlement cantonal agira dans le respect du droit supérieur et que, tout en tenant compte de la volonté des initiants, il pourra corriger les imperfections éventuelles de l'initiative lors de sa concrétisation (ATF 112 Ia 240 consid. 5b p. 245, arrêt du 3 octobre 1990 publié in ZBl 92 1991 266 consid. 5a p. 269).
bb) On ne saurait toutefois en inférer que le contenu d'une initiative non formulée ne saurait jamais, comme semblent le soutenir les recourants, aller à l'encontre du droit supérieur. Lorsque, de par son but même ou les moyens mis en oeuvre, le projet contenu dans l'initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l'adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l'initiative et du peuple appelé à s'exprimer (arrêt précité publié in ZBl 92 1991 266 consid. 5a p. 269-270); la volonté de ce dernier ne doit pasBGE 124 I 107 (119) BGE 124 I 107 (120)être faussée par la présentation d'un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 105 Ia 362 consid. 4 p. 366).
C'est dès lors avec raison que le Parlement jurassien et, à sa suite, la Cour constitutionnelle cantonale, ont retenu que les termes litigieux du point 3 de l'initiative violaient d'une part le droit fédéral, et, d'autre part, n'étaient pas susceptibles d'une interprétation ou d'une concrétisation conforme au droit supérieur. La déclaration d'invalidation partielle ne viole donc pas les droits politiques des recourants.BGE 124 I 107 (120)