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BGer 6B_1391/2021 vom 25.04.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
6B_1391/2021
 
 
Arrêt du 25 avril 2022
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux
 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Muschietti et Koch.
 
Greffière : Mme Musy.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève,
 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
 
intimé.
 
Objet
 
Opposition tardive à une ordonnance pénale,
 
fiction de notification,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre
 
pénale de recours, du 26 octobre 2021
 
(P/5693/2021 ACPR/723/2021).
 
 
Faits :
 
A.
Par ordonnance pénale du 20 avril 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève a déclaré A.________ coupable de mise à disposition d'un véhicule non couvert par l'assurance-responsabilité civile (art. 96 al. 3 LCR cum 96 al. 2 LCR) et de mise à disposition d'un véhicule sous défaut de permis de circulation ou de plaques de contrôle (art. 96 al. 3 LCR cum 96 al. 1 let. a LCR).
 
B.
 
Par ordonnance du 17 septembre 2021, le Tribunal de police genevois a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A.________ à l'ordonnance pénale du 20 avril 2021 pour cause de tardiveté.
 
C.
 
Par arrêt du 26 octobre 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 17 septembre 2021.
En bref, il en ressort les éléments suivants.
A.________ a été entendu par la police le 24 janvier 2021, en qualité de prévenu, ce qui lui avait été précisé à teneur du procès-verbal. Il a signé le formulaire de " droits et obligations du prévenu ", dans lequel il était expressément mentionné qu'il revêtait cette qualité.
Le 10 mai 2021, l'ordonnance pénale a été envoyée à A.________ par pli recommandé. Le lendemain, l'intéressé a été avisé par la poste pour retrait. Le pli a cependant été retourné par l'office postal au ministère public à l'échéance du délai de garde avec la mention " non réclamé ".
Après qu'une copie de ladite ordonnance lui a été transmise, A.________ a formé opposition par courrier expédié le 5 août 2021.
Dans son ordonnance du 17 septembre 2021, le tribunal de police a constaté que l'ordonnance pénale du 20 avril 2021 avait été valablement notifiée le 10 mai 2021, que le délai pour former opposition était ainsi arrivé à échéance le 20 mai 2021 et qu'expédiée le 5 août 2021, l'opposition avait été faite après l'expiration du délai légal.
 
D.
 
A.________ forme un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 26 octobre 2021. A titre principal, il conclut, avec suite de frais et dépens, à la recevabilité de son opposition à l'ordonnance pénale du 20 avril 2021 et au renvoi du dossier au Ministère public de la République et canton de Genève, subsidiairement au tribunal de police, afin que la procédure sur opposition soit reprise et poursuivie. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déclaré son opposition irrecevable, en violation de l'art. 85 al. 4 let. a en relation avec l'art. 309 CPP. Il invoque également une violation du principe de la bonne foi.
1.1. Selon l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise. La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399). Il est admis que la personne concernée doit s'attendre à la remise d'un prononcé lorsqu'elle est au courant qu'elle fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêts 6B_96/2021 du 6 septembre 2021 consid. 1.1.2; 6B_288/2020 du 16 octobre 2020 consid. 1.1.3; 6B_723/2020 du 2 septembre 2020 consid. 1.1.1; 6B_934/2018 du 9 novembre 2018 consid. 2.1; 6B_233/2017 du 12 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées). Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêts 6B_96/2021 précité consid. 1.1.2; 6B_288/2020 précité consid. 1.1.3; 6B_723/2020 précité consid. 1.1.1; 6B_934/2018 précité consid. 2.1; 6B_1032/2015 du 25 mai 2016 consid. 1.1).
De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. A ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1 p. 431 s.; 139 IV 228 consid. 1.1 p. 230 et les références citées).
Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53 et les références citées). Le principe de la bonne foi est également concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP et concerne, en procédure pénale, non seulement les autorités pénales mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu (ATF 144 IV 189 consid. 5.1 p. 192; 143 IV 117 consid. 3.2 p. 121).
1.2. La cour cantonale a considéré que l'ordonnance pénale avait été fictivement notifiée à l'échéance du délai de garde postal, au 18 mai 2021, de sorte que l'opposition formée le 5 août 2021, soit au-delà du délai de dix jours suivant la notification précitée (art. 354 al. 1 CPP), était tardive.
1.3. Le recourant soutient qu'il n'a pas été entendu sur mandat du ministère public mais que la police a été mise au courant des faits par les garde-frontières, à la suite de quoi, elle a procédé à son interrogatoire, puis a transmis le dossier au ministère public. Ce dernier a rendu une ordonnance pénale sans ouvrir d'instruction. Ainsi, étant donné qu'aucune instruction pénale n'était ouverte lorsqu'il a été interrogé par la police, le devoir procédural d'avoir à s'attendre à recevoir une notification n'était pas " né ".
De surcroît, le recourant allègue qu'il n'était nullement exposé, dans le document " Droits et obligations du (de la) prévenu (e) ", signé lors de son audition à la police, que le prévenu devait s'attendre à recevoir une décision de l'autorité et qu'il se devait parallèlement de prendre toutes les mesures pour retirer un pli relatif à celle-ci ou faire retirer celui-ci. Seule était évoquée la situation de domicile ou résidence habituelle à l'étranger. Ainsi, faute d'avoir prévu dans les obligations du prévenu le devoir précité, la cour cantonale ne pouvait pas, sous l'angle du principe de la bonne foi, appliquer la fiction de la notification.
1.4. C'est en vain que le recourant prétend qu'il ne pouvait pas s'attendre à recevoir une ordonnance pénale, dans la mesure où il est établi et incontesté qu'il a été entendu par la police en qualité de " prévenu " des infractions en cause le 24 janvier 2021. A cette occasion, il a signé le formulaire intitulé " droits et obligations du prévenu ", lequel mentionnait notamment qu'il revêtait la qualité de prévenu. Le même jour, le recourant a également indiqué son adresse à la police et a déclaré y élire domicile (formulaire " situation personnelle et financière ", daté du 24 janvier 2021). Au vu de l'ensemble de ces éléments, le recourant devait se rendre compte qu'il était partie à une procédure pénale et devait donc s'attendre à recevoir un prononcé dans ce cadre-là. Dans ce contexte, il est indifférent que le ministère public ait, ou non, ouvert une instruction, étant relevé que celui-ci peut rendre immédiatement une ordonnance pénale sans ouvrir d'instruction (cf. art. 309 al. 4 CPP). De même, peu importe que le formulaire " droits et obligations du prévenu " ne mentionne pas expressément que le recourant allait recevoir une décision d'une autorité puisqu'il lui incombait, en tant que partie à une procédure pénale, de s'attendre à recevoir dans ce cadre des communications de la part des autorités, y compris une ordonnance pénale. Se sachant partie à une procédure, il lui appartenait de relever son courrier, respectivement de prendre toutes les mesures pour que celui-ci lui parvienne. Faute d'avoir pris de telles mesures, le recourant a failli à son devoir procédural.
Sur la base de ces éléments, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 85 al. 4 let. a CPP ni le principe de la bonne foi en considérant que l'ordonnance pénale avait été notifiée à l'échéance du délai de garde postal.
 
Erwägung 2
 
Invoquant une violation de l'art. 6 CEDH et de l'art. 14 al. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2), le recourant se plaint d'une violation de son droit à un procès équitable.
2.1. En substance, on comprend de l'écriture du recourant que celui-ci ne fait que réitérer sa critique relative à l'application de l'art. 85 al. 4 let. a CPP instaurant une fiction de notification aux conditions exposées supra (consid. 1.1). En effet, il soutient que le ministère public ne saurait être considéré comme un tribunal impartial et indépendant, et en conclut que la cause n'aurait été entendue " de façon équitable " que si la " possibilité de faire opposition est assurée " de façon " effective et efficace ", ce qui n'avait pas été son cas. Or son argumentation ne satisfait pas aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. En tout état, il est relevé que, de jurisprudence constante, la validité d'une ordonnance pénale au regard des droits garantis par l'art. 6 CEDH est admise dans la mesure où, par une simple opposition qui n'a pas besoin d'être motivée (art. 354 al. 2 CPP), le prévenu condamné peut saisir un tribunal offrant les garanties de l'art. 6 CEDH (arrêt de la CourEDH Belilos c. Suisse du 29 avril 1988, par. 68; ATF 124 IV 234 consid. 3c p. 238 s.; arrêts 6B_723/2020 précité consid. 1.3.3; 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 2.2.2). Pour le reste, dès lors que le défaut de notification effective de l'ordonnance pénale est imputable au recourant, il n'y a pas lieu d'examiner son grief relatif à une violation de garantie d'accès au juge et du droit à un procès équitable (cf. arrêt 6B_233/2017 précité consid. 4).
2.2. En définitive, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a considéré que l'ordonnance pénale était réputée notifiée au recourant à l'échéance du délai de 7 jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, le 10 mai 2021, de sorte que l'opposition du 5 août 2021 était tardive, partant irrecevable.
 
Erwägung 3
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, devra supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 25 avril 2022
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
 
La Greffière : Musy