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BGer 1B_39/2022 vom 26.04.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
[img]
 
 
1B_39/2022
 
 
Arrêt du 26 avril 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Haag et Merz.
 
Greffière : Mme Nasel.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
recourant,
 
contre
 
Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales, Viale Stefano Franscini 7, 6500 Bellinzone.
 
Objet
 
Procédure pénale; séquestre,
 
recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 17 janvier 2022 (BB.2021.252).
 
 
Faits :
 
A.
Par jugement du 23 avril 2021, frappé d'appel, dont le dispositif a été communiqué aux parties le même jour, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (Cour des affaires pénales) a reconnu A.________ coupable de blanchiment d'argent aggravé, de faux dans les titres répétés et de banqueroute frauduleuse dans la cause SK.2019.12. Elle a maintenu la saisie de l'intégralité des valeurs patrimoniales déposées auprès de la banque B.________ AG à Zurich et de la banque C.________ à Küsnacht au nom de A.________ et la saisie des immeubles sis [...] à Küsnacht en vue de l'exécution de la créance compensatrice de 22'000'000 fr. prononcée à l'encontre de celui-ci en faveur de la Confédération et du paiement des frais de procédure.
Les 13, 23 et 28 août 2021, A.________ a requis de la Présidente de la Cour des affaires pénales la levée partielle du séquestre sur ses avoirs bancaires pour lui permettre de s'acquitter de ses primes d'assurance-maladie mensuelles auprès de D.________. Il a également sollicité l'autorisation de refinancer l'hypothèque sur son appartement à Küsnacht dans la mesure qui prévalait avant le séquestre.
Par actes des 2 et 3 septembre 2021, A.________ a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral pour déni de justice. Il reprochait à la Cour des affaires pénales et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (Cour des plaintes) de ne pas statuer sur ses demandes des 13, 23 et 28 août 2021. Dans un arrêt 1B_475/2021 du 5 octobre 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ et a transmis la cause à la Présidente de la Cour des affaires pénales pour qu'elle rende une décision motivée et sujette à recours sur les demandes du recourant précitées.
B.
Par décision du 30 novembre 2021, la Cour des affaires pénales " n'a pas donné suite " aux demandes de levée de séquestre de A.________.
Le 17 janvier 2022, la Cour des plaintes a rejeté le recours formé le 2 décembre 2021 par A.________ contre la décision précitée, rejeté sa demande d'assistance judiciaire et mis à sa charge les frais de procédure.
C.
Par acte du 25 janvier 2022, A.________ forme un recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral. Il conclut notamment à l'annulation de la décision entreprise et à ce que soit ordonné à la Cour des affaires pénales de lui indiquer quels documents et informations concernant sa situation financière sont nécessaires pour qu'une décision motivée soit rendue. Il réclame en outre à la Confédération une indemnité de 3'000 fr. pour la procédure devant le Tribunal fédéral. " Eventualiter ", il demande que soit ordonné à la Cour des affaires pénales de lever partiellement le séquestre sur ses avoirs bancaires pour lui permettre de s'acquitter de ses primes d'assurance-maladie et de procéder au refinancement de son appartement à Küsnacht. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
Invitée à se déterminer, l'autorité précédente a renoncé à formuler des observations au sujet du recours et persisté dans les termes de sa décision. Par courrier du 11 mars 2022, le recourant a produit un rapport médical du 9 mars 2022 du service de radiologie de la Clinique E.________ à Zurich.
 
1.
Conformément à l'art. 54 al. 1 LTF, le présent arrêt sera rendu en français, langue de la décision attaquée, même si le recours est libellé en allemand, comme l'autorise l'art. 42 al. 1 LTF.
2.
Le recourant n'a pas indiqué par quelle voie de recours il procède auprès du Tribunal fédéral. Toutefois, cette omission ne saurait lui nuire, dans la mesure où son recours remplit les exigences légales du recours en matière pénale (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1).
En effet, le recours en matière pénale est ouvert dès lors que la décision attaquée se rapporte au refus de la Cour des affaires pénales, confirmé par la Cour des plaintes, de donner suite à ses demandes de levée partielle de séquestre dans le cadre d'une procédure pénale (cf. art. 79 LTF), nonobstant son caractère incident (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3; 128 I 129 consid. 1; arrêt 1B_660/2020 du 25 mars 2021 consid. 1). Les autres conditions de recevabilité sont réunies si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
3.
Le rapport médical daté du 9 mars 2022 produit par le recourant à l'appui de son courrier du 11 mars 2022 est irrecevable car postérieur à la décision attaquée (cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 144 V 35 consid. 5.2.4; 143 V 19 consid. 1.2). Supposée recevable, cette pièce n'aurait de toute façon pas d'incidence sur l'issue du recours au vu de ce qui suit.
 
Erwägung 4
 
4.1. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuves, et être signés. En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1); la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 123 V 335; arrêt 1B_28 septembre 2021 consid. 3). De plus, le Tribunal fédéral est lié par les faits retenus par l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; sur cette notion v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1) dans la constatation des faits. Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et suffisamment motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).
4.2. En l'espèce, le recourant présente pêle-mêle toute une série de critiques parfois difficilement compréhensibles. En outre, il fonde une partie de son argumentation sur des faits et sur sa propre interprétation des événements qui ne ressortent pas de la décision attaquée, sans démontrer que cet acte serait manifestement inexact ou arbitraire, voire que les faits auraient été constatés de manière arbitraire. Dès lors, le Tribunal fédéral n'entrera en matière sur ses griefs que dans la mesure où ils ne sont pas complètement appellatoires.
Il faut encore rappeler que seule la décision de la Cour des plaintes fait l'objet du recours (cf. art. 42 al. 2, 1ère phrase et 80 al. 1 LTF). Les critiques du recourant à l'encontre de la décision de première instance sont ainsi irrecevables.
5.
Le recourant paraît douter de l'impartialité, respectivement de l'indépendance des autorités précédentes, sans toutefois en tirer des conclusions précises. Or, aucun élément objectif - les impressions subjectives d'une partie ne devant pas être prises en compte (cf. sur les conditions de la récusation: ATF 136 I 207 consid. 3.1) - ne permet d'accréditer la thèse d'une prévention à l'égard du recourant. Le seul fait que l'appréciation des preuves administrées ou qu'une décision rendue - même erronée - ne convienne pas au recourant ne suffit au demeurant nullement à fonder la partialité soupçonnée.
6.
Le recourant fait valoir une violation de son droit d'être entendu et du principe de la proportionnalité. Il se plaint également d'une mauvaise administration, respectivement d'une appréciation arbitraire des preuves. A l'appui de son grief, le recourant se réfère aux art. 6 ch. 1 CEDH, 9 et 29 al. 2 Cst., 80 al. 1 et 2 CPP et 169 aPPF (ancienne loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale; RS 312.0 et RO 50 709).
6.1. S'agissant tout d'abord de son grief selon lequel on ne lui aurait pas indiqué quels documents il devait produire pour attester de sa situation financière, il doit être rejeté. En effet, la lecture de la décision entreprise montre que la Présidente de la Cour des affaires pénales a invité le recourant à réitérées reprises avant le prononcé du jugement du 23 avril 2021, soit les 25 mai 2020, 28 septembre 2020, 19 octobre 2020, 9 décembre 2020, 4 janvier 2021 et 16 avril 2021, à lui fournir tous les éléments susceptibles de démontrer ses revenus et sa fortune et à démontrer qu'ils ne couvraient pas ses conditions d'existence et besoins élémentaires; après le jugement du 23 avril 2021, le recourant a à nouveau été invité à déposer ces documents par courrier du 18 octobre 2021, de même qu'une liste des points précis à clarifier quant à sa situation financière lui a été transmise par courrier du 23 décembre 2021. La décision entreprise constate enfin que le recourant n'a toujours pas renseigné la Cour des plaintes de manière circonstanciée. Il ne saurait dès lors être question d'une quelconque violation du droit fédéral ou constitutionnel à cet égard.
6.2. Quant à la critique du recourant à l'encontre de la motivation de la décision attaquée, elle est infondée. Force est de constater, à la lecture du recours, que le recourant a été en mesure de comprendre le raisonnement suivi par l'autorité précédente et de le critiquer en connaissance de cause, de sorte que l'on ne saurait y voir, là non plus, une quelconque violation de son droit à obtenir une décision motivée et traduite en allemand. Sur ce dernier point, le recourant ne prétend au demeurant pas qu'il ne maîtrise pas le français, respectivement ne prétend pas avoir requis la traduction de la décision entreprise ni que celle-ci lui aurait été refusée à tort (cf. sur ce point art. 68 al. 2 CPP; ATF 145 IV 197 consid. 1.3.3).
6.3. Le recourant semble en outre reprocher à la Cour des plaintes de ne pas avoir donné l'occasion à la Cour des affaires pénales de se prononcer sur son recours, respectivement de ne pas avoir ordonné de débats avant de rendre sa décision. Or, dès lors qu'elle considérait le recours comme manifestement infondé (consid. 5), la Cour des plaintes a fait application de l'art. 390 al. 2 CPP qui lui permet de statuer en pareille hypothèse sans échange d'écritures ni débats (cf. art. 390 al. 5 CPP). Le recourant ne cherche pas à démontrer en quoi elle aurait fait preuve d'arbitraire ou violé d'une autre manière le droit en procédant de la sorte.
7.
Le recourant conteste ensuite le rejet de sa demande de lever partiellement le séquestre sur ses avoirs bancaires afin qu'il puisse s'acquitter de ses primes d'assurance-maladie mensuelles. Il discute également le refus de lui accorder une autorisation pour le refinancement de son immeuble séquestré, sis à Küsnacht.
7.1. Tant que le jugement motivé n'est pas rendu, la direction de la procédure incombe toujours au Tribunal de première instance (cf. art. 399 al. 2 CPP) et il appartient en principe à ce dernier (par son président), durant cette période, de statuer sur les mesures provisionnelles urgentes, telles les demandes de levée partielle de séquestre (art. 61 let. c et 388 CPP). Toutefois, dès lors que le juge de première instance s'est prononcé sur le sort de ces fonds, le principe même du séquestre ne peut pas être remis en cause à ce stade; une levée totale du séquestre n'entre pas en considération et une levée partielle ne peut se concevoir qu'à des conditions restrictives (arrêts 1B_420/2021 du 5 octobre 2021 consid. 2.2; 1B_286/2021 du 5 juillet 2021 consid. 3). Il appartient notamment au recourant de démontrer que la levée requise ne compromet pas le paiement des sommes mises à sa charge dans le jugement de première instance, et que les séquestres sont censés garantir. Tel pourrait être le cas si la valeur des biens séquestrés dépasse l'ensemble des montants mis à la charge du prévenu dans le jugement de première instance. On peut aussi envisager une levée partielle des séquestres, à ce stade, s'il s'agit de dépenses permettant de conserver la valeur des biens séquestrés. Le recourant ne peut quoiqu'il en soit se contenter de réitérer une demande de levée de séquestre qui a déjà été rejetée précédemment, sans faire valoir d'éléments nouveaux (arrêts 1B_420/2021 du 5 octobre 2021 consid. 2.2; 1B_586/2020 du 2 février 2021 consid. 3).
7.2. En l'occurrence, le recourant a déjà précédemment requis de nombreuses fois la levée partielle des saisies frappant ses avoirs bancaires pour s'acquitter de différentes factures (notamment pour couvrir l'entretien de son fils, ses frais médicaux et régler les primes annuelles de son assurance-maladie [cf. arrêts 1B_16/2022 du 24 février 2022; 1B_420/2021 du 5 octobre 2021; 1B_509/2020 du 2 octobre 2020]). Le 23 décembre 2021, la Cour des affaires pénales avait déjà rejeté une telle requête au motif qu'elle ne disposait pas de tous les éléments pour appréhender la situation financière du recourant, malgré plusieurs demandes de clarification (cf. arrêt 1B_16/2022 du 24 février 2022). Dans une précédente décision rendue le 9 septembre 2020 en lien avec le séquestre de l'immeuble du recourant (BB.2020.212 consid. 2.3.3), confirmée par le Tribunal fédéral le 18 décembre 2020 dans l'arrêt 1B_503/2020, la Cour des plaintes avait également considéré que les documents présentés par le recourant étaient insuffisants pour établir sa situation financière, en particulier une éventuelle atteinte à son minimum vital (sur l'étendue du séquestre, sous l'angle du respect des conditions minimales d'existence, voir ATF 141 IV 360 consid. 3.2).
La décision attaquée fait le même constat, relevant qu'aucune pièce au dossier ne permet d'aboutir à un résultat différent, respectivement que le recourant se limite à alléguer son impécuniosité sans le démontrer; elle mentionne en outre qu'il ne ressort pas du dossier que le capital saisi serait affecté au paiement courant des frais indispensables au recourant et que l'intéressé disposerait d'autres ressources au vu de son train de vie (19 déplacements en avion depuis Zurich ou Larnaca entre le 11 juillet 2020 et le 3 janvier 2021).
Dans son recours, le recourant se limite en substance à prétendre qu'il n'aurait aucun revenu, qu'il serait fortement endetté en raison de sa maladie, que, lors d'une saisie effectuée le 10 janvier 2022, l'Office des poursuites aurait constaté qu'il n'avait aucun bien saisissable. Ce faisant, le recourant ne démontre pas, conformément aux exigences de motivation requises interdisant les critiques appellatoires (cf. supra consid. 4.1), que des éléments nouveaux dûment allégués et justifiant une nouvelle décision n'auraient pas été pris en considération par l'autorité précédente.
Le recourant n'expose pas non plus en quoi, à ce stade, les conditions restrictives pour une levée partielle des séquestres, respectivement une modification de l'inscription visant l'immeuble séquestré seraient en l'espèce réalisées. Sur ce dernier point, la décision attaquée observe que l'obtention d'un nouveau prêt hypothécaire tend à diminuer la valeur nette de l'immeuble saisi et que le recourant avait déjà essayé de récupérer la cédule hypothécaire grevant d'autres immeubles saisis dans le cadre de la procédure devant la Cour des affaires pénales, mettant ainsi en péril la substance desdites valeurs patrimoniales séquestrées. Le recourant se borne à cet égard à indiquer que le refinancement qu'il requiert lui permettrait de reconstituer son avoir LPP et donc de " protéger sa famille en cas de décès ". Ce faisant, il ne discute pas les considérations de l'autorité précédente. Il n'indique en particulier pas pour quels motifs le refinancement de l'immeuble séquestré permettrait de conserver la valeur de ce bien et on n'en distingue aucun.
7.3. En définitive, il n'apparaît pas que la Cour des plaintes a violé le droit en considérant que les éléments avancés par le recourant ne commandaient ni de lever partiellement le séquestre portant sur ses avoirs bancaires ni de faire droit à sa requête tendant à obtenir l'autorisation de procéder au refinancement de son immeuble séquestré.
8.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Cette issue étant prévisible, la demande d'assistance judiciaire doit également être rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.
 
Lausanne, le 26 avril 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Juge présidant : Jametti
 
La Greffière : Nasel