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BGer 1C_752/2021 vom 19.05.2022
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
Tribunal federal
 
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1C_752/2021
 
 
Arrêt du 19 mai 2022
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix et Jametti.
 
Greffier : M. Alvarez.
 
 
Participants à la procédure
 
Ville de Sierre, rue du Bourg 14, 3960 Sierre,
 
représentée par Me Emmanuel Crettaz, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
A.________ SA,
 
B.________,
 
tous les deux représentés par Me Daniel Udry, avocat,
 
intimés,
 
Conseil d'Etat du canton du Valais,
 
place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
 
Objet
 
Autorisation de construire; prolongation,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, du 28 octobre 2021 (A1 20 148).
 
 
1.
Les parcelles attenantes n os 12975, 12978, 12979, 12982 et 12966, plan n o 119, du cadastre communal de Sierre sont affectées à la zone constructible.
Le 17 décembre 2013, le Conseil communal de Sierre a délivré à B.________ l'autorisation d'y construire plusieurs appartements. Informé de la prochaine caducité du permis de construire, B.________ en a sollicité la prolongation, le 2 juin 2017. Le 20 juin 2017, le conseil communal a rejeté cette demande.
Après différentes procédures de recours cantonal ayant pour objet ce refus de prolongation, le Conseil d'Etat du canton du Valais a, par prononcé du 18 septembre 2019, annulé la décision du 20 juin 2017 et renvoyé la cause à la commune pour nouvelle décision dans le sens des considérants, qualifiant ce refus d'illégal: le conseil communal "tabla[i]t à tort sur une absence de justes motifs et se référa[i]t à des modifications de l'ordre juridique déjà réalisées à la date où il avait notifié le permis de construire, ou non encore intervenues à la date où il avait décidé ce refus" (arrêt attaqué, let. E, p. 5 in initio).
Par décision du 7 avril 2020, le conseil communal a maintenu son refus de prolonger la durée de validité du permis de construire, considérant que la situation juridique avait évolué depuis le 6 juin 2014. Le 24 juin 2020, le Conseil d'Etat a annulé cette décision et sommé le conseil communal d'accorder la prolongation requise, décision confirmée par le Tribunal cantonal le 28 octobre 2021.
Par acte du 7 décembre 2021, la Commune de Sierre recourt auprès du Tribunal fédéral en concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation de sa décision du 7 avril 2020, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer. Le Conseil d'Etat demande le rejet du recours. Les intimés concluent à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet, dans la mesure de sa recevabilité. Aux termes d'un ultime échange d'écritures, la recourante et les intimés persistent dans leurs conclusions respectives.
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
2.1. Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
La commune recourante, qui se prévaut de son autonomie, bénéficie en principe de la qualité pour recourir dans la mesure où l'arrêt attaqué concerne l'aménagement local et la police des constructions, domaines dont la compétence lui est attribuée - sous réserve des législations cantonale et fédérale (cf. art. 6 de la loi valaisanne sur les communes du 5 février 2004 [LCom/VS; RS/VS 175.1]) - par la constitution et la législation cantonales (cf. arrêts 1C_419/2019 du 14 septembre 2020 consid. 2.1; 1C_549/2012 du 2 octobre 2013 consid. 5.1.1 publié in RDAF 2014 I 30).
2.2. Au stade du recours, la commune mentionne certes son autonomie ainsi que son droit d'être entendue; elle ne développe cependant à cet égard aucun grief répondant aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 3.2 ci-dessous). En réplique, elle revient de manière plus circonstanciée sur ces questions; elle complète également son argumentation s'agissant de l'arbitraire. Elle perd ce faisant de vue que le droit de réplique n'a pas vocation à permettre la présentation d'arguments nouveaux ou des griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours. La recourante ne saurait par ce biais remédier à une motivation défaillante ou compléter les motifs de son recours, spécialement lorsque sont invoqués, comme en l'espèce, des griefs constitutionnels soumis au principe d'invocation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3; arrêt 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 2). Les explications et éléments nouveaux ainsi présentés au-delà du délai de recours sont partant irrecevables.
2.3. Dans une première partie de son écriture, la recourante expose son propre état de fait. Une telle argumentation, dans la mesure où elle s'écarte des faits établis dans l'arrêt attaqué ou les complète, sans qu'il soit indiqué que ceux-ci seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est également irrecevable (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; arrêts 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 2; 1C_518/2019 du 8 juillet 2020 consid. 2).
3.
La cour cantonale a considéré que la décision du Conseil d'Etat du 18 septembre 2019 revêtait la force de chose jugée, de sorte que les droits et obligations dérivant de celle-ci ne pouvaient plus être discutés. Or, cette décision intimait à la commune de délivrer la prolongation requise. La commune recourante conteste cette appréciation; elle estime que le noeud du litige concernerait l'interprétation de la décision du Conseil d'Etat du 18 septembre 2019 dont les motifs seraient flous, si bien qu'il lui était loisible de refuser la prolongation. Selon elle, les conditions de l'art. 53 al. 4 de l'ancienne ordonnance sur les constructions du 2 octobre 1996 (abrogée le 31 décembre 2017; aOC; RS/VS 705.100) ne seraient pas réalisées. Cette disposition prévoit que l'autorité compétente peut, pour de justes motifs, prolonger de deux ans au plus la durée de validité d'une autorisation de construire; la prolongation est exclue lorsque la situation de fait ou de droit déterminante au moment de l'octroi de l'autorisation de construire a changé.
3.1. L'autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (cf. ATF 144 I 11 consid. 4.2; 142 III 210 consid. 2.1 et les références). Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits (ATF 144 I 11 consid. 4.2; 139 III 126 consid. 3.2.3). Selon la jurisprudence, l'autorité de la chose jugée relève du droit fédéral pour autant que les prétentions déduites en justice se fondent sur ce droit (ATF 125 III 241 consid. 1; 121 III 474 consid. 2) et du droit cantonal lorsque les prétentions en cause reposent sur le droit cantonal (ATF 144 I 11 consid. 4.2 précité; arrêt 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.2).
3.2. En l'occurrence, l'argumentation de la recourante repose sans conteste sur le droit cantonal dont le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain (ATF 139 I 57 consid. 5.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables; encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 305 consid. 4.4). La recevabilité du grief d'arbitraire, à l'instar de ceux déduits du droit constitutionnel et conventionnel, suppose l'articulation de critiques circonstanciées, claires et précises, répondant aux exigences de motivation accrues prévues par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 IV 286 consid. 1.4). Les critiques appellatoires sont, en particulier, irrecevables (ATF 140 III 264 consid. 2.3).
3.3. La décision du Conseil d'Etat du 18 septembre 2019 n'a pas été contestée. La recourante affirme certes que s'agissant d'une décision incidente son recours cantonal aurait été irrecevable, si bien - à la comprendre - que ses motifs pourraient encore être débattus à ce stade de la procédure. Elle se contente cependant de citer l'art. 41 al. 2 de la loi cantonale sur la procédure et juridiction administratives du 6 octobre 1976 (LPJA; RS/VS 172.6), qui prévoit que les décisions préjudicielles ou incidentes pouvant causer un préjudice irréparable sont susceptibles d'un recours séparé. La recourante ne démontre cependant pas, au mépris des exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi il serait arbitraire d'avoir considéré, en application de cette disposition - et du droit cantonal de procédure administrative, en général - que la décision du 18 septembre 2019 avait force de chose jugée et qu'elle ne pouvait partant plus être discutée; on peut d'ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la recourante, douter que la condition du préjudice irréparable n'était en l'occurrence pas réalisée, la décision du 18 septembre 2019 pouvant, pour les motifs qui suivent, sans arbitraire être comprise comme l'injonction de délivrer la prolongation requise (cf. ATF 145 V 280 consid. 1.2).
Il s'ensuit que les critiques dirigées contre les motifs de la décision du 18 septembre 2019 (de même que contre les décisions précédentes), qui constituent l'essentiel du recours, sont irrecevables. Il en va en particulier ainsi des assertions par lesquelles la recourante conteste la réalisation des conditions d'une prolongation de l'art. 53 al. 4 aOC.
3.4. Il n'est ainsi plus discutable que les conditions d'octroi d'une prolongation étaient réunies. Ainsi et dès lors que la recourante se limite à des critiques strictement appellatoires et qu'elle ne prétend au surplus pas - ni ne démontre - que le droit cantonal prévoirait des exigences supplémentaires à celles découlant de l'art. 53 al. 4 aOC, la décision du Conseil d'Etat du 18 septembre 2019 peut sans arbitraire être comprise comme une injonction de délivrer la prolongation requise, à laquelle elle ne s'est pas conformée.
3.5. Il s'ensuit que, dirigé pour l'essentiel contre les motifs d'une décision entrée en force et faute au surplus de répondre aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, le recours doit être déclaré irrecevable. Le présent arrêt est rendu sans frais, la commune recourante agissant dans le cadre de ses attributions officielles (art. 66 al. 4 LTF). Celle-ci versera en revanche des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 4 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est irrecevable.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais de judiciaires.
 
3.
 
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux intimés à la charge de la Commune de Sierre, à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Conseil d'Etat du canton du Valais ainsi qu'à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais.
 
Lausanne, le 19 mai 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Kneubühler
 
Le Greffier : Alvarez